Le Gouv’ Nyamugabo dit avoir les moyens de ses ambitions. Il compte sur le budget d’investissements que lui verse le gouvernement central. Mais il n’avance aucun chiffre. Le gouverneur du Sud-Kvu dit pouvoir financer des travaux d’installation, de repli-chantier, d’installation électrique, des hydroliennes, à condition que l’entreprise qui devra remporter le marché, soit enregistrée par la Société nationale d’électricité (SNEL) et fasse preuve de réalisation des deux marchés similaires, ces 5 dernières années.
L’hydrolienne est, en pratique, une turbine hydraulique (sous-marine ou à flots) qui utilise l’énergie cinétique des courants marins ou fluviaux, comme une éolienne utilise l’énergie cinétique du vent. Certes, le Sud-Kivu est borné par les lacs Kivu et Tanganyika et aligne plus de 15 rivières qui sous, d’autres cieux, sont appelées des fleuves, comme Ulindi et Elila, mais la politique énergétique poursuivie est celle de l’hydroélectricité basée sur la construction des microcentrales.
Présomption d’improvisation
Deux projets des microcentrales sont d’ailleurs à l’étape de l’étude de faisabilité dans le territoire de Walungu, à savoir Luvinvi et Shasha. La province compte, en effet, 8 microcentrales en activité et 4 autres centrales (Ruzizi I et II, Bendera et Mungombe). La centrale régionale de Ruzizi III a, apprend-on, obtenu des fonds des partenaires extérieurs pour sa construction.
Le projet d’hydrolienne a tout l’air d’une improvisation, déplorent des experts. En outre, le projet est un pari risqué au regard des ratés que l’hydrolienne a jusque-là enregistrées à travers le monde. En juillet 2018, la firme française Naval Énergie a annoncé la fin de ses investissements dans l’hydrolien et concentrera désormais ses activités sur l’éolien flottant et l’énergie thermique des mers. Cette filiale de Naval Group avait investi 250 millions d’euros dans l’hydrolien depuis 2008 et venait juste d’inaugurer le 14 juin 2018 l’usine de Cherbourg dédiée à l’assemblage des turbines hydroliennes.
Technologie en gestation
Cette décision est justifiée par l’absence de perspectives commerciales et par un système de subventions qui n’apporte pas d’aides directes aux constructeurs pendant les phases de développement.
Le choix de la Grande-Bretagne de ne pas subventionner l’hydrolienne, ajouté à la sensibilité du Canada aux coûts de la technologie, a renforcé l’analyse d’un marché non rentable. Mise en liquidation judiciaire par un tribunal irlandais, OpenHydro ne devrait pas honorer les commandes de deux machines pour le Japon et le Canada. Les contraintes réglementaires particulièrement lourdes en France freinent le développement d’un secteur qui a déjà du mal à démarrer et l’émergence d’une filière industrielle dans un avenir proche (2020-2025) pour le maxi-hydrolien n’est pas acquis.
Plus sûr que l’éolienne
Pourtant, dix ans plutôt, dans les années 2005-2010, la volonté de développer les énergies renouvelables met un coup de projecteur sur les énergies marines et sur l’énergie hydrolienne. La maturité technique du secteur s’affirme et les investissements financiers se mettent en place. Soutenues par des politiques institutionnelles volontaristes, des études techniques et environnementales sont réalisées.
Dans le même temps, démonstrateurs et prototypes sont testés en France et un peu partout à travers le monde pour valider concepts et machines. Dix ans plus tard le constat est moins optimiste : contraintes techniques, réglementations environnementales et coûts d’exploitation élevés freinent le développement d’un secteur industriel encore fragile. Et pourtant, les hydroliennes, selon les explications des ingénieurs experts en la matière, tirent profit de la masse volumique de l’eau, 832 fois plus élevée que celle de l’air (environ 1,23 kg m−3 à 15 °C).
Malgré une vitesse de fluide moindre, la puissance récupérable par unité de surface d’hélice est donc beaucoup plus grande pour une hydrolienne que pour une éolienne. D’autre part, la puissance du courant varie avec le cube de la vitesse, ainsi, l’énergie produite par un courant de 4 m/s est 8 fois plus forte que celle produite par un courant de 2 m/s. Les sites présentant les courants forts (> 3 m/s) sont donc particulièrement favorables, mais malheureusement assez rares (quelques dizaines de sites dans le monde)!
Pourtant en 2018, en France, le constat est amer : les réalisations industrielles restent rares et le secteur des énergies marines, en particulier l’hydrolienne, peine à se développer. Les difficultés techniques liées au milieu marin telles que la corrosion, les incrustations et la cherté des opérations de maintenance ou de réparation contribuent à un coût du MWh prohibitif par rapport à d’autres énergies renouvelables. Si en Occident, l’on estime que l’hydrolienne est une énergie hors de portée de la classe moyenne, combien, à plus forte raison, ne le serait-il pas dans le Sud-Kivu?