La société minière opérant au Katanga est de nouveau sur la sellette. Deux ONG suisses, Pain pour le prochain et Action de carême, en collaboration avec Right and Accountability in Development, une organisation britannique, l’accusent de fraude fiscale. Dans un rapport, publié en juin, elles affirment que la filiale du suisse Glencore, ne paie pas d’impôts. Ce qu’elle dément.
KCC fait partie du groupe KML, contrôlé par Glencore. Malgré une forte croissance, l’entreprise affiche systématiquement des résultats déficitaires depuis 2008 et ses fonds propres – négatifs – sont presque élevés à 2 milliards de dollars, peut-on lire dans le rapport. Ce document indique également que, dans une telle situation, l’entreprise devrait être dissoute ou recapitalisée. En fait, les fortes pertes s’expliquent principalement par d’importants paiements d’intérêts à cinq sociétés mères, toutes enregistrées dans des paradis fiscaux et auprès desquelles KCC s’endette de plus en plus. Lorsque l’on regarde les résultats consolidés du groupe KML, on voit pourtant que ses opérations minières en RDC sont quasiment rentables, depuis 2010. Pour l’Etat congolais, KCC affiche des pertes systématiques, alors que pour les investisseurs, le groupe réalise d’importants bénéfices. Cette pratique n’est pas illégale en soi, mais elle permet à KCC d’éviter de payer l’impôt sur le bénéfice – 30 % – et de verser des dividendes à l’Etat RD-congolais, qui détient 25 % des actions de KCC. Quand on examine les résultats de KML, la société aurait dû payer au gouvernement 153,7 millions de dollars de plus, depuis 2009.
Ces accusations ne sont pas nouvelles. Elles surviennent après à d’autres qui ont été formulées par les mêmes structures. En 2012 déjà, Pain pour le prochain et Action de carême avaient révélé que les effluents de l’usine hydro-métallurgique de KCC étaient rejetés sans aucun traitement dans la rivière Luilu. Le nouveau rapport souligne que des rejets de l’usine « continuent d’être déversés dans la rivière, simplement plus en amont.» Les concentrations de cuivre dans l’eau sont six fois plus élevées que les limites fixées par le code minier congolais. Pour le cobalt, les résultats sont cinquante-trois fois supérieurs au seuil de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Résultat : les poissons ont disparu de la rivière Luilu et les berges ressemblent à de la terre brûlée. Les personnes qui habitent en aval de la mine ne peuvent utiliser l’eau de la rivière ni pour leurs besoins quotidiens, encore moins pour irriguer leurs champs.
Autre son de cloche
Glencore réfute toutes ces allégations, notamment celles de fraude fiscale. Le géant suisse affirme, quant à lui, que toutes les taxes ont été payées à l’Etat et aux entreprises publiques conformément aux lois du pays, au code minier et à l’accord de partenariat signé entre KML et la Gécamines. KCC est audité chaque année par Deloitte et l’auditeur interne statutaire de Gecamines. Pour prouver sa bonne foi, Glencore fournit des montants et les dates de ce paiement. Les mêmes assurances sont données du côté de Katanga Mining Limited-KML, une entité de KCC cotée en bourse, qui a un taux d’amortissement normal et linéaire de 5 %, et qui doit présenter un résultat positif. On assure que lorsque KCC verra aussi son taux d’amortissement exceptionnel ramené à 10 %, puis à 5 et 2 % au fil des ans, son résultat fiscal sera également positif. Toutes les sociétés minières présentent, à ce jour, des bilans déficitaires. En cause, le code minier congolais qui impose un taux d’amortissement exceptionnel de 60 %. L’article 249 du code minier indique que « le montant de la première annuité d’un amortissement exceptionnel est égal à 60 % du prix de revient de l’élément actif considéré ». A titre d’illustration, si une entreprise investit 100 millions en une année, 60 millions de dollars vont aux charges d’amortissement. C’est la raison pour laquelle les sociétés minières sont dispensées du paiement de l’impôt sur le bénéfice. KCC est actuellement le premier opérateur en matière de paiement de l’impôt sur le bénéfice au Katanga. Il a payé plus de 200 millions de dollars pour l’exercice 2013 alors que la loi la dispense de cet impôt. D’autres sociétés minières de la province ont payé 500 000, 200 000, voire 100 000 dollars. On explique également que KCC a voulu « répondre, à titre exceptionnel, à la demande de la Direction générale des impôts (DGI), qui voulait atteindre les objectifs lui assignés par le gouvernement.»
D’autre part, Glencore procède à un suivi régulier de la situation des rejets. Aucune pollution n’a été constatée jusqu’à ce jour. Pain pour le prochain et Action de carême ont même visité, en octobre 2013, les mines de Glencore et rencontré les représentants de ses deux filiales, Kamoto Copper Company et Mutanda Mining, (MUMI). Leur tort est d’être proches de Dan Gertler, apprend-t-on du côté du Katanga. KCC appartient, à 75 %, à cinq sociétés installées aux Iles Vierges britanniques et à Guernesey qui sont d’ailleurs propriétaires du groupe Katanga Mining Limited (KML). Et, KML est détenu par le suisse Glencore, géant du commerce et de l’extraction minière. Glencore, fondée par Marc Rich, est installée à Baar, une bourgade du canton de Zoug, en Suisse. Première entreprise de la Confédération helvétique devant Nestlé. Elle a fusionné en mai 2013 avec Xstrata, et contrôle, aujourd’hui, 60 % du zinc, 50 % du cuivre et 30 % de l’aluminium dans le monde.
Le géant minier, entré en bourse en 2011, a accepté de négocier avec les ONG. Celles-ci ont pu visiter, en octobre 2013, les mines de Glencore en RD. Congo et rencontrer des représentants des deux filiales : Kamoto Copper Compagny et Mutanda Mining. En mai dernier, elles ont remis à Glencore leurs conclusions et celui-ci a donné sa position. Le chiffre d’affaires de 240 milliards de dollars, appartient à Glencore et non à KCC.