LES DÉPUTÉS européens vont voter le 3 octobre pour imposer de nouvelles normes sévères d’émissions de CO2 des véhicules à l’horizon 2030. Mais la veille, ils débattront à Strasbourg des futures émissions de CO pour les véhicules à l’horizon 2030 en vue du vote du lendemain.
Les spécialistes pensent que c’est « un moment crucial pour l’avenir de l’industrie européenne », alors que s’ouvrira le Mondial de l’automobile de Paris, premier salon de voitures particulières du monde par sa fréquentation. Un télescopage des dates hautement symbolique.
Pari difficile à tenir
Le 10 septembre dernier, la commission Environnement du Parlement européen a prôné une réduction drastique de 45 % des émissions de CO des voitures mais aussi des véhicules utilitaires de moins de 3,5 tonnes d’ici à 2030.
Le projet fixait en outre un objectif intermédiaire d’une réduction de 20 % d’ici à 2025. Le Parti populaire européen (PPE), principale formation du Parlement, ne soutient pas toutefois ce texte en l’état.
Le projet se montrait en tout cas bien plus exigeant que le projet initial de la Commission de Bruxelles, laquelle prônait une réduction de 15 % des émissions de dioxyde de carbone avant 2025 et de 30 % à horizon 2030. Un pari déjà très difficile à tenir.
L’ACEA (Association des constructeurs européens d’automobiles) avait aussitôt qualifié la proposition d’irréaliste. Les constructeurs sont déjà passés de 160,8 grammes de CO au km pour les voitures neuves en moyenne il y a dix ans, à 118,6 l’an dernier. L’objectif en cours, déjà acté, vise les 95 grammes en 2021.
Le dernier mot aux États
Quel que soit le vote du Parlement européen, les États auront toutefois le dernier mot. Et les constructeurs espèrent qu’une fois de plus, Angela Merkel, la chancelière allemande viendra au secours de l’industrie auto allemande, et de là européenne.
Celle-ci a d’ailleurs fait savoir qu’une réduction des émissions de dioxyde de carbone au-delà de l’objectif de 30 % d’ici à 2030 pourrait entamer la compétitivité des constructeurs automobiles.
« Tout ce qui irait au-delà comporte le risque de voir l’industrie automobile exclue de l’Europe et les constructeurs produire ailleurs les véhicules que nous achèterions ici », a -t-elle indiqué devant des chefs d’entreprise à Berlin. Paris est pour l’instant resté silencieux sur le sujet, au grand dam des constructeurs français, notamment PSA.
Le projet de la commission Environnement du Parlement européen, s’il était acté tel quel, cantonnerait en effet les moteurs essence et diesel à quelques applications particulières comme les modèles à bas coûts. Les électriques, hybrides rechargeables ou véhicules à hydrogène – dont la mise au point et le déploiement demeurent balbutiants – deviendraient alors majoritaires pour répondre à ces normes draconiennes.
À condition toutefois… que la technologie, la production d’électricité, le nombre de bornes de recharge, soient adaptés aux usages de l’automobiliste, et ce, à un coût acceptable. « Il y a entre 20 et 25 000 bornes publiques de recharge en France, souligne Olivier Salvat, directeur du programme hybride rechargeable de PSA. Or, il en faudrait 200 à 230 000 en 2025 ».
Le cabinet Alix Partners table ainsi sur une part de marché des modèles verts (utilitaires compris) de 40 % seulement en Europe vers 2030. Une prévision jugée d’ailleurs très optimiste pas les constructeurs, comme PSA. Les ventes de véhicules électrifiés (comprenant les hybrides rechargeables et les 100 % électriques) pourraient passer au total de 280 000 unités en 2017 en Europe à 3,5 millions en 2025, d’après le groupe français. Soit 20 à 25 % à peine du marché total présumé.
Du coup, le respect des futures normes envisagées serait impossible. Une seule chose est sûre : les investissements dans l’électrification seront multipliés par dix dans les huit prochaines années à 255 milliards de dollars, d’après l’étude d’Alix Partners publiée ce mois-ci.