NUL DOUTE que Deogracias Mutombo Mwana Nyembo, le gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), avait à dire ce soir-là du vendredi 8 février, au restaurant Les Gourmands du Cercle (sportif) de Kinshasa. En tout cas, il avait beaucoup même à dire, pour rencontrer les préoccupations de la profession, mais aussi pour dresser un état des lieux de la situation économique et financière du pays en 2018 et jeter un regard sur les perspectives en 2019.
Stabilité du cadre macroéconomique, stabilité du système financier, faiblesse de collecte de recettes fiscales, précarité du crédit à l’économie, baisse de cours des produits de base sur le marché international, recapitalisation des banques, politique monétaire… Rien n’a été laissé de côté par le Gouv’ de la Banque centrale qui a fait preuve de maîtrise de son sujet pendant 42 minutes, presque la durée d’une mi-temps du match de football. Juste un bout de papier sur le pupitre, il a déroulé, en débitant de mémoire les données de l’économie nationale.
Et le contexte s’y prêtait : la « traditionnelle cérémonie d’échange de vœux » entre la Banque centrale et l’ACB. D’après Deogracias Mutombo, cette cérémonie offre « l’opportunité de faire le point de la situation économique et financière », en l’occurrence en 2018, d’« évoquer la stabilité financière, l’évolution des paramètres clés du système bancaire et les perspectives pour 2019, concernant particulièrement la politique monétaire et macro-prudentielle ».
Situation dans le monde
On retiendra utilement qu’il a formulé « le vœu de voir les entreprises et les ménages congolais bénéficier des services financiers offerts par les banques, en particulier les crédits à l’économie, des crédits rentables, responsables et sans grands intérêts en 2019 ». Le décor étant ainsi planté, quelle a été la situation économique internationale et quelle a été celle de la République démocratique du Congo en 2018 ?
Sur le plan international, a dit le Gouv’ de la Banque centrale, la croissance de l’économie mondiale a été « assez vigoureuse » avec un taux de croissance de 3.7 %. Une croissance soutenue essentiellement par l’investissement et le commerce. La croissance des pays avancés a été de 2.3 % ; celle des pays émergents et en développement, de 4.6 %. Cependant, la croissance a été plus faible que prévue, soit 2.9 % au lieu de 3.5 % pour l’Afrique subsaharienne. Ce ralentissement de l’activité économique en Afrique est principalement la conséquence de la baisse de cours des principaux produits de base que les pays africains exportent. Cas du cuivre et du cobalt, les deux principaux produits de base d’exportation de la RDC : le prix du cuivre sur le marché international est passé de 7 195 dollars la tonne métrique, début 2018, à 5 985 dollars, fin 2018.
Actuellement, il est autour de 5 900 dollars la tonne métrique. Quant au cobalt, « minerai stratégique », le cours a chuté à 55 000 dollars ou un peu moins, fin 2018 pour se situer aujourd’hui autour de 33 000 dollars la tonne, soit une baisse de plus de 65 %, après avoir atteint le pic de 97 000 dollars la tonne de concentrés.
Situation en RDC
Il faut dire, a rappelé le Gouv’ de la BCC, cette situation a affecté bon nombre de pays subsahariens et a exacerbé le ralentissement de l’activité économique. Bien évidemment, a-t-il souligné, les pays africains font face à plusieurs facteurs de risques baissiers. Lesquels incluent une baisse imprévue et continue de prix des produits de base d’exportation, un resserrement des conditions financières internationales, une vulnérabilité liée au surendettement des pays voisins et autres africains, mais aussi le dérapage budgétaire, les conditions météorologiques difficiles, des conflits intérieurs, des tensions commerciales, une croissance encore jeune…
Bonne nouvelle : le système financier et bancaire congolais a évolué dans « un cadre macroéconomique stable ». Un cadre favorable à toute activité, selon le Gouv’ Mutombo, s’appuyant pour le dire sur « les évolutions favorables des indicateurs au niveau des principaux secteurs de l’économie nationale ». En effet, l’évolution de ces indicateurs au niveau des secteurs réels montre que l’activité économique en RDC a poursuivi sa progression en 2018, avec un taux de croissance de 4.1 %, venant de 3.7 %, en 2017, et 2.4 %, en 2016. Cependant, il y a encore beaucoup à faire pour que cette courbe ascendante de l’activité atteigne le niveau du « dynamisme nécessaire à l’amélioration des conditions de vie des populations ».
Par ailleurs, l’activité économique a été soutenue par la reprise partielle des cours des matières premières au premier semestre 2018, mais aussi par la révision du code minier, nonobstant la baisse de cours observée, surtout au dernier trimestre 2018. Toujours, concernant les secteurs réels de l’économie, la stabilité macroéconomique a été attestée par la baisse de prix sur le marché des biens et services avec un taux d’inflation de 16.2 % venant de 54 % en 2017 et 23 % en 2016. C’est le résultat de « la mise en œuvre des mesures de stabilisation initiées en 2017 et mises en application par le gouvernement et par la BCC ». Ces mesures ont consisté notamment à « l’ajustement budgétaire et à l’amélioration de la mobilisation de recettes. Les recettes ont accru en termes réels de plus 17 % en 2018 par rapport à 2017.
Ce n’est pas le moment de se laisser aller dans l’autosatisfaction, a prévenu le Gouv’ Mutombo, dans la mesure où le potentiel fiscal du pays est très loin d’être atteint. Tenez : la réalisation de recettes en 2017 était en-deçà de 6 % du Produit intérieur brut (PIB), alors la norme minimale recommandé est de 20 % du PIB. La RDC n’est même pas encore au seuil de la moitié du minimum requis dans la collecte fiscale. Là aussi, il y a fort à faire.
La BCC dans son rôle
La Banque centrale a naturellement accompagné les mesures de stabilisation à travers « une bonne coordination de politiques budgétaire et monétaire », mais aussi grâce à « une politique monétaire très prudente ». Depuis avril 2018, le travail de la BCC a consisté à maintenir la croissance de la masse monétaire toujours compatible avec l’objectif du taux d’inflation ne dépassant pas 7 %.
Et cette croissance est demeurée conforme à la programmation monétaire, elle-même cohérente avec le plan de trésorerie du gouvernement.
Comme on le voit, cette orientation prudente a permis de contenir la croissance de la masse monétaire à 11 % mais aussi d’écarter tout risque de dérapage inflationniste. Par ailleurs, l’orientation prudente de la politique monétaire a conduit à maintenir inchangé, depuis avril 2018, le taux directeur de la BCC à 14 % après l’assouplissement de 20 % à 14 % au regard de la désinflation anticipée.
Pareil pour le coefficient de la réserve obligatoire qui a été assoupli de 2.12 % et 2.0 %, respectivement pour les dépôts en devises et en monnaie nationale, à vue et à terme.