La Société nationale de chemin de fer du Congo (SNCC) sort timidement d’une grève générale lancée par la mouvance syndicale suite à des conditions de travail jugées infrahumaines. À Lubumbashi, les cheminots de la SNCC accusent 95 mois d’arriérés des salaires. Ceux des autres zones sont à plus 250 mois, rapportent des sources internes. Et la paie en cours – grâce à laquelle le bureau syndical a lancé un appel à la reprise du travail – porte sur le mois de mars 2017. En outre, le salaire se paie au taux de 750 FC le dollar, alors que selon la Banque centrale du Congo (BCC), 1 dollar vaut plus de 1 400 FC. Voilà qui a suscité davantage la colère des travailleurs de la SNCC au point de qualifier leurs représentants syndicaux de corrompus.
Wagons abandonnés çà et là
Par ailleurs, selon une note technique de la SNCC, l’état de la voie ferrée entre les bourgades rurbaines de Kananga et Mwene-Ditu s’est considérablement détérioré ces derniers mois. Le directeur du département de Région Nord de la Société nationale des chemins de fer du Congo, Alfred Mato, a, en effet, fait part de l’urgence de réhabiliter quelque 244 km de la voie ferrée entre Kananga et Mwene-Ditu envahis par de hautes herbes et du sable. Sur ce tronçon, traverses et autres segments du chemin de fer ont été soit sabotés, soit volés. La direction générale de la SNCC à Lubumbashi dispose déjà d’un fonds pour le paiement de la main-d’œuvre constituée essentiellement de populations riveraines de la voie ferrée.
Pourtant, le gouvernement a, en effet, levé depuis mi-mai la mesure portant suspension du trafic ferroviaire dans le pays kasaïen. Cette décision a sans doute motivé aussi le chef de l’État, Joseph Kabila, qui a rassuré les opérateurs de la reprise à très court terme du trafic sur le réseau SNCC. Hélas, les opérateurs économiques devront encore patienter un peu plus longtemps. Quelque 39 wagons de marchandises à destination de Kananga, chef-lieu du Kasaï-Central, sont immobilisés depuis mars dans les gares de Mwene-Ditu, Luputa et Kanyama dans les Lomami et Haut-Lomami. Une quarantaine d’autres wagons sont bloqués, dans le sens contraire, dans les gares SNCC de Kananga et de Lubi. Il sied de rappeler que la SNCC a maintes fois interrompu son trafic suite à l’insécurité occasionnée par les miliciens de Kamuina Nsapu dans la région du Kasaï.
Insécurité permanente
Sur l’axe, Lubumbashi-Kananga, quoique électrifié en partie, un train a été intercepté à la mi-décembre 2016 sur la rivière Lubi, avant d’être relâché. Et, la mesure du couvre-feu décrétée le 30 décembre 2016 sur la ville de Kananga, de 21 heures à 5 heures du matin, par le gouverneur de province, Alex Kande Mupompa, a dû sans doute dissuader l’entreprise à poursuivre ses trafics dans la région. La SNCC SA a derechef suspendu, provisoirement, soutenait-elle, la rotation des trains courriers entre Lubumbashi et Kananga suite au climat d’insécurité qui prévaut dans le territoire de Tshimbulu, bourgade situé à près de 30 km de Kananga, apprend-on du département nord de la Société nationale de chemin de fer.
Les conditions sécuritaires autant pour les voyageurs, pour leurs biens que pour les trains courriers ne sont pas encore suffisamment garanties dans cette partie du Kasaï-Central, où les affrontements entre les forces loyalistes et les miliciens de Kamuina Nsapu sont récurrents. La SNCC SA a préféré jouer à la prudence dans le souci de se mettre à l’abri d’une potentielle dégradation de la situation dans la région, font comprendre des sources autorisées du département nord de la SNCC SA. L’axe Lubumbashi-Kananga est pourtant la plus rentable du réseau SNCC SA.
L’entreprise est dans un ambitieux projet d’acquisition progressif des locomotives neuves de fabrication chinoise dont une bonne vingtaine sur fonds du gouvernement congolais, contre 18 sur financement de la Banque mondiale. Cette dernière soutient financièrement le gouvernement de la RDC dans le projet sectoriel, Projet de transport multimodal (PTM). Le gouvernement a accordé à la SNCC SA des exonérations des droits de douane et autres taxes qui représenteraient quelque 5 millions de dollars l’an. Une goutte d’eau au regard de ce que rapporte l’axe Lubumbashi-Kananga, selon des sources au département de la région nord de la SNCC SA. La feuille de route de la Société nationale des chemins de fer accorde, en effet, une place de choix à la relance des activités en direction du Kasaï Oriental.
Dans ce plan de travail avec l’axe de Mbuji Mayi, la SNCC veut diminuer les délais d’acheminement des marchandises et ne plus avoir de grandes quantités de produits manufacturés, qui traînent dans ses entrepôts. Dans un premier temps, des locomotives avaient été prises en location, pour résoudre les urgences.
Recettes alternatives
Dans l’entre-temps la SNCC SA s’emploie à faire davantage du lobbying à travers son bureau syndical en vue de reprendre le monopole du transport des minerais dans la province du Katanga. Sinon que le gouvernement impose une taxe aux transporteurs des minerais par la voie routière qui les contraindrait à rétrocéder 30 % de ces recettes à la SNCC SA. Avec les cours mondiaux des mines dont le cuivre et le cobalt qui sont repartis au galop, la SNCC a un gros coup à jouer. Au moins 1,5 million de tonnes du métal rouge devraient être exportés l’an si les cours du cuivre se maintiennent au niveau actuel, autour de 7 000 dollars la tonne métrique. Le chemin de fer sera déterminant pour gagner en temps et en dépenses d’autant plus que le tronçon Dilolo-Lobitio a été rouvert au trafic, après une trentaine d’années de fermeture, en raison de la guerre civile, qui a ravagé cette partie de l’Angola.
Les exportateurs et autres importateurs ne vont plus emprunter les voies qui passent par l’Afrique du Sud et la Tanzanie, moins encore la liaison de l’Ouest, longue de 2000 km, qui débouchait par Matadi. Le développement des grands corridors ferroviaires inter-régions ou inter-continents a été, l’on se souviendra, la principale recommandation du 3e Congrès mondial du fret ferroviaire qui s’est tenu en 2014 à Tanger, au Maroc, sous la houlette de l’Union internationale des chemins de fer (UIC) et de l’Office marocain des chemins de fer (ONCF). Mais la RDC peine, près de deux ans, à réhabiliter un petit tronçon d’une vingtaine de km qui relie le réseau SNCC à la voie de Lobito.