Juste quelques jours après sa nomination comme DG, Christine Tusse s’est rendue le 12 juin à la direction générale de la société à Boma. Il s’est agi d’une « mission de travail » qu’elle a poursuivie à Muanda, dans le Kongo-Central. Sur place, elle a tenu des réunions avec les directeurs ainsi qu’avec la délégation syndicale sur la problématique du plan financier de la Congolaise des voies maritimes (CVM). L’ex-Régie des voies maritimes (RVM) accuse une dette sociale évaluée en centaines de milliers de dollars. Les arriérés des salaires remontant, pour les mieux servis, à plus de six mois, selon des sources syndicales dans l’entreprise. Par ailleurs, la CVM est surendettée et les créanciers sautent à la moindre occasion de rentrée financière pour réclamer leur dû, bien souvent devant les cours et tribunaux.
Un monstre marin
Il y a peu, les comptes de la Congolaise des voies maritimes ont été débloqués par un tribunal de Boma suite à des pressions politiques, a-t-on appris. Plus de 800 agents de cette entreprise ont battu le pavé dans cette ville, scandant des jurons contre le régime en place, à telle enseigne que le gouverneur de province, Jacques Mbadu, originaire de cette ville se serait mêlé de l’affaire. Le juge dit avoir fondé sa décision de levée de main sur les actes uniformes de l’OHADA (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires) relatifs aux entreprises commerciales. Ces actes interdisent notamment la saisie des comptes des entreprises telle que la CVM, quels que soient les différends ayant trait à des créances. Pour autant, l’ancienne régie des voies maritimes n’est guère à l’abri d’une bourrasque financière.
La délégation syndicale de cette entreprise a invité la nouvelle directrice générale à « payer les arriérés des salaires ainsi que les avantages et les prises en charge » dus aux agents.
Ici, l’on admet mal que des navires accostent en grand nombre depuis la décision du gouvernement d’amender le décret sur l’importation des véhicules de plus de 10 ans d’âge, alors que la paie continue à poser davantage problème. À la CVM, on a pris l’habitude de comparer les arriérés des salaires à l’hydre de Lerne, ce légendaire monstre marin à multiples têtes qui croissaient à chaque fois qu’on les coupait toutes d’un coup. À la faveur d’un échange avec les travailleurs sur le chantier naval de la CVM, Christine Tusse a sollicité la collaboration et la patience de l’ensemble du personnel durant cette période difficile que traverse l’entreprise. La directrice générale de la Congolaise des voies maritimes a notamment assuré les agents qu’en dépit des difficultés, un effort sera déployé pour soulager tant soit peu le personnel afin d’éviter la pérennisation du malaise social.
À la suite du processus de transformation des entreprises du groupe du Portefeuille de l’État, mené par le Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques (COPIREP), la Congolaise des voies maritimes a pour objet, depuis la mutation de ses statuts en 2010, l’étude de la navigabilité et de l’aménagement des espaces maritimes de la République démocratique du Congo, notamment du bief maritime, l’exécution des travaux d’aménagement et d’entretien du bief maritime et des autres espaces maritimes de la RDC. Elle a aussi pour objet le pilotage des bateaux opérant dans les espaces maritimes de la RDC, notamment dans le bief maritime, la radiocommunication, l’exploitation commerciale du chantier naval, la commercialisation du sable dragué et de ses produits dérivés ainsi que le nettoyage et la désinfection des navires desservant les ports maritimes.
Le gouvernement dirigé par Matata Ponyo avait levé l’option d’accroître les capacités opérationnelles de dragage de la Congolaise des voies maritimes en recourant à un partenaire privé afin d’assurer une calaison suffisante sur le bief maritime. Il avait également approuvé l’instauration d’une nouvelle redevance maritime de 2,47 dollars la tonne, devant être payée par les armateurs à la Congolaise des voies maritimes. Les frais collectés doivent servir à financer les travaux de balisage du bief maritime qui ouvrent sur les trois ports internationaux de la RDC, à savoir Banana, Boma et Matadi. La principale source des recettes de l’ex-RVM aura longtemps été la taxe à la navigation maritime. Qui ne valait plus que du menu fretin.
Polémique sur le coût d’une drague
Ainsi pour son efficience et sa rentabilité, le ministère des Transports et des Voies de communication a négocié pour la Compagnie des voies maritimes un contrat de partenariat public-privé avec la firme Trading. Celle-ci est spécialisée dans le balisage maritime. Initialement, c’est un contrat de 10 ans renouvelables. Il est vrai que la firme Trading a déjà réalisé trois opérations de balisage sur le bief maritime, avec succès. Et que, par ailleurs, l’État n’a pas les capacités de lever 35 millions de dollars pour doter la CVM d’une drague adéquate à ses missions régaliennes. Réaction des experts-maison : le montant avancé par le gouvernement n’est qu’un fallacieux montage financier afin de justifier le partenariat entre la Congolaise des voies maritimes et la firme Trading.
Aussi au sein de la société, l’on rappelle que la drague tombée en panne a été acquise à moins de 100 000 euros en Grèce vers 2007. Cette drague débaptisée « Ngole Iliki » par l’ancien administrateur délégué général de la CVM, Robert Mbuinga, devrait, en pratique, faire tout : dragage, balisage, pêche, trafic, etc. Dans le cadre du Projet de transport multimodal (PTM) financé essentiellement par la Banque mondiale, la cellule d’exécution de ce projet, CEPTM, a approché la société française ALU Marine en vue d’un contrat de fourniture, pour environ 870 000 euros, des deux vedettes hydrographiques neuves équipées chacune d’un système automatique de positionnement GPS et de traitement des données bathymétriques.