FIN D’UNE AFFAIRE. Bernard Tapie et Stéphane Richard, le PDG d’Orange, ont bénéficié mardi 9 juillet d’une relaxe générale dans l’affaire de l’arbitrage contesté en faveur de l’homme d’affaires français dans son contentieux avec le Crédit Lyonnais. Le tribunal correctionnel de Paris a tout simplement relaxé Bernard Tapie, Stéphane Richard et quatre autres prévenus, jugés dans l’affaire de l’arbitrage controversé qui avait octroyé 403 millions d’euros à l’homme d’affaires en 2008.
Me Hervé Temime, l’un des avocats de Bernard Tapie, a salué « un jugement d’une netteté exceptionnelle », rendu « avec une indépendance rare », alors qu’une peine de cinq ans de prison ferme avait été requise le 1er avril contre l’ancien ministre de la Ville, jugé pour « escroquerie » et « détournement de fonds publics ».
« Très ému », simplement
Le patron du groupe de médias La Provence, 76 ans, absent au délibéré en raison d’une récidive de son double cancer, a été « très très ému », selon Me Temime. « Mon cancer vient d’en prendre un sale coup dans la gueule », s’est-il réjoui mardi dernier dans La Provence, à l’annonce de la relaxe générale prononcée à Paris. « C’est bien la preuve qu’il faut toujours, toujours, se battre jusqu’au bout », a ajouté l’homme d’affaires, cité par le quotidien dont il est l’actionnaire majoritaire.
Pour le tribunal, « aucun élément du dossier ne permet d’affirmer » que la sentence d’arbitrage, définitivement annulée au civil, « ait été surprise par la fraude ou par des manœuvres frauduleuses qui auraient été commises par Tapie ». Pour la présidente Christine Mée, « les éléments constitutifs du délit d’escroquerie ne sont pas caractérisés ». Elle n’a pas en plus retenu l’infraction de « détournement de fonds publics » ou de « complicité » de ce délit. Bernard Tapie a toujours nié avoir « volé le contribuable ».
Poursuivi pour complicité
L’actuel PDG d’Orange était, lui, poursuivi pour « complicité » en tant qu’ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde, à l’époque ministre de l’Économie. « C’est un immense soulagement de voir mon innocence totalement reconnue par ce tribunal », a réagi Stéphane Richard, qui aurait vu son avenir à la tête d’Orange compromis en cas de condamnation. Des peines de trois ans de prison dont 18 mois ferme, 100 000 euros d’amende et une interdiction de la fonction publique pendant cinq ans avaient été demandées contre Stéphane Richard et Jean-François Rocchi, ex-dirigeant du Consortium de réalisation (CDR), chargé de gérer le passif du Crédit Lyonnais.
L’accusation reprochait au patron d’Orange d’avoir favorisé les intérêts de la partie Tapie dans l’arbitrage, ce qui n’est « pas rapporté » selon le tribunal. Visiblement soulagé, Stéphane Richard l’a été à l’annonce du verdict de l’affaire Tapie, dans laquelle il a finalement été relaxé. Depuis plus d’un an, il s’était préparé à faire face à ce périlleux verdict en s’entourant des bonnes personnes. Une manœuvre importante pour s’assurer qu’il serait bien remplacé si besoin… et éviter un hypothétique coup de couteau dans le dos.
En mai 2018, à l’occasion de son renouvellement de mandat, il a réorganisé son équipe dirigeante pour supprimer les baronnies et s’assurer le soutien d’alliés fidèles, a priori plus soucieux de la réussite collective que de leurs carrières personnelles. Il a d’abord enregistré le départ pour Les Echos de Pierre Louette, l’ex-secrétaire général avec lequel il était en conflit larvé. La réputation d’Orange est donc épargnée. Pour le parquet, Bernard Tapie avait « truqué » l’arbitrage qui lui a accordé en juillet 2008 la somme inédite de 45 millions d’euros au seul titre du préjudice moral, en réparation d’une « faute » du Crédit Lyonnais lors de la revente de l’équipementier sportif Adidas. Cette sentence rendue par un tribunal arbitral privé a été définitivement annulée en 2015 au civil pour « fraude » et Bernard Tapie – en faillite personnelle depuis décembre 1994 – a été condamné à restituer les millions perçus, dont le montant et les délais de remboursement sont encore débattus.
Christine Lagarde, la future présidente de la Banque centrale européenne (BCE), avait été condamnée fin 2016 pour « négligence » pour ne pas avoir exercé de recours contre cet arbitrage quand elle était à Bercy. La Cour de justice de la République (France) l’avait toutefois dispensée de peine. Le tribunal correctionnel ne doit pas être « la chambre d’enregistrement » de ces décisions, avait plaidé Me Hervé Temime, brocardant un dossier « vide de preuves ».