Les contrats de performance et de mandat en question dans les sociétés transformées

Après la réforme de 2009 égale avant la réforme. Rien n’a visiblement changé dans la quarantaine d’entreprises et établissements publics. Les dividendes sont restés insignifiants ces deux dernières années. Selon la DGDA, ils ne devraient guère excéder les 51 % de leurs assignations annuelles 2019. La réforme des entreprises publiques paraît tourner court.

CONTRAIREMENT à ses prédécesseurs, Jeannine Mabunda Lieko et Louise Munga Mesozi, Wivine Mumba Matipa, le ministre sortant du Portefeuille, ne communique pas. En tout cas, pas assez, selon des observateurs. Les points de presse sur la réforme des entreprises du portefeuille de l’État, par exemple, se comptent du bout des doigts. La dernière sortie médiatique de Wivine Mumba remonterait au 23 avril 2018, lors de la signature des contrats de performance et de mandat entre son ministère et les mandataires de l’État au sein des entreprises publiques transformées en sociétés commerciales. 

Le contrat de performance, nous explique-t-on, intègre les principaux axes de la nouvelle approche de gestion, basée notamment sur « le résultat à impact visible, la bonne gouvernance et les exigences de la clientèle ou des usagers ». Le contrat de mandat, quant à lui, est l’acte par lequel l’État congolais donne à un mandataire le pouvoir d’agir, en son nom et pour son compte, au sein des organes statutaires d’une entreprise du portefeuille. 

Ainsi, en signant ce contrat, les mandataires publics doivent veiller à « la protection » et à « la sauvegarde » de tous les biens sociaux de l’entreprise. Ce contrat interdit à ces derniers de prendre une décision qui puisse conduire à « une diminution de la valeur du patrimoine » ou « rendre un bien de la société indisponible pour une longue durée ».

Faible mobilisation des recettes 

Aucun bilan – si seulement il a été établi – n’a cependant été présenté à la presse, plus d’une année après la signature de ces deux contrats. Selon la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (DGRAD), les recettes des participations relèvent essentiellement du ministère du Portefeuille. Et, pour l’exercice clos 2018, le ministère et son secrétariat général n’ont même pas atteint les 50 % de leurs assignations. Alors que le Trésor espérait au bas mot 12 246 319 498 FC, seuls 5 546 082 155, 33 FC ont été collectés, soit 45.29 % de réalisations.  

Les dividendes de la vingtaine d’entreprises publiques transformées en sociétés commerciales sont restés insignifiants ces deux dernières années. Selon les projections de la DGRAD, ces dividendes ne devraient guère excéder les 51 % de leurs assignations annuelles 2019. 

La réforme des entreprises publiques paraît tourner court. D’ailleurs, le Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques (COPIREP) a pratiquement été ignoré dans les engagements nouveaux entre l’État et les gestionnaires des entreprises publiques. 

Simple commission ad hoc au départ, en 2003, cet établissement public a pourtant géré 180 millions de dollars, dont 120 millions de crédits obtenus de la Banque mondiale pour rendre « plus compétitives » les entreprises du portefeuille de l’État, considérées comme des « canards boiteux ». 

Hélas, la réforme des entreprises publiques a tourné à la confusion.  « Je tiens à dire que nous ne pouvons pas dans ce domaine comme dans bien d’autres, aller d’études en études, des conseils d’experts en conseils d’experts, ce qui souvent n’est qu’une excuse pour ne rien faire ! », déclarait Joseph Kabila Kabange, alors président de la République, devant les deux Chambres du Parlement réunies Congrès. 

Au 31 décembre 2010, la transformation juridique des entreprises publiques en SARL a été réalisée selon la volonté du gouvernement, se félicitait Ilunga Ilunkamba, le même, alors secrétaire exécutif du COPIREP, aujourd’hui nommé 1ER Ministre, dans un rapport annuel de l’établissement public. Pour lui, toutes ces avancées n’étaient pas une fin en soi. 

La réforme des entreprises publiques vise en fait le redressement de celles-ci en vue de les rendre « viables, performantes et capables de fournir des services de bonne qualité à la communauté ». 

Promesses vaines

Le COPIREP soutenait, en effet, que l’État gagnerait 5 milliards de dollars l’an à travers les entreprises publiques transformées en sociétés commerciales. Rien de tel n’est venu. En 2015, l’État a même créé le Fonds spécial du Portefeuille pour poursuivre la réforme des entreprises publiques. Mais le financement du Fonds fait défaut. Et pourtant, en 2016, le ministère du Portefeuille via la DGRAD a quasiment réalisé 100 % de ses assignations, soit 7,6 milliards de francs sur 7,7 milliards attendus. 

