L’aviation civile congolaise traverse depuis près de deux décennies une zone de très forte turbulence qui n’est pas de nature à favoriser son réel essor. Et pourtant, au regard des vastes dimensions du territoire du Congo Démocratique, 2.345.OOO Km² au cœur de l’Afrique, assurer l’intégration sociale et économique, de par les mouvements des personnes et des biens ainsi que la nécessité de relancer les activités économiques, constitue un impératif qui plaide en faveur du transport aérien qui de ce fait passe pour un des secteurs stratégiques pour le développement de la RDC.
Ils sont légions les problèmes qui assaillent les transporteurs aériens. D’une manière générale, l’opérateur aérien relève que le prix du carburant JET A1 utilisé pour le transport public est passé d’une moyenne de 0,72 $us le litre à une moyenne de 1,72 $us le litre. Soit une augmentation à trois chiffres de l’ordre de 139%. Et en plus, la TVA n’y est pas déductible. Très évolutive, la fiscalité appliquée au secteur n’a pas été en reste autant que les coûts des services Autorité de l’Aviation Civile (A.A.C) et Régie des Voies Aériennes (R.V.A). Des tarifs des services aériens sur le réseau domestique fixés par l’autorité politique sans prendre en compte tous les coûts d’exploitation réels d’un vol, c’est-à-dire à partir de la mise en route des moteurs jusqu’à leur extinction à destination. Donc des tarifs peu réalistes. La RDC placée, en 2010, sur la liste noire de l’Union Européenne, le transporteur aérien s’est vu contraint à circonscrire ses activités dans les limites du territoire congolais amputé de toute ambition internationale.
Une infrastructure souvent dégradée qui réduit considérablement une exploitation aérienne optimale. Quand sous d’autres cieux, un pneumatique peut supporter jusqu’à 150 cycles de décollage et atterrissage, en RDC, il doit absolument être remplacé avant 30 cycles. Par ailleurs, l’exploitation aérienne, du fait de la nature du terrain, se contente très souvent des opérations de jour, du lever au coucher du soleil. Soit une période d’environ 11 heures pour opérer. Cela réduit considérablement la rentabilité. Et de surcroît, une seule compagnie sur la cinquantaine que compte la RDC a obtenu sa ré-certification, selon les normes de l’OACI, auprès de l’Autorité de l’Aviation Civile (A.A.C).Une situation qui a amené la quasi-totalité des compagnies d’assurance à revoir à la hausse les primes de couverture pour l’exploitation aérienne en RDC.
« Les coûts de maintenance, de formation, d’assurance et de leasing n’ont que trop fortement impacté, dans le mauvais sens, les transporteurs aériens. ».
Le « blues » des opérateurs aériens est indescriptible. Lorsqu’on les laisse s’épanché, on peut apprendre qu’ils souhaiteraient voir l’autorité politique trouver, dans le plus bref délai, des solutions à quatre grands problèmes spécifiques : la politique tarifaire et fiscale prohibitive sur le carburant aviation JET A1; une TVA inadaptée au secteur du transport aérien et à ses usagers ; la perception des taxes et redevances non coordonnée; et les droits de douane et procédures appliqués au secteur du transport aérien. Ainsi donc, informe l’opérateur aérien, sur un chiffre d’affaires de 100 $us, environ 45 $us à 5O $us, soit près de la moitié de son revenu est utilisée pour l’achat du carburant nécessaire pour faire voler les avions. La différence de revenu sert à couvrir les charges liées à l’amortissement des équipements, au personnel, à la formation, à la maintenance, au paiement des droits, impôts et taxes, aux assurances et autres coûts d’exploitation. Dans un tel contexte, la profitabilité qu’il pourrait escompter est très minime. En effet, note-t-il, c’est depuis 2004 que le secteur a dû absorber une augmentation du prix du JET A1 de plus de 132 % sans aucune révision des tarifs de transport. Par ailleurs, renchérit le transporteur aérien, l’instauration de la TVA, en janvier 2012, a eu des effets économiques pénalisant sur les usagers ainsi que sur le budget des transporteurs aériens à la suite de l’augmentation des prix que cette taxe a entrainé. Car si le transport des passagers supportait l’ICA au taux de 6 %, aujourd’hui, il faut plutôt compter avec les 16 % de la TVA. Tandis que le transport des marchandises qui était exonéré de l’ICA, subit la TVA de 16%. Toute proportion gardée, le prix de transport aérien a connu une augmentation de l’ordre de 16 % pour les marchandises et de 12 % pour les passagers. L’effet immédiat aura été une baisse du niveau d’activités. Et, en même temps, les redevances de la Régie des Voies Aériennes (RVA) qui n’étaient pas sujettes à l’ICA le sont aujourd’hui. Sans oublier de mentionner l’incidence d’une TVA non déductible sur l’achat du carburant.
