L’objectif d’une croissance à deux chiffres ne sera pas atteint par le gouvernement à la fin de l’année. La révision des prévisions à la baisse repose le problème de la soutenabilité de la production nationale face aux chocs exogènes.
Le taux de croissance économique du Congo a été de nouveau revu à la baisse. Il se situe actuellement à 7,7 %, en net recul de 1,8 %, alors que les projections initiales étaient de 9,5 %, voire 10 % à la fin de cette. C’est dire que la conduite de la politique économique du gouvernement s’opère dans un contexte économique mondial incertain. La conjoncture impose rationalité, transparence et volonté politique, explique un cadre de la Banque centrale du Congo (BCC). Le gouvernement se console en arguant que le taux de croissance de 7,7 % reste quand même supérieur à la moyenne africaine estimée à environ 6 %.
La vitalité de la croissance au Congo résultait essentiellement des performances du secteur primaire. La contribution de ce secteur a été de 46,2 %, avec une part de 37 % pour la branche extraction qui comprend notamment les activités minières. Plusieurs économistes ont toujours plaidé pour une diversification de l’économie afin de contourner la dépendance du secteur minier. Pour préserver l’économie nationale des chocs externes, ils préconisent de réduire particulièrement son exposition à l’instabilité des cours des matières premières sur les marchés internationaux.
C’est à cause du ralentissement de la production minière consécutif à la baisse des cours des matières premières que le gouvernement a ramené à 7,7% sa prévision de croissance économique pour 2015. « Au niveau national, sur la base des réalisations de la production à fin septembre, les estimations de la croissance sont revues à 7,7% », a indiqué, dans un communiqué, le cabinet du Premier ministre.
Fin août, le gouvernement – qui tablait au début de l’année sur une croissance à deux chiffres – avait déjà abaissé sa prévision de hausse du PIB national à 8,4 % en invoquant le ralentissement de l’économie chinoise. Faisant partie des pays les moins développés au monde, le Congo a connu, depuis 2012, une croissance économique en hausse.
En 2014, le PIB a crû de 9,5 %, selon les statistiques officielles. L’annonce, en septembre, par le groupe de négoce de matières premières suisse Glencore, suite à la chute des cours des métaux, de la suspension de la production dans sa mine de Kamoto (Sud-Est du Congo) pour une durée prévisible de 18 mois, n’a pas été une bonne nouvelle pour le gouvernement. Avec plus d’un million de tonnes de cuivre produites en 2014, le Congo en est le premier producteur africain. C’est aussi le premier producteur mondial de cobalt (près de 37 000 tonnes en 2014). Au cours des six premiers mois de l’année, Kamoto a assuré 16 % de la production de cuivre du pays, et 5 % de sa production de cobalt.
Créer des emplois
Selon la loi de finances votée au Parlement, le gouvernement table sur une accélération de la croissance économique nationale à 9 % en 2016. La prévision reste supérieure à la moyenne de la croissance africaine qui est de 5,8% en 2015, selon les projections du Fonds monétaire international (FMI).
Pour les autorités du pays, la croissance à 2 chiffres demeure un objectif à atteindre afin de réduire la pauvreté de 50 %. Mais, peut-on réellement réduire la pauvreté sans création d’emplois massifs ? D’après des bailleurs de fonds, la situation économique du Congo est globalement appréciable. Les performances réalisées en termes de taux de croissance positif et de maîtrise du niveau d’inflation depuis 2 000 sont devenues un vrai motif de fierté pour les autorités politiques. Les statistiques sont apparemment impressionnantes, mais pour bon nombre d’analystes économiques, cette embellie devrait aussi se traduire par la création d’emplois.
La demande de travail est fonction de la production prévue par les entreprises. En période prospère, l’emploi augmente, les prévisions restant positives, et la masse de salaires suit le même mouvement. Or, au Congo, le taux de chômage se situerait à 80 %. En réalité, plus de 70 % des Congolais vivent avec moins d’un dollar par jour, selon le Rapport mondial sur le développement humain. La lenteur dans la création d’emplois s’explique par le fait que la croissance a été déclenchée et soutenue par le secteur tertiaire, essentiellement constitué de sociétés de télécommunications et de banques qui n’ont pas besoin d’une main-d’œuvre importante. L’évolution du secteur industriel, qui nécessite un travail abondant, n’égale pas son potentiel alors que l’emploi est un déterminant fondamental de la pauvreté. Une croissance non créatrice d’emplois massifs dans une économie à taux de chômage très élevé biaise les prévisions de réduction de la pauvreté.
Autre aspect important de la création des richesses intérieures, les profits des entreprises. Malheureusement, ces profits ne sont pas ou presque réinvestis dans l’économie. Selon la Banque centrale, le Congo perd chaque année, autour de 10 % du PIB suite aux transferts de fonds vers le reste du monde. Et les richesses réinjectées dans l’économie ne représentent pas grand-chose par rapport à celles créées. Les autorités feraient mieux de canaliser l’économie vers des objectifs bien définis au lieu de se contenter de l’installation d’une nouvelle société qui augmente le PIB.
« Une croissance qui n’occasionne pas ou presque d’effets d’entraînement et qui ne laisse que peu de moyens pour que l’économie nationale biaise les prévisions de réduction de la pauvreté. Les réformes doivent donc être d’actualité s’il faut espérer une croissance plus introvertie », explique le même fonctionnaire de la Banque centrale. Il estime que l’orientation de l’économie vers l’industrialisation serait un vrai moteur de création d’emplois massifs. Selon lui, l’amélioration des systèmes bancaire et financier est indispensable pour la minimisation des transferts de capitaux vers l’étranger. Ce qui pourra améliorer la disponibilité des ressources nécessaires au réinvestissement dans des secteurs à forte demande de main-d’œuvre. La mise en place d’un environnement favorable aux effets d’entraînement favorisera la croissance dans plusieurs secteurs. L’amélioration du cadre institutionnel économique propice à l’essor des petites et moyennes entreprises (PME) à intensité en main-d’œuvre doit être prioritaire.