A Brazzaville, les dirigeants politiques et les experts ont constaté qu’il existe un écart criant entre les taux de croissance affichés par les pays africains et le niveau des placements des populations dans les institutions financières. Une des pistes susceptibles de rendre plus attrayant ce secteur est le renforcement de l’outil « mobile banking ».
Tablant sur les faibles taux de bancarisation constatés dans la plupart des pays africains, atteignant difficilement les 10 % de la population, les sommités réunies dans la capitale congolaise ont d’emblée démontré que cette réalité contrastait avec les taux de croissance affichés sur le continent. Elles ont ainsi formulé la recommandation de voir la bancarisation des populations africaines coulée dans cette dynamique de croissance et d’expansion macro-économiques. Jusqu’à ce jour, sur dix africains, un seul est bancarisé. Au cours de ces travaux organisés vendredi 25 juillet dernier, avec comme thème principal « les défis de la bancarisation en Afrique », les participants ont, certes, souligné la nécessité de faciliter le processus, qui, est un élément-clé dans le développement économique et social. Il induit, entre autres, la sécurisation des avoirs des personnes physiques et morales, la collecte des revenus par la puissance publique et une interactivité au niveau des échanges financiers. Cependant, ils ont également égrainé les freins à la dynamique, notamment la faiblesse des réseaux bancaires, l’irrégularité ou l’insuffisance des revenus dans le chef des populations, un manque d’infrastructures appropriées.
Afin de remédier, progressivement, à cette situation, plusieurs donnes doivent être réunies : des classes moyennes effectives, la confiance évidente. Les thèmes discutés, au sein des groupes de travail constitués pour la circonstance, ont facilité la réflexion, en abordant, essentiellement, les questions relatives à la confiance, à l’innovation, dans le domaine de la circulation de l’argent. Cependant, de gros efforts doivent être fournis par les Etats pour sécuriser le secteur en assainissant plusieurs domaines comme ceux relatifs à la législation et au climat des affaires.
Ces réalités ont amené les participants à la 3è édition du Forum Forbes Afrique, à scruter des pistes à explorer : élimination des distorsions dues, surtout, au laxisme des organes de supervision bancaire, utilisation des instruments comme le crédit-bail ou d’autres formes de garantie pour éviter les difficultés créées par des déficiences de droit, harmonisation des approches de réglementation dans chaque zone en facilitant l’entrée sur le marché, mise en place de la supervision.
Dans cette dynamique, des faits de terrain tendent à démontrer qu’un outil peut être efficace à la participation importante des populations africaines dans la bancarisation : l’utilisation, à grande échelle et de manière efficiente, du « mobile banking». C’est en fait le résultat de l’entrée fracassante du téléphone mobile dans la facilitation des opérations du secteur bancaire. Selon des études recoupées, les réseaux des télécommunications en Afrique attendraient, directement ou indirectement, près de 80 % des populations, aussi bien dans les milieux urbains que ruraux.
Des exemples illustratifs
Au Kenya, trône le système M-Pesa développé par Safaricom. Cette entreprise est parvenue à développer une toile d’environ 50.000 agences, présentes sur tout le territoire national, connectant plus de 16 millions d’utilisateurs, aussi bien dans les agglomérations urbaines que dans les campagnes, et brassant quelque 650 millions de dollars. De l’autre côté du continent, au Congo-Brazzaville, les chiffres sont aussi intéressants. En ayant comme partenaire technique la BGFI banque, la société Airtel a pu, par le biais de son instrument Airtel Money, réunir 500.000 comptes, faciliter 100.000 transactions par jour. Pas moins de 500 points de vente sont opérationnels dans le pays et 150 partenaires facilitent les échanges financiers. Les populations africaines, qui ont des problèmes à accéder aux mécanismes bancaires traditionnels, paraissent se retrouver dans cette dynamique. C’est, peut-être, là, où se situe, aussi, le début du développement d’un modèle de bancarisation, propre à l’Afrique, qu’ont recommandé les participants aux assises de Brazzaville.
Ces travaux ont connu la participation de plusieurs chefs d’Etat : le congolais Denis Sassou N’Guesso, le nigérien Mahamadou Issoufou et le guinéen Alpha Condé. Des experts de renom, comme le président de la Fédération des entreprises du Congo-Kinshasa, Albert Yuma Mulimbi, l’ancien conseiller spécial du président français, Jacques Attali, le directeur général du groupe Ecobank, le ghanéen Albert Essein, ont apporté des contributions enrichissantes. La communication de l’ancien président français, Nicolas Sarkozy, a été bien suivie, ainsi que son séjour à Brazzaville. Pour sa conférence payée, il aurait touché pas moins de 100.000 euros, « à titre d’ami ».