Tout le monde se rend compte de la circulation, sur les routes du pays, de véhicules dont les volants ne se trouvent pas du même côté. Cela pose un sérieux problème de sécurité.
« La République démocratique du Congo, comme la plupart des pays francophones et lusophones, a adopté la circulation côté droit, contrairement aux pays anglophones qui, eux, utilisent le côté gauche. Les véhicules dont le volant est à droite qui circulent actuellement en grand nombre à travers le pays sont très dangereux pour la sécurité routière ». C’est ce qu’affirme Willy Vale Manga, président de la Commission nationale de la prévention routière (CNPR). Le nouveau code de la route de 1978, est toujours en vigueur. Il n’interdit pas explicitement la circulation des véhicules à volant droit, mais il stipule que « le sens de la circulation est à droite, réserve faite, le cas échéant, des routes servant exclusivement ou principalement au transit ». Pour le numéro un de la CNPR, service technique du ministère des Transports et Voies de communication qui veille à la sécurité routière, la circulation de ces véhicules constitue une violation du code de la route où tout est fait en sorte que l’usager puisse regarder à droite. « Avec le volant à droite, le regard est plutôt tourné vers la gauche », explique-t-il. Parmi « les effets négatifs » de l’utilisation de ces automobiles, Willy Vale Manga en relève cinq. Un, la portière à gauche des minibus utilisés dans le transport en commun. « Ils débarquent les passagers sur la chaussée plutôt que le long du trottoir, les exposant à d’énormes dangers. Les passagers sont obligés de contourner le véhicule avec le risque d’être écrasés », indique-t-il. Deux, l’angle de visibilité du conducteur est très réduit. Ce problème se pose surtout lorsqu’il s’agit d’effectuer le dépassement à gauche : « Dans les minibus de transport en commun, c’est le receveur qui joue le rôle de rétroviseur. C’est une insécurité routière offerte gratuitement aux utilisateurs », note le président de la CNPR. Le nouveau code de la route interdit le dépassement par la gauche « lorsque le conducteur ne peut apercevoir les usagers venant en sens inverse à une distance suffisante pour effectuer le dépassement sans risque de danger ou d’accident ». Troisièmement, la difficulté de lire le code de la route. A force de contrôler sa position à gauche, indique Willy Vale Manga, le conducteur d’un véhicule à volant à droite a du mal à lire les signalisations routières qui sont toujours installées à droite. Quatrièmement, la tendance à entrer sur la chaussée. « Les véhicules à volant à droite ramènent le conducteur à l’intérieur de la chaussée plutôt que le long du trottoir. En cas d’accident, les conséquences seraient bien plus lourdes », poursuit-il. Cinq, enfin, le levier de vitesse se trouve à gauche, ce qui n’est pas toujours une chose aisée pour le conducteur.
Des décisions non suivies
La RDC, comme la plupart des pays francophones et lusophones, a adopté la circulation côté droit, contrairement aux pays anglophones qui, eux, utilisent le côté gauche. Des véhicules à volant droit qui circulent en grand nombre actuellement dans le pays sont très dangereux pour la sécurité routière.
Willy Vale Manga
Ne disposant pas de chiffres sur ce « phénomène irrégulier », Willy Vale Manga indique, tout de même que les véhicules à volant à droite sont aujourd’hui à la base de plusieurs cas d’accidents enregistrés dans le pays. Dans le souci d’en limiter la portée sur les 150 000 km du réseau routier national, la CNPR souhaite vivement que la loi soit respectée. Ce qui appelle à l’interdiction de ces véhicules sur la chaussée. En 2007, le ministre des Transports et Voies de communication de l’époque, Remy-Henri Kuseyo Gatanda, avait interdit la circulation, « sur toute l’étendue du territoire », de ces véhicules et la suspension de leur importation à travers un arrêté. Mais, cette mesure, contestée à l’époque par certains automobilistes, des revendeurs et la société civile, n’a jamais été appliquée jusqu’à présent. Sont également restées lettre morte, les deux décisions du gouvernement provincial du Katanga, en 2008 et 2010, interdisant l’importation et la vente de véhicules à volant à droite pour « réduire le nombre d’accidents de la circulation. » Willy Vale Manga estime que son service, qui a été alors à l’origine de la décision du ministre des Transports et Voies de communication, a fait sa part des choses. La balle est dans le camp d’autres services rattachés notamment au ministère de l’Intérieur pour veiller à l’application de ces mesures qui font force de loi. Allusion faite notamment à la police de circulation routière et aux différents services des frontières qui autorisent l’entrée de ces véhicules à problème.
