Les conventions internationales sont au nombre de six. Premièrement, la Convention sur la facilitation du trafic maritime international (Convention FAL, 1965). Elle a pour objet la facilitation, la simplification et l’harmonisation des formalités administratives et autres opérations portuaires notamment celles relatives au transit. Deuxièmement, la Convention internationale relative au commerce de transit des pays sans littoral (New York, 1965), qui consacre le principe de la liberté de transit des marchandises des pays enclavés par les ports maritimes. Troisièmement, la Convention douanière relative au conteneur (1972) dont l’objet est de faciliter les procédures relatives au trafic des marchandises en conteneurs.
Quatrièmement, la Convention internationale sur la simplification et l’harmonisation des régimes douanières, dite Convention de Kyoto (1973). Elle organise la facilitation des procédures douanières par l’harmonisation et la simplification des formalités à travers une procédure douanière type. Cinquièmement, la convention internationale sur l’harmonisation des contrôles des marchandises aux frontières (ONU, 1982). Elle a pour objet d’assouplir les formalités, réduire le nombre et la durée des contrôles douaniers ainsi que les normes de qualité. Et sixièmement, la convention sur le transport international des marchandises effectué entièrement ou partiellement par mer. Elle a pour objet de réglementer le transport multimodal.
Les conventions régionales, quant à elles, sont au nombre de deux. D’abord, la Convention portant réglementation des transports routiers inter États de la Communauté économique et douanière des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dite Convention TIE (1982). Elle définit les conditions dans lesquelles doivent s’effectuer les transports routiers entre les États membres de la CEDEAO (normes techniques des véhicules, itinéraires, etc.). Ensuite, la Convention relative au transit routier inter États des marchandises (TRIE, 1982). Il s’agit de la création d’un régime douanier de transit routier entre les États membres de la CEDEAO en vue de faciliter la circulation des marchandises.
À cela s’ajoutent la Charte des transports maritimes en Afrique de l’Ouest et du Centre, et l’Acte uniforme de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) relatif aux contrats de transport des marchandises par route. La Charte des transports maritimes en Afrique de l’Ouest et du Centre, dite Charte d’Abidjan (1975), définit les conditions de transport maritime, y compris les opérations portuaires en Afrique de l’Ouest et du Centre. Tandis que l’Acte uniforme de l’OHADA relatif aux contrats de transport des marchandises par route (2003) élabore des principaux éléments devant figurer dans un contrat de transport routier dans les États membres de l’OHADA.
État d’application
Le constat en la matière, déplore les experts, est que les États africains ne ratifient pas toutes les conventions internationales de facilitation des transports. D’une manière générale, explique Anatole Lutumba, l’application de ces conventions est « partielle » et « inefficiente » au regard des résultats peu satisfaisants et de la persistance des entraves à l’efficacité des chaînes de transport. L’exemple le plus flagrant, dit-il, est la mauvaise application de la Convention TRIE. Celle-ci a prescrit un régime de transit inter États avec un carnet unique (le carnet TRIE) qui couvre la marchandise depuis le départ jusqu’à l’arrivée avec une seule perception du fonds de garantie. « Les États en font une mauvaise application en émettant chacun un carnet TRIE, si bien que l’on se retrouve sur un axe donné avec autant de carnets TRIE que de pays traversés et autant de perceptions de fonds de garantie. Une telle pratique n’est conforme ni à l’esprit ni à la lettre de la convention TRIE. », déplore-t-il.
Pour lui, comme pour nombre de spécialistes en la matière, la facilitation des transports et la fluidité du trafic routier constituent actuellement en Afrique « les actions prioritaires » des autorités nationales et des organisations d’intégration dans le cadre de leur stratégie de développement du commerce de nos États et partant, pour la compétitivité de leurs économies. C’est ainsi que certains pays ont initié des actions de lutte contre les entraves à la fluidité du trafic. « Mais au regard des limites des différentes initiatives nationales, la question est aujourd’hui perçue sous une approche plus régionale », pose-t-il. Par exemple, en Afrique de l’Ouest, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et la CEDEAO ont conçu ensemble le programme régional de facilitation des transports et transit routiers inter États. La communauté internationale en a fait également un sujet de préoccupation. Aussi, pour remédier aux problèmes particuliers des pays en développement sans littoral, l’Assemblée générale des Nations Unies a-t-elle convoqué en 2003 une conférence qui a abouti à l’adoption du programme d’action d’Almaty.
Volonté d’innover
Ce programme est un cadre nouveau pour la coopération en matière de transport en transit entre les pays en développement sans littoral et leurs pays de transit. En même temps que l’on peut noter une dynamique générale de modernisation et de renforcement des infrastructures et des équipements des ports en Afrique, il y a une volonté de l’ensemble des acteurs du secteur portuaire à œuvrer pour une amélioration des procédures portuaires. À cet effet, il s’est créé dans les différents ports des communautés portuaires regroupant tous les intervenants, constituant ainsi un cadre de concertations régulières où sont discutés les problèmes relatifs au traitement des marchandises en vue d’y apporter des solutions idoines.
