DEPUIS l’adoption de la Déclaration, les droits de l’homme sont trop souvent bafoués. Alors, une déclaration symbolique, diront certains, car le texte ne contenant aucune valeur contraignante, certes. Mais quel symbole ? C’est en effet pour la première fois qu’un caractère universel est accordé aux besoins de liberté, d’égalité et de justice.
Cette déclaration est surtout reconnue comme « le fondement du droit international relatif aux droits de l’homme ». Les conventions internationales de 1979 contre la discrimination envers les femmes, de 1984 contre la torture, de 1990 sur les droits de l’enfant, la création de la Cour pénale internationale (CPI) en 1998 découlent directement de la DUDH.
Mais la célébration est un peu gâchée par le contexte actuel. Ce que n’a pas manqué de rappeler Michelle Bachelet, la Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, qui a averti que le système mondial « qui avait donné corps à la vision de la Déclaration universelle est érodé petit à petit par les gouvernements et les responsables politiques qui se consacrent de plus en plus à des objectifs nationalistes étroits ». On repassera la fête.À Kinshasa, sous la houlette de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) et du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH) a organisé plusieurs activités dans le cadre du « Village Droits de l’homme ».
Village des droits de l’homme
Tout le gratin du système des Nations Unies était présent à la cérémonie d’ouverture. On a noté la présence des chefs d’agences du système des Nations Unies, des chefs de missions diplomatiques, du président de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), etc. La célébration des 70 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme a été voulue avant tout comme un événement culturel. Plusieurs activités ont été organisées : visites guidées des stands du village à l’intention des élèves et étudiants, projections cinématographiques, tables rondes, jeux-concours, concerts, animations culturelles, dépistage du VIH/sida, journée scientifique, lancement du guide mondial « Prévenir la violence à l’égard des femmes dans les élections »… Des entreprises comme Africell, TMB, Afriyan ont été représentées au Village des droits de l’homme, à côté des organismes des Nations Unies tels que MONUSCO, ONUSIDA, ONUFEMMES. Le stand de cet organisme qui est une entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ainsi que pour le mouvement de solidarité des sexes a attiré du monde. Grâce notamment à HEFORSHE (lui pour elle), ce mouvement de solidarité des sexes qui a été lancé sous le thème « Prévenir la violence à l’égard des femmes dans les élections ».
Le mouvement vise à mettre fin aux violences à l’égard des femmes et des filles, qui constituent une atteinte grave aux droits fondamentaux. La campagne attire l’attention sur les conséquences de ces violences sur la santé physique, sexuelle et mentale des femmes et des filles sont multiples. Elles peuvent être immédiates ou de long terme, et inclure la mort. Et elle souligne que la violence a des effets négatifs sur le bien-être général des femmes et les empêche de participer pleinement à la vie sociale.
Mais comment qualifier la violence sexuelle ? C’est généralement « un acte, une tentative, un commentaire ou une avance à caractère sexuel, avec ou sans contact physique sans le consentement de la victime, ou dans certains cas, notamment ceux des enfants, avec une manipulation affective ou un chantage ». Plusieurs facteurs peuvent occasionner les violences sexuelles. Il s’agit de la pauvreté et la promiscuité, le manque d’emploi, l’impunité, la dépravation des mœurs, l’abus de la drogue et l’alcool. C’est pour cela que le BCNUDH en partenariat avec HEFORSHE, à travers leur programme de protection judiciaire, soutient les victimes et les témoins qui témoignent devant les juridictions nationales lors des procès pour crimes de guerre, violence sexuelle et crimes contre l’humanité. Pour l’instant, il n’existe pas encore en RDC un mécanisme spécifique de protection des victimes et témoins. C’est ainsi que devant une victime, les témoins, soumis aux mêmes pressions, se montrent également réticents à apporter leur concours pour les besoins des enquêtes.
Or, expliquent les responsables de HEFORSHE, les déclarations des victimes et témoins sont des éléments essentiels des procédures judiciaires, particulièrement là où d’autres moyens d’investigation peinent à se développer. Enfin, le BCNUDH contribue à la réalisation d’une lutte efficace contre l’impunité en mettant un accent sur le respect des mesures de protection prévues par les instruments juridiques internationaux. En leur assurant une réelle sécurité juridique par la mise en place d’un cadre légal précis et cohérent en matière de protection des victimes et des témoins.
Vivement un programme national !
C’est bien dommage que la RDC ne dispose pas de programme national de protection des victimes et des témoins. Au contraire l’État est le premier responsable de la mise en œuvre des mesures de protection à travers son système légal de même que les différents acteurs judiciaires (magistrats, enquêteurs, avocats) ont vis-à-vis des victimes et témoins une responsabilité essentielle quant à l’application effective des dispositions existantes et ce, tout au long du processus judiciaire.
L’obligation de protéger les victimes de violence sexuelle et les témoins est clairement énoncée dans le Statut de Rome, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ou encore les principes et déclarations tels que la déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et d’abus de pouvoir, le Protocole d’Istambul, et les principes et directives concernant le droit à un recours et à la réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire.
Dispositions pénales
Au niveau de la législation nationale, en matière de violences sexuelles, l’article 74 bis du code de procédure pénale permet de prendre, au cours de la phase d’instruction et du procès, toutes les mesures utiles pour sauvegarder la sécurité, le bien-être physique et psychologique ainsi que la dignité et le respect de la vie privée des victimes ou de toute autre personne impliquée.
À la fin, il est inséré à la section 1ère du titre Ier livre II du décret du 30 janvier 1940 portant code pénal les articles 48 bis, 48 ter et 48 quater ainsi libellés : « Tout fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d’un service public ou toute personne agissant sur son ordre ou son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite, qui aura intentionnellement infligé à une personne une douleur ou des souffrances aigues, physiques ou mentales, aux fins d’obtenir d’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur une tierce personne ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, sera puni de cinq à dix ans de servitude pénale principale et d’une amende de cinquante mille francs congolais à cent mille francs congolais ». L’article 48 ter stipule : « Le coupable sera puni de dix à vingt ans de servitude pénale principale et d’une amende de cent mille francs congolais lorsque les faits prévus à l’article 48 bis ci-dessus auront causé à la victime un traumatisme grave, une maladie, une incapacité permanente de travail, une déficience physique ou psychologique, ou lorsque la victime est une femme enceinte, un mineur d’âge ou une personne de troisième âge ou vivant avec handicap, il sera puni de servitude pénale à perpétuité lorsque les mêmes faits auront causé la mort de la victime ».