Quinze mois sont passés depuis que la Banque centrale du Congo avait décidé de dédollariser l’économie nationale en vue d’accroître sa résilience. Cependant, les effets de cette décision ne se font pas sentir dans le vécu quotidien.
La nouvelle réglementation de change vise le retour à la monnaie nationale dans les transactions quotidiennes. Depuis septembre 2014, une directive de la Banque centrale, appuyée par le gouvernement, a interdit d’acheter ou de vendre des marchandises en devises, particulièrement en dollars, sauf dans quelques cas exceptionnels. Toutefois, dans les faits, rien n’a vraiment changé car tout s’achète en dollars ou presque. Le petit billet vert est préféré au franc dans les magasins, les boutiques, les stations-service, voire dans les églises. Bien plus, les opérations de change de rue qui avaient été formellement interdites à la suite de la directive de la BCC, et relayée par l’hôtel de ville, a étendu ses tentacules partout.
L’hôtel de ville croyait bien faire en sommant les cambistes de se regrouper pour pouvoir opérer dans des bureaux de change. La mesure avait été motivée par des considérations sécuritaires face à la recrudescence des attaques dont ils étaient victimes de la part des bandits à main armée. Cependant, la plupart des cambistes jugeaient exorbitante la caution de 3 500 dollars exigée avant d’ouvrir un bureau de change. Il est évident que nombre d’entre eux n’ont pour capital qu’à peine 100 dollars.
À l’heure du bilan, beaucoup d’observateurs pensent que la nouvelle réglementation de change n’a pas atteint son objectif faute de mesures d’accompagnement efficaces. Interrogé à ce propos, Jean-Louis Kayembe, directeur des opérations à la BCC, estime que la douane, la police, l’Agence nationale des renseignements (ANR) et les autres services spécialisés n’ont pas contribué au succès de cette mesure. On redoutait d’ailleurs que cette décision ne donnât libre cours à des tracasseries. Il semble que même les services censés faire appliquer la mesure n’étaient pas suffisamment informés. Des observateurs s’accordent sur le déficit de communication malgré la vulgarisation des grandes lignes de cette réglementation. Reste que les loyers, les crédits aux ménages, les frais scolaires, les achats… continuent d’être réglés en dollars. « La vulgarisation de cette mesure fait défaut. La BCC doit plus convaincre la population sur le bien-fondé de la dédollarisation parce que le problème est complexe », souligne un économiste.
Un processus complexe
La politique de dédollarisation a le mérite de donner plus de marge de manœuvre à la République démocratique du Congo dans la gestion du cadre macroéconomique. Elle favorise également la résilience de l’économie. Le phénomène de dollarisation était apparu comme une réponse spontanée aux politiques budgétaires erratiques et à l’hyperinflation des années 1980-1990. La perte de la marge de manœuvre en termes de politique monétaire et la dépendance excessive à l’égard des réserves en devises pour maintenir la stabilité monétaire et bancaire sont les principaux effets induits de la situation. Les experts de la Banque mondiale sont persuadés, que pour renouer avec une politique monétaire efficace, la RDC doit réduire la dollarisation. Le processus déjà entamé devrait être la priorité dans la politique monétaire en vue d’une gestion macroéconomique prudente.