« Une des recommandations communes à toutes les communautés portuaires est la création de guichets uniques dans les ports pour l’accélération de l’accomplissement des formalités portuaires. Tous les ports s’inscrivent donc actuellement dans cette dynamique de création de guichets uniques », souligne Anatole Lutumba. La majorité des pays à façade maritime de l’Afrique de l’Ouest ont initié des actions pour lutter contre les entraves à la fluidité du trafic lors de la traversée de leur territoire. Les systèmes mis en place à cet effet au départ des différents ports sont à peu près similaires. Ils fonctionnent selon le même schéma : l’ensemble des services de contrôle effectuent un contrôle groupé des véhicules au départ des ports et un macaron est apposé sur les véhicules qui sont en règle contre le paiement d’une somme qui varie selon les pays.
Le macaron permet au véhicule de traverser le territoire en principe sans autre perception. Les véhicules doivent être accompagnés d’une escorte mixte, c’est-à-dire composée de différents corps de contrôle.
Par exemple, le Burkina Faso, pays sans littoral et pays de transit pour le Mali et le Niger, a pris des mesures de suspension des contrôles sur les axes routiers autres que ceux à l’entrée et à la sortie des principales villes. « D’une manière générale, on remarque que les premiers moments d’application de ces mesures donnent quelques résultats tangibles, mais très vite les anciennes pratiques refont surface : les contrôles mobiles se multiplient et les perceptions illicites réapparaissent. », rapporte-t-il. Face donc aux limites des dispositions nationales, la CEDEAO et l’UEMOA ont entrepris de multiples actions en vue de réduire les entraves, dont la mise en place d’un programme régional de facilitation des transports et de transit routiers. Ce programme comporte plusieurs composantes dont les plus importantes sont la simplification et l’harmonisation des procédures et la réglementation, la construction des postes de contrôle juxtaposés afin de rationaliser le passage aux frontières en regroupant les services de contrôle (sur la base de procédures harmonisées et rationnalisées) des États sur un même site, les systèmes d’informations informatisées (par exemple, le système d’informations anticipées sur les marchandises ou SIAM développé par le CNUCED), pour identifier, analyser et publier régulièrement les faits, les pratiques et les irrégularités, de même que les abus constatés sur les axes routiers à travers l’ Observatoire des pratiques anormales sur les axes routiers (OPA). Il a été mis en place en 2006, conjointement par la CEDEAO, l’UEMOA, l’USAID, le Programme des politiques de transport en Afrique (SSATP) et le partenariat technique du Centre ouest-africain pour le commerce (West Africa Trade Hub, WATH).
Les ports secs
Parmi les perspectives envisagées comme outils de rationalisation et de facilitation des chaînes de transport en Afrique de l’Ouest et du Centre pour les pays sans façade maritime et pour les pays côtiers ayant des régions très éloignées de la mer (comme la République démocratique du Congo), les ports secs figurent en bonne position. Les experts expliquent que le vocable port sec ou dry port est utilisé en opposition au port maritime ou port en eau profonde. Le concept trouve son origine dans le développement de la conteneurisation, du transport multimodal et de la logistique internationale.
Il a pour finalité de « rapprocher le plus possible les zones de livraison (pour l’import) ou d’expédition (pour l’export) des centres générateurs de demande de transport (consommation, production, distribution), sous un régime de transport multimodal qui élimine toutes les étapes intermédiaires habituellement associées à un système de combinaison des régimes unimodaux ».
Un statut spécifique
Pour les spécialistes, le port sec est « une plateforme logistique ayant un statut juridique spécifique, sous contrôle douanier et desservi par des moyens de transport appropriés ». Autrement dit, le port sec est « un interface de transport devant permettre la rationalisation des opérations de pré et post acheminement des marchandises à destination ou en provenance des ports maritimes ». Il est aussi considéré comme « un prolongement du port maritime, où les navires auraient pu directement débarquer les marchandises sans formalités dans le port maritime ». Par ailleurs, le port sec n’est pas à confondre avec les plateformes logistiques, les terminaux à conteneurs, les entrepôts, les gares routières et ferroviaires qui ne présentent pas les mêmes caractéristiques. Enfin, le port sec comporte deux aspects essentiels : infrastructurel et juridique et douanier. L’aspect juridique et douanier est le plus complexe car lorsqu’un port sec est situé dans un pays enclavé, il implique la disponibilité du pays de transit à dispenser les marchandises de toutes les formalités au port maritime et lors du transport terrestre, mais aussi la disponibilité de l’opérateur de transport à émettre un document de transport multimodal couvrant la marchandise jusqu’au port sec et à partir du port sec. C’est pour dire que pour les pays enclavés de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, son introduction dans la chaîne de transport devrait permettre de différer les contrôles et les procédures de douanes habituellement effectués dans les ports maritimes sur les corridors. « Mais son utilisation rationnelle suppose une concertation entre les différents pays de la sous-région. En la matière, il faut éviter les initiatives individuelles dont la somme peut être préjudiciable à l’efficacité des chaînes de transport. », conclut Anatole Lutumba.