Mais par la suite, la régie financière va noter « une faiblesse de récupération des dividendes de l’État », là où il est actionnaire minoritaire à cause de la fiscalité nationale basée sur la déclaration du service. Elle déplore également l’absence de missions de contrôle mixte entre la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations et le service attitré du Portefeuille. 

La Direction générale des impôts (DGI) a émis quasiment les mêmes griefs. La DGI court encore après des obligations fiscales qu’elle espérait recouvrer auprès des entreprises publiques. Des restes constatés au 13 février 2017, soit 276 802 milliards de francs. Hélas, une note du ministère du Budget renseigne que lesdites entreprises (établissements, services de tous secteurs confondus) ne participent qu’à peu de choses au budget de l’État.

En moyenne, les dividendes attendues de la Générale des carrières et des mines (GECAMINES) oscillent autour de 200 000 dollars ; de la Société congolaise des hydrocarbures (SONAHYDROC, ex-COHYDRO), autour de 115 000 dollars ; de COBIL, environ 300 000 dollars ; de la Société nationale de chemin de fer (SNCC), moins de 18 000 dollars ; autant pour la Société congolaise des Poste et télécommunications (SCPT, ex-OCPT). La Régie des voies aériennes (RVA), 285 000 dollars, hormis les recettes du Go Pass qui constituent un fonds spécial. Les Lignes maritimes congolaises (LMC, ex-CMDC), un peu plus de 40 000 dollars ; la SONAS, plus de 150 000 dollars.  

Mais au terme de l’exercice budgétaire, ça n’est que du menu fretin que reçoit le Trésor. Même la Société commerciale des transports et des ports (SCTP, ex-ONATRA) a perdu de sa superbe. 

Elle est pourtant la plus grande contributrice des entreprises publiques en termes de recettes de participation, plus d’un demi-million de dollars en moyenne. En 2016, la SCTP a largement dépassé ses assignations en termes de recettes de participation, environ 3 millions de dollars. 

Établissements et services publics

Curieusement, l’État n’attend rien de l’Office de gestion du fret multimodal (OGEFREM), la Foire internationale de Kinshasa (FIKIN) qui pourtant devrait ouvrir ses portes courant juillet. La FIKIN, ce n’est pas que les activités foraines. L’établissement gère aussi un complexe immobilier qui a pris de la valeur ajoutée avec les nouvelles constructions chinoises. La Société des mines d’or de Kilo-Moto (SOKIMO, ex-OKIMO) a cessé de contribuer dans les recettes de participation alors qu’elle a conclu des joint-ventures « juteuses » comme par exemple Kibali Goldmines. La situation est davantage cahoteuse pour la vingtaine d’autres entreprises publiques transformées en établissements ou services publics en 2009. Ils ne versent, non plus, aucun rond à titre de dividendes dus à l’État. 

Il s’agit notamment de l’Office national du tourisme (ONT), l’Institut national de sécurité sociale (INSS), l’Office des routes (OR), l’Office des petites et moyennes entreprises (OPEC), l’Institut national de la statistique (INS), la Radio-télévision nationale congolaise (RTNC), l’Institut national de préparation professionnelle (INPP), l’Office national du café (ONC), l’Institut d’études et de recherches agronomiques (INERA), l’Institut des jardins zoologiques et botaniques du Congo (IJZBC), l’Institut de musée national du Congo (IMNC), l’Office national d’élevage (ONDE)  et l’Institut congolais de la conservation de la nature (ICCN) mais aussi du Centre d’évaluation, d’expertise et de certification des matières précieuses et semi-précieuses (CEEC) et du Fonds de promotion de l’industrie (FPI). 

Tous bénéficient pourtant de substantiels appuis financiers non seulement de l’État mais aussi des partenaires extérieurs. De 26 entreprises d’économie mixte reprises par le Portefeuille, la Minière de Bakwanga (MIBA) n’étant pas listée, il se compte du bout des doigts celles qui versent leurs dividendes dont ENGEN et la Banque Commerciale Du Congo (BCDC). 

Par contre, rien n’est prévu pour le Grand Hôtel Kinshasa (GHK) devenu Pullman Hotel.