DANS LE dernier rapport du Fonds monétaire international (FMI) sur les perspectives mondiales publié la semaine dernière, ses économistes sont plutôt dubitatifs. Ils émettent l’hypothèse selon laquelle le virus sera difficile à contrôler. Ils supposent en outre qu’en 2021, « les progrès sur tous les fronts dans la lutte contre le virus se révèlent plus lents que prévu (…) y compris les progrès en matière de vaccins, de traitements et de respect des directives de distanciation sociale pour contenir la propagation du virus ». Il y a à craindre une détérioration de l’activité dans les secteurs économiques où le contact est primordial, comme la restauration, avec des répercussions possibles sur d’autres pans de l’économie mondiale.
Vivre avec le nouveau coronavirus est un défi pas comme les autres. Heureusement le monde apprend chaque jour à s’adapter. La révision pour cette année reflète des données économiques meilleures que prévu enregistrées au 2è trimestre, principalement dans les pays avancées (Europe et États-Unis) mais aussi en Chine. Toutes les régions du monde sont concernées par cette amélioration, exception faite des économies émergentes et en développement, dont la prévision a été abaissée de 0,2 point à -3,3 %. Le PIB des États-Unis, première économie du monde, va plonger de 4,3 %, contre 8 % estimé précédemment, celui de la zone euro va chuter de 8,3 %, celui de la France de 9,8 %… « Pour autant, cette crise est loin d’être terminée », souligne Gita Gopinath.
Face à l’immense incertitude, le FMI a une nouvelle fois révisé en baisse le rythme de la reprise attendu en 2021 (+5,2 %, -0,2 point). « L’ascension sera probablement longue, inégale et incertaine », résume Gita Gopinath, soulignant que depuis les prévisions de juin, « les perspectives se sont considérablement détériorées dans certains pays émergents et en développement où les infections augmentent rapidement ». Après la contraction historique en 2020 et la reprise en 2021, le niveau du PIB mondial ne devrait être au final que très légèrement supérieur à celui de 2019, détaille le FMI.
À moyen terme, les perspectives sont aussi moroses puisque la distanciation sociale va probablement persister jusqu’à la fin de 2022, empêchant un véritable rebond économique. Remettre l’économie mondiale sur la trajectoire prévue avant la pandémie est compromis. Le FMI a d’ailleurs fait ses calculs : la perte cumulée de PIB pour la période 2020-2025 est estimée à 28 000 milliards de dollars. Comme la Banque mondiale, le FMI déplore que cette crise ait anéanti les progrès accomplis depuis les années 1990 dans la réduction de la pauvreté dans le monde et le fait qu’elle augmente les inégalités.
Elle note en outre que la solidarité internationale s’est renforcée. Kristalina Georgieva, la directrice générale du FMI, insiste depuis des semaines sur un élément clé : garantir que toutes les innovations (tests, traitements ou vaccins) soient produites à grande échelle et au profit de tous les pays. En attendant un vaccin, les responsables du Fonds recommandent aux gouvernements de maintenir leur aide aux plus vulnérables et d’augmenter les investissements publics en se focalisant sur les projets « verts », générateurs de plus d’emplois.
En conséquence, par rapport au scénario de référence, la récession mondiale serait aggravée. En 2021, la croissance ne serait plus que de quelque 2,2 %, contre 5,2 %, estimé dans le scénario de référence. A contrario, dans un scénario optimiste, la lutte contre le Covid-19 est plus efficace que prévu, présume le FMI. Les progrès réalisés sur les traitements commencent rapidement à réduire le taux de mortalité; la peur diminue parmi les populations et la confiance revient. De plus, « une accélération précoce et substantielle des investissements dans les capacités de production de vaccins et des accords de coopération dans la chaîne d’approvisionnement mondiale conduisent à une disponibilité précoce et généralisée des vaccins », poursuivent les économistes du FMI.
Tout ceci se traduirait par une confiance accrue dans l’efficacité et l’innocuité des vaccins, conduisant à des vaccinations généralisées. Ces avancées permettraient alors à l’activité des secteurs économiques nécessitant beaucoup de contacts (hôtellerie, restauration, tourisme, loisirs) de rebondir plus rapidement qu’anticipé dans le scénario de référence. Dans ce scénario du meilleur, la croissance mondiale s’accélère progressivement, avec une hausse du PIB d’environ 0,5 point de pourcentage plus élevée en 2021, soit 5,7 %.
Moteur de relance
Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), l’économie mondiale a besoin d’un nouveau moteur de relance économique. Dans ses déclarations écrites aux assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale, Guy Ryder, le directeur général de l’OIT, met en garde contre les niveaux élevés de pauvreté et d’inégalité causés par la crise du Covid-19. Soulignant le besoin impérieux de garantir l’accès à la protection sociale universelle, il appelle à de profondes réformes structurelles afin de mieux construire de manière plus rapide.
Au moment où, dans le monde entier, le marché du travail demeure sous le choc en raison de la crise du Covid-19 , le directeur général de l’OIT, appelle au maintien des dépenses sociales ainsi qu’à des réformes structurelles pour faire face aux dangers que constituent la pauvreté grandissante, le chômage et les inégalités. Guy Ryder a souligné les conséquences particulièrement graves de la pandémie de coronavirus qui affectent bon nombre de deux milliards de personnes qui occupent un emploi informel ainsi que celles qui ne bénéficient que d’une protection limitée comme, par exemple, les travailleurs temporaires, les travailleurs domestiques et les travailleurs migrants.
« Alors que certaines personnes ont accès aux congés maladie ainsi qu’aux services de santé et continuent de toucher leur salaire, pour beaucoup de celles qui se situent au bas de l’échelle des revenus, les conséquences du Covid-19 sont catastrophiques », écrit-il. « La crise du Covid-19 a mis en évidence des inégalités profondément ancrées. Sans effectuer des changements structurels de fond, elles ne feront que s’accroître en entraînant des conséquences difficiles à prédire ».
Basculement vers l’Asie
De nombreux pays ont adopté toute une série de mesures budgétaires de grande envergure afin de répondre à la crise, en particulier pour soutenir les revenus ainsi que les entreprises. Toutefois, l’OIT a pu constater que la relance budgétaire a été répartie de manière inégale dans le monde si on la compare à l’ampleur des perturbations sur le marché du travail. Près de neuf dixièmes du montant de la réponse à la crise en matière de relance budgétaire a concerné les économies avancées.
« Pour combler le fossé en matière de relance dans les pays émergents et dans les pays en développement, nous aurons besoin d’une plus grande solidarité internationale tout en améliorant l’efficacité des mesures de relance. Les pays les plus pauvres ne doivent pas se retrouver dans l’obligation de choisir entre honorer leurs engagements au niveau de la dette et protéger leur population », indique encore Guy Ryder.
Lorsqu’on regarde l’Asie aujourd’hui, il y a une reprise un peu incomplète en Chine, mais avec la Corée du Sud, Taïwan ou d’autres économies asiatiques, on voit une courbe de reprise en V. Ce basculement pourrait se poursuivre, car il reflète aussi une hégémonie, notamment en termes d’innovation. Une crise est toujours un accélérateur de changements structurels : 2008 a permis la montée de la Chine, 2020 permettra une montée plus globale de l’Asie, présume un économiste. La pandémie de coronavirus a plongé les économies mondiales dans une grave récession. Seule ou presque, la Chine semble arriver à tirer son épingle du jeu.