POUR le second semestre de l’année, le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) prévoit de venir en aide à plus de 8 millions de personnes en République démocratique du Congo, dont près d’un million de personnes parmi les plus touchées par la pandémie de nouveau coronavirus, contre un chiffre record de près de 7 millions en 2019. Les conflits armés résiduels dans l’Est et le Covid-19 aggravent la situation de la RDC qui considérée paradoxalement comme l’une des crises de la faim les plus importantes mais les moins bien financées au monde.
Le PAM a donc tiré la sonnette d’alarme : sans une aide accrue, il y a péril en la demeure. Des chiffres qui font froid au dos ont été révélés dernièrement lors d’un point de presse virtuel à partir de Genève par Elisabeth Byrs, la porte-parole du Programme alimentaire mondial. Sur les 100 millions de personnes que compte la RDC, 4 sur 10 souffrent d’insécurité alimentaire, 15,6 millions de personnes souffrent de crise de la faim ou d’urgence alimentaire, selon les données les plus récentes à l’échelle du pays. D’après elle, ce ne sont que des projections qui pourraient s’empirer à cause de la pandémie de nouveau coronavirus.
Au bord du gouffre
Sans les fonds nécessaires, a-t-elle insisté, l’agence onusienne sera en effet astreinte à réduire son assistance en termes de rations alimentaires, d’appui financier et de nombre de personnes à assister. Par ailleurs, les interventions du PAM visant à traiter et prévenir la malnutrition aiguë qui affecte 3,4 millions d’enfants en RDC, sont pour le moins en danger immédiat. Elisabeth Byrs a fait savoir que la malnutrition est particulièrement répandue dans l’Est du pays. « Des conflits et des décennies de combats ethniques brutaux et opportunistes ont forcé des millions de civils à quitter leurs foyers, souvent à plusieurs reprises », a-t-elle indiqué. Pour sa part, Claude Jibidar, le représentant du PAM en RDC, a ajouté : « Tant de Congolais sont au bord du gouffre, et risquent encore plus de se retrouver au bord du gouffre. Le monde ne peut pas laisser cela se produire, bien qu’il s’inquiète, à juste titre, du lourd tribut que la Covid-19 fait payer aux vies et aux moyens de subsistance ailleurs. » Et cette année encore, la récolte devrait être inférieure à la moyenne dans une grande partie de la RDC en raison de la sécheresse, des inondations et des infestations des ravageurs, ainsi que de l’accès limité des agriculteurs à leurs champs en raison de l’insécurité et des restrictions de circulation imposées par la Covid-19.
« Pourtant, avec quelque 80 millions d’hectares de terres arables – la deuxième plus grande surface de ce type au monde après le Brésil – et la moitié des ressources en eau de l’Afrique, la RDC a le potentiel de produire plus qu’assez de nourriture pour sa population », a affirmé Elisabeth Byrs. En attendant, des maladies mortelles, comme le paludisme et le choléra, aggravent le problème de la faim. Au moment où la dixième et plus importante épidémie d’Ebola a pris fin en juin, après avoir fait près de 2 300 victimes dans l’Est du pays, la onzième épidémie a éclaté dans le Nord-Ouest et continue de se propager. De son côté, la région du Kasaï-central est l’épicentre d’une épidémie de rougeole à grande échelle, qui augmente considérablement le risque de décès chez les enfants souffrant de malnutrition.
Plus largement, la vague de violence qui s’est déroulée en RDC au cours du premier semestre 2020 – dont une partie serait constitutive de crimes de guerre – a déraciné plus d’un million de personnes. La plupart des plus de cinq millions de Congolais déplacés à l’intérieur du pays – la plus grande population de ce type en Afrique – vivent dans des camps de fortune et des zones urbaines où les conditions sanitaires et les soins de santé sont médiocres. Ce qui les rend particulièrement vulnérables à la Covid-19. « Le PAM fournit à beaucoup d’entre eux de la nourriture ou de l’argent », a relevé la porte-parole de l’agence onusienne.