Le projet de construction d’un ouvrage en haute mer dans le Kongo-Central, vieux d’une trentaine d’années, permettra à la RDC de rattraper le Congo-Brazzaville et l’Angola qui ont déjà leurs structures. Depuis plus d’une décennie, des sociétés internationales, notamment chinoises, sud-coréennes, françaises et sud-africaines, étaient en compétition pour gagner le marché. Le gouvernement a tranché.
C’est finalement une firme chinoise qui construira le port en eau profonde de Banana dans le Kongo-Central, a indiqué le directeur général de l’Office des équipements de Banana-Kinshasa (OEBK), Modero Nsimba, sans préciser le nom de ladite société. Les travaux de construction, qui devront bientôt commencer, dureront deux ans.
À en croire le gouverneur de la province du Kongo-Central, Jacques Mbadu, la pose de la première pierre pour la construction de ce port est prévue avant la fin de cette année. Si tout cela se concrétise, on retiendra que le projet de construction d’un port en eau profonde à Banana, vieux de plus de 35 ans, aura fait couler beaucoup de salive. Sur ce dossier, l’actuel ministre des Transports et des Voies de communication, Justin Kalumba avait retiré, en juillet 2013, l’appel d’offres international pour la construction du port en question. Un autre appel d’offres, avait laissé entendre le gouverneur Mbadu, en février dernier, devrait être lancé par l’autorité de tutelle. Lors de son dernier séjour dans le Kongo Central, le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, avait notamment rappelé l’importance du partenariat entre le port de Matadi et celui d’Anvers, mais aussi de la réalisation d’un port en haute mer.
L’avis des experts
Dans sa feuille de route, le gouvernement avait annoncé la finalisation, en 2012, des négociations avec la Corée du Sud pour le démarrage des travaux de construction de la première phase du port, dont la fin devait intervenir en 2016. Les Sud-Coréens étaient en bonne position pour gagner ce marché grâce à leur expertise dans le domaine de la technologie, de la construction et de l’énergie. Bien plus, des experts sud-coréens avaient déjà réalisé une étude de faisabilité du projet avec le concours de leurs collègues congolais des ministères de l’Énergie, des Mines ainsi que des Transports et Voies de communication. Dans la convention conclue entre la RDC et la Corée du Sud, il était prévu que cette dernière assure également la formation des experts congolais dans le cadre du programme international de développement et de coopération en matière des ports et de logistique. Pour la mobilisation des financements, le Premier ministre, Augustin Matata Ponyo lui-même, avait envisagé de recourir le plus souvent aux contrats de type BOT (Build pour construire, Operate pour gérer, Transfer pour transférer) pour céder, après un temps, le bien immobilier à l’État.
Au terme des négociations, un protocole d’accord a été officiellement signé le 17 septembre 2009 par le directeur de cabinet au ministère des Infrastructures et des Travaux publics, Léon Muringu, côté congolais, et par le vice-ministre au Territoire national, aux Transports et aux Affaires maritimes sud-coréen, Kim Wan Jung. Léon Muringu avait soutenu, à l’époque, que le choix porté sur la Corée du Sud était dicté par « l’expertise de ce pays à travers la visibilité de sa technologie mais aussi par sa maîtrise dans le domaine de la construction et de l’énergie ».
Sur le projet de construction du port de Banana, il n’y a pas que les Sud-Coréens qui sont désormais hors course. Les Allemands le sont aussi, eux qui avaient offert de réaliser le projet pour 4,9 milliards d’euros. Le Français Bolloré était également dans la course. Mais il a été l’objet d’une campagne de dénigrement des notables Ne Kongo, qui accusent le groupe Bolloré de « vouloir contrôler tout le golfe de Guinée ». Bolloré a déjà dans son escarcelle le port autonome de Pointe-Noire, où il a investi quelque 570 millions d’euros pour l’érection d’un grand terminal à conteneurs.
Port et chemin de fer à la fois
Depuis que le Premier ministre a déclaré que la construction du port en eau profonde au large de Banana sur l’Atlantique devait se réaliser simultanément avec la pose de la voie ferrée Kinshasa-Banana, même les députés locaux proches du pouvoir ont commencé à se poser des questions sur la réalisation de cet ouvrage. « Il va se poser un problème de financement pour lancer ces deux chantiers », expliquent-ils. La création de ce port dont le projet est vieux de 15 ans permettra à la RDC d’entrer en compétition avec le Congo et l’Angola qui ont déjà leurs ouvrages qualifiés. Depuis plus de dix ans des sociétés internationales (chinoises, sud-coréennes et sud-africaines) ont tenté sans succès d’avoir le marché de Banana et de moderniser ceux de Boma et Matadi».
La Banque africaine de développement (BAD) s’est engagée avec la RDC dans deux accords de don sur le guichet FAD et dans six autres sur le Fonds du Bassin du Congo. Elle finance notamment deux projets de construction des infrastructures de transport dont l’un concerne le pont route et rail jeté sur le fleuve Congo pour relier Kinshasa et Brazzaville. Selon la BAD, cet ouvrage devrait permettre, à long terme, de faire la jonction entre le chemin de fer Ilebo-Kinshasa et le chemin de fer Congo-Océan, qui relie Brazzaville au port de Pointe-Noire. De l’avis de certains hommes politiques Ne Kongo, la construction du pont sur le fleuve Congo asphyxierait le trafic aux ports de Matadi et Boma.
Craintes injustifiées
Des craintes qui ne semblent pas justifiées selon des experts congolais en matière de transport, même si les autorités de la République du Congo ont décidé de moderniser le port fluvial de Brazzaville, en se basant sur les conclusions des études concernant les besoins de consommation à Kinshasa dont la population devrait passer de 10 à 15 millions d’ici 2025. La firme chinoise Sinohydro s’apprête également à doter Brazzaville, début 2016, d’un linéaire de quais flambant neuf de plus de 1 km de long. Un autre projet porte sur le terminal à containeurs juste là où sera jeté le pont route-rail à Maloukou (en face de Maluku, à Kinshasa), à l’endroit même où la route et le chemin de fer reliant Brazzaville à Pointe-Noire font jonction.
Le fait que près de 60% des importations de la RDC transitent désormais par le port de Pointe-Noire et que Brazzaville cherche à en tirer davantage profit, tempèrent le jugement des experts, ne doit pas offusquer outre mesure la population du Kongo-Central. C’est la conséquence du faible tirant d’eau sur le bief maritime et de la mauvaise gestion des ports dits internationaux de Matadi et Boma, qui demandent à être modernisés.