Le projet de loi de finances 2021 table sur la stabilisation

L’exécutif a présenté, le vendredi 30 octobre à l’Assemblée nationale son projet de budget 2021 arrêté à 6,9 milliards de dollars. Que faut-il en retenir ?

LE PROJET de budget de l’État pour l’exercice prochain est présenté en équilibre (recettes et dépenses). C’est une programmation en baisse (-23,2 %) par rapport au budget 2020 mais en hausse comparé au collectif budgétaire ou la loi de finances rectificative sous examen à l’Assemblée nationale. Les raisons de ce rabais sont à rechercher dans la crise sanitaire du Covid-19 dont les effets néfastes ont mis en mal l’économie mondiale. On pensait que pour soutenir la reprise de l’économie nationale mise à terre par l’épidémie de Covid-19, le gouvernement allait ouvrir grand les vannes de la dépense. Apparemment, ce n’est pas la stratégie choisie par le gouvernement dans son projet de budget pour 2021. Apparemment ! 

En tout cas, pour faire face à la crise sanitaire, le projet de loi de finances présenté le vendredi 30 octobre est centré sur la stabilisation. Il est trop tôt de parler de ce budget parce que ses contours ne sont pas encore dévoilés. Néanmoins, les chefs d’entreprises espéraient que le budget 2021 servirait à améliorer la compétitivité des entreprises et à favoriser la ré-industrialisation du pays, notamment via une baisse des impôts pesant sur les sociétés. Une telle mesure fiscale illustrerait bien le soutien aux entreprises afin qu’elles passent le cap de la crise et recommencent à embaucher.

Par ailleurs, à cause de très fortes incertitudes que fait peser l’épidémie de Covid-19 sur la croissance cette année, voire l’année prochaine, le budget de l’État ne peut qu’être volontariste pour 2021. Si les finances publiques sont déjà mises à rude épreuve cette année, la priorité devra aller à la reprise économique. L’exécutif devra également décider de maintenir plusieurs engagements pris avant la crise sanitaire, notamment les salaires promis aux enseignants du primaire et du secondaire à la suite des mesures de la gratuité scolaire au primaire et de la suppression de la prise en charge des enseignants par les parents d’élèves ; mais également aux militaires et policiers. 

Changer de paradigme

Début juin, José Sele Yalaghuli, le ministre des Finances, était auditionné par la commission économico-financière de l’Assemblée nationale. Il avait donné des informations claires sur l’exécution de la loi de finances (LOFIP) de l’exercice 2020. Il avait indiqué à cette occasion que le budget de l’État « souffre du ralentissement de l’économie internationale à cause de la pandémie de Covid-19. D’après lui, cela a réduit « drastiquement les recettes publiques » avec des répercussions sur les dépenses. Il va de soi que les régies financières n’ont donc pas été épargnées. 

En réaction, le gouvernement a mis en place deux stratégies. Un : la stabilisation du cadre macroéconomique, c’est-à-dire la stabilisation des taux de change et d’inflation. À ce propos, le ministre des Finances a épinglé le « petit frémissement sur le marché de change et celui des biens et services au niveau intérieur ». Mais grâce à une politique budgétaire restrictive et une politique monétaire prudente, le niveau de la dégradation a été contrôlé, avait-il rassuré. 

Deux : l’élaboration d’un plan de relance pour atténuer les effets post-pandémie sur l’économie nationale. Dans un contexte où l’économie mondiale est au ralenti, notamment en raison des mesures sanitaires strictes, de la  baisse des cours des matières premières sur le marché international, le tableau ne peut qu’être préoccupant. 

La Fédération des entreprises du Congo (FEC) a dressé un tableau préoccupant quant aux effets du Covid-19 sur l’activité productive, en termes de nombre d’entreprises fermées, de suspension d’investissement et de contrats de travail ainsi que de pertes réalisées. Selon les estimations du gouvernement, l’approche la plus optimiste situe le taux de croissance du PIB pour l’année 2020 à 0,5 %, soit une stagnation économique, avait souligné le ministre des Finances. 

Les scénarii les plus pessimistes prédisent un recul de l’activité économique de l’ordre de -3,4 %, contre un scénario médian qui situe cette croissance à -1,9 %. Dans tous les cas de figure, l’activité économique nationale connaît un ralentissement significatif, en comparaison des années 2018 et 2019, où la croissance était respectivement estimée à 5,8 % et 4,4 %. 

Comme on peut le constater, l’économie nationale est en proie à l’effritement de ses réserves de change, du fait essentiellement de la combinaison de deux facteurs: la chute des cours de nos principaux produits d’exportation qui entraîne à la fois la diminution des recettes d’exportation et des recettes budgétaires, ainsi que l’augmentation des dépenses en devises pour le financement, principalement du Programme de 100 jours et du programme de lutte contre la pandémie de Covid-19. Dans ce cas de figure, la fragilité de l’économie nationale face aux chocs exogènes impose un changement profond de paradigme. Par exemple, un recentrage sur les sources endogènes de création de richesses pour garantir la résilience de l’économie nationale. Depuis plusieurs années, de stratégie nationale de diversification de l’économie et des réformes concrètes. Mais où en est-on avec cette réflexion. Est-ce un simple slogan politique ou une véritable déclaration de guerre ? 

Pour freiner l’hémorragie des réserves de change, le gouvernement a négocié et obtenu du Fonds monétaire international (FMI) deux soutiens financiers. Mais pour combien de temps ? Le budget de l’État, lorsqu’il est voté par le Parlement, est figé dans le temps. Dans le cas de la RDC, le budget du gouvernement a trois volets : le budget général, le budget annexe et les comptes spéciaux. La mise en œuvre de chaque volet se fait à l’aide d’un plan de trésorerie, ajustable en fonction de l’évolution de la conjoncture.

Mobilisation des recettes

Dans cette situation de crise, comment les régies financières vont-elles mobiliser davantage de recettes ? Au 1er trimestre de 2020, les recettes collectées par les trois régies financières (DGDA, DGI et DGRAD) ont été systématiquement en-deçà des prévisions du plan de trésorerie. Concernant la Direction générale des impôts (DGI), la contre-performance est due à plusieurs facteurs dont notamment le manque à gagner résultant des exonérations. Quant à la Direction générale des douanes et accises (DGDA), la taxation douanière se fait suivant les articles 61 à 68 du code des douanes,  sur base de la valeur transactionnelle ou le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées.

En allant le 27 avril dernier à l’Assemblé nationale solliciter le vote d’un collectif budgétaire, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre, avait envoyé un signal fort : le gouvernement ne pourra exécuter le budget 2020 en l’état, car les recettes attendues désormais sont en dessous des dépenses. Pour le 1ER Ministre, à l’heure du Covid-19, des contraintes budgétaires sont inévitables pour faire face à la crise sanitaire et pour ne pas arrêter la marche de l’État. 

Le ministre des Finances avait provoqué une polémique en publiant en février dernier un plan de trésorerie réduisant de 31 % les recettes fiscales et non fiscales inscrites dans le budget de l’exercice 2020. On s’en souvient. Lors du débat général sur le budget 2020 à l’Assemblée nationale, des députés avaient émis des réserves, même si notre potentiel fiscal peut laisser à penser que le pays peut et doit avoir un budget à deux chiffres entre 15 et 30 milliards de dollars. Ils ont insisté sur la nécessité de réaliser les grandes réformes structurelles, tant sur le plan de l’encadrement maximal des recettes que sur celui de la rationalisation des dépenses de l’État. Conscients que les faits économiques et financiers n’obéissent à aucune logique politique. Et c’est ce que nous vivons aujourd’hui.