« Les compagnies aériennes ne doivent payer, hormis les impôts, que les redevances liées à l’aviation civile, c’est-à-dire en recouvrement des services rendus. »
Le transporteur aérien paie les redevances à l’Autorité de l’Aviation Civile (A.A.C), à la Régie des Voies Aériennes (RVA) ainsi que les taxes réclamées aussi bien par le Gouvernement Central que par les Provinces. Mais, à ce jour, estime l’opérateur aérien, la hauteur du taux de certaines redevances payées à la R.V.A et à l’A.C.C est jugée prohibitive lorsqu’on la compare à celles, pour les mêmes redevances, qui sont appliquées dans les pays limitrophes de la RDC. Et il n’est pas rare qu’il y ait des redevances qui soient réclamées alors qu’elles sont déjà incluses dans d’autres redevances. Ainsi en est-il, par exemple, de la redevance réclamée par METTELSAT pour la délivrance des services de prévision météorologique, alors qu’elle est déjà perçue par la R.V.A pour le même service. Certaines autres taxes, qui portent souvent sur les mêmes matières, sont exigées, à la fois, au niveau du Gouvernement Central, par la DGRAD et, au niveau des entités territoriales décentralisées, par les régies provinciales. A cet égard, l’exploitant aérien rappelle que de l’accord conclu, le 22 février 2011, entre le Patronat congolais, FEC, et le Gouvernement qui visait à ce que seules les taxes liées à l’aviation civile soient réclamées aux compagnies aériennes, rien n’en a été fait jusqu’ici. Afin de permettre au secteur du transport aérien de jouer pleinement son rôle de facteur de développement économique, le transporteur souhaite que des facilités d’importation des produits et services nécessaires à l’exploitation aérienne lui soient accordées. Parce qu’en ce moment, l’on peut noter qu’avec un taux minimum de 5 % de droit de douane et 16 % de TVA en plus d’autres frais connexes, l’importation d’un aéronef représente un coût important qui limite l’action des exploitants. Une pression fiscale (droit de douane et TVA) qui se situe, pour cette opération, à 21,8 % de la valeur CIF alors qu’elle était de 8,15 % sous le régime de l’ICA, soit une augmentation de 26 %. Celle des pneumatiques se situe autour de 51,2 % avec l’entrée en vigueur de la TVA. Et il est bon de souligner que, dans les pays voisins, ces biens sont exonérés. Pour en fin de compte sortir l’exploitation aérienne de l’étouffant étau qui l’asphyxie, le transporteur aérien suggère quelques pistes de solution. Que des mécanismes économiques automatiques introduits sous la forme d’une formule de révision de prix soient prévus afin que les prix puissent être réajustés en fonction de l’évolution de certains paramètres économiques tel que le coût du carburant. Qu’une réforme soit envisagée afin de réduire la fiscalisation du carburant et d’en limiter son d’achat par des mécanismes de protection. Que dans le cadre de la modification de la loi instituant la TVA, la politique d’application de la TVA sur le secteur du transport aérien, particulièrement sur l’exonération de la TVA pour le transport aérien soit revue. Et surtout, le transporteur aérien en appelle de tous ses vœux à une réforme concertée afin d’optimiser l’échange de prestations entre les compagnies aériennes et les instruments de l’Etat.