Un choix économique
Face à l’incapacité de l’état à faire respecter l’ordre, les importations des véhicules en question ont connu une montée fulgurante au cours de cinq dernières années. Des Toyota, Nissan et d’autres marques ayant un volant à droite viennent des pays anglophones, essentiellement d’Asie et plus particulièrement de Dubaï. Ils sont de plus en plus visibles maintenant dans le transport en commun. Dans les villes de l’Est du pays, ils sont plus nombreux, car venant des pays anglophones comme la Tanzanie, la Zambie, l’Ouganda ou encore le Kenya. Ils sont aussi en grand nombre dans le centre du pays. A Kinshasa, ils ne sont pas encore majoritaires, mais la tendance pourrait s’inverser rapidement. La plupart des automobilistes les préfèrent pour leur qualité et la faible consommation de carburant. « Ce sont des véhicules d’occasion, mais qui sont en très bon état parce que la plupart ont roulé pendant moins de six mois », selon un chauffeur de taxi. Leur problème pour la circulation routière n’est presque pas vu par la plupart des conducteurs. « C’est une voiture comme toutes les autres, à la seule différence que le volant est à droite. Personnellement, elle ne me gène pas », confie Robert Mukuba, un taximan qui a le même type de voiture. Et d’ajouter : « Si c’était dangereux, le gouvernement n’aurait pas dû autoriser leur entrée massive dans le pays ». Acheter ces véhicules, c’est d’abord un choix économique. Ils sont acquis à un prix abordable par rapport aux « occasions d’Europe ». « Leur prix, sur place à Dubaï, varie généralement entre 700 et 1500 dollars », estime un revendeur nigérian au rond-point Gambela où l’on trouve essentiellement des Ouest-africains dans la vente de véhicules d’occasion et de pièces de rechange. Ce revendeur achète souvent sa marchandise en ligne. Il attend, tout au plus, un mois et demi avant l’arrivée au port de Boma ou de Matadi. A Kinshasa, ces véhicules sont négociés entre 5 000 et 7 500 dollars. « C’est la douane qui fait qu’ils soient vendus à ce prix », se justifie un autre revendeur qui estime qu’il ne paye pas moins de 2 000 dollars par véhicule. Pour minimiser le coût du transport ou de la douane, d’aucuns préfèrent les acquérir dans des pays anglophones. De Kisangani, ils viennent par la voix fluviale jusqu’à la capitale. « La mienne je l’ai commandée à Nairobi. De Kisangani à Kinshasa, j’ai payé environ 500 dollars pour le transport », dit un chauffeur. Pour une vendeuse dans un magasin de pièces détachées à Kasa-Vubu, ces automobiles sont également préférés parce que leurs pièces sont faciles à trouver et à un prix abordable. La décision du gouvernement, en 2012, d’interdire l’importation des voitures d’occasion mises en circulation depuis dix ans est considérée comme l’un des facteurs ayant favorisé leur succès.
INFO BOX
- Les pays francophones et lusophones ont souvent un système de conduite à droite, alors que la plupart des pays anglophones ont la conduite à gauche.
- Les pays membres des Nations-unies ont signé en 1968 la Convention de Vienne sur la circulation routière qui harmonise la réglementation routière internationale.
- Entrée en vigueur le 21 mai 1977, cette convention contraint la législation et la réglementation routière de chaque Etat à adopter, par exemple, le même sens de circulation sur toutes ses routes.