Le port de Boma pâtit du bras de fer entre le DG et les syndicats de la SCTP

Quelque 101 474 tonnes de marchandises ont transité par ce petit port, et la barre symbolique de 100 000 tonnes de marchandises manutentionnées a été également franchi en dépit de conditions de travail difficiles à la Société commerciale des transports et des ports, ex-ONATRA.

COMPARÉ à l’exercice 2017 au cours duquel la manutention a atteint 119 239 tonnes, l’on notera une baisse de près de 20 000 tonnes. C’est la conséquence immédiate de la grogne des travailleurs qui a ralenti la production de différents départements de l’ex-ONATRA en 2018. Selon les statistiques disponibles à la Société commerciale des transports et des ports (SCTP), 88 806 tonnes de marchandises ont été destinées à l’importation et 12 668 tonnes à l’exportation. Pour rappel, le port maritime de Boma dans le Kongo-Central est affecté essentiellement à la réception de véhicules importés. Il a été sorti du marasme, début 2017, quand l’alors 1ER Ministre, Samy Badibanga Ntita, a résolu d’amender le décret sur l’importation de véhicules de moins de 10 ans en le repoussant à 20 ans. Et les importateurs de véhicules ont repris à les bourrer de différentes marchandises dont des appareils électroménagers, les fameux « Bill of cost », appelés « Bikolos », en parler kinois. 

Selon le département des ports maritimes de la SCTP, 66 navires ont accosté au port de Boma en 2018, contre 72 navires en 2017. Le port maritime de Boma n’a qu’une capacité d’accueil de 4 navires de haute mer. Par ailleurs, la capacité manutentionnaire de la SCTP risque de chuter davantage du fait du nième mouvement de grève observé depuis le début de l’année. À ce jour, les travailleurs réclament 20 mois d’arriérés des salaires ainsi que d’autres avantages non perçus. 

La tension ne retombe pas

Début février, les travailleurs de la SCTP/département des ports maritimes ont accepté d’observer un service minimum, grâce à une demande solennelle du gouverneur du Kongo-Central, afin de traiter les navires qui mouillaient déjà aux larges des ports de Boma et Matadi ainsi que d’évacuer les marchandises de clients à partir de magasins des ports. Mais la décision de la direction générale de suspendre leurs leaders syndicaux pourraient raviser et radicaliser les travailleurs du département des ports maritimes dans leur tentative de paralyser les ports de Banana, Boma et Matadi. L’intersyndicale de la SCTP/Kongo-Central s’est opposée, dans une lettre ouverte datée du 21 février, à la suspension décidée par la direction générale à Kinshasa, de son président Tonodo Lokele et son adjoint Ndonda ainsi que de celle du 1er secrétaire de l’intersyndicale. La mouvance syndicale de la SCTP/Kongo-Central a même demandé à la délégation syndicale nationale à Kinshasa de suspendre sa participation aux négociations avec le gouvernement aussi longtemps que la direction générale ne revenait pas sur sa décision. 

Mais Daniel Mukoko Samba, le directeur général ad intérim de la SCTP, affiche, depuis le début de la grogne de ses travailleurs, une inflexibilité qui laisse à penser qu’il jouirait d’une couverture politique le mettant à l’abri de toute éjection… contrairement à son homologue de TRANSCO, Kirumba défenestré sur ukase du Palais de la nation, après seulement 72 heures de grève sèche des chauffeurs du transporteur public routier. À la SCTP, c’est plutôt la direction générale qui a fait évacuer tous les travailleurs du bâtiment administratif, sur le boulevard du 30 juin, avec l’aide des unités de la police. 

Quand les services s’emmêlent

Dans une note qui lui est attribuée par les milieux syndicaux et dont un vent favorable a laissé glisser une copie sous le seuil de la rédaction de Business & Finances, Mukoko Samba écrivait à l’administrateur général de l’Agence nationale de renseignements (ANR) : « (…) la direction générale a entrepris de démanteler les réseaux maffieux qui minent la société de l’intérieur. Ces réseaux tissés autour de syndicats créés et financés par des cadres dirigeants de l’entreprise et, avec la bénédiction des conseils d’administration successifs ont, depuis belle lurette, annihilé toute tentative de réforme profonde de la société. »  Et d’ajouter : « Le démantèlement de ces réseaux maffieux par le directeur général s’est notamment traduit par la suspension du directeur financier, M. Karulaje Wetshi, et du directeur des ports maritimes, M. Dikenda Nzolameso. Ces derniers font l’objet des poursuites… Toutefois, les dernières productions du procureur général de Matete au directeur général de réhabiliter les personnes poursuivies risquent de perturber la paix sociale et affaiblir la direction générale… » 

Et le DG, selon la lettre lui attribuée et par ailleurs jamais démentie, de proposer aux services : « De ce qui précède, il est souhaitable de convoquer les syndicalistes concernés, à savoir Messieurs Agbayo, Osase, Lino ; les deux directeurs de départements suspendus, Messieurs Dikenda Nzolameso et Karulaje Westhi, ainsi que l’ancien-directeur financier licencié M. Philippe Elongamea ; convoquer l’administrateur Bemba, leur interdire toute agitation ». 

Il sied ici de relever que Bemba dont il s’agit se prénomme Jean-Jacques et est le frère du Chairman du MLC, Jean-Pierre Bemba, mais il a choisi d’évoluer dans la famille politique proche de l’ancien chef de l’État, Joseph Kabila Kabange. Et en ce qui concerne la gestion du personnel de la SCTP, la direction générale admet que « la société n’est pas encore en mesure d’assurer 12 paies mensuelles dans l’année au vu de la situation financière catastrophique que nous avons héritée. (…) ».