Les dépenses aux libellés obscurs à biffer au profit des secteurs pro-pauvres

Le budget de l’État comporte encore des postes « des dépenses non pertinentes au libellé obscur ». L’expression est des organisations de la société civile qui ont déjà affûté leurs plaidoyers et propositions pour la prochaine conférence budgétaire.

LA MOUVANCE de la société civile recommande la suppression  des postes de dépenses, tels « Dépenses exceptionnelles », « Frais secrets de recherche », « Fonds d’intervention économique », etc. Tous ces postes sont inventoriés dans un document transmis notamment au ministère du Budget, et signé par Abraham Djamba, le directeur exécutif du REGED. Le document recommande « la suppression pour les ministères et services qui n’en ont pas manifestement et strictement besoin, au profit des dépenses de secteurs pro-pauvres ». 

La société civile propose, en effet, que la budgétisation au niveau du projet de loi de finances 2020 soit, le plus possible, en cohérence avec les Objectifs de développement durable (ODD) et des stratégies sectorielles. À titre d’exemple, la mécanisation de 140 000 enseignements (NU ou nouvelles unités), entre 2020 et 2022 dont 50 000 dès le prochain exercice budgétaire ; le financement du projet Santé de reproduction de la mère, du nouveau-né, de l’enfant et de l’adolescent (SRMNEA) couplé à celui de la Nutrition, ou encore la mise en place d’un programme d’encadrement technique des paysans producteurs par la redynamisation du Service national de vulgarisation ainsi que celui de la relance de grandes fermes et plantations, etc. 

Le gouvernement peine à financer ces différents projets, sinon à apporter sa quote-part (fonds de contrepartie) faute de ressources. Et pourtant des postes de dépenses tels que « Frais secrets de recherche) ainsi que certaines rubriques et lignes budgétaires dotées chaque année de crédits consistants n’offrent pas assez de lisibilité par manque de détails substantiels.

Partenaires extérieurs

Les partenaires extérieurs attendraient également du prochain gouvernement de Sylvestre Ilunga Ilunkamba de réels efforts dans la rationalisation de la loi de finances publiques 2020. Il sied, en effet, de rappeler que la société civile est appuyée par le Projet de Renforcement de la Redevabilité et de la Gestion des Finances Publiques (PROFIT-CONGO) sur financement de la Banque mondiale, en partenariat avec la coopération britannique (DFID) et le gouvernement belge. 

Selon la circulaire du ministre du Budget sur l’exécution du budget 2019, les dépenses dites d’interventions économiques, sociales, scientifiques et culturelles peuvent être accordées aux entreprises et services privés en difficultés d’exploitation et disposant d’un plan de relance crédible. 

Les prévisions budgétaires y relatives doivent être appuyées par des justificatifs des fonds reçus antérieurement ainsi que les axes du programme à réaliser. « Le Fonds spécial d’intervention n’est prévu que pour les bureaux des institutions bénéficiaires des dotations. Son octroi est limité au strict minimum », précise Pierre Kangudia Mbayi, le ministre d’État et ministre du Budget. « Les frais secrets de recherche, note le ministre, ne peuvent être sollicités que par des services civils et militaires de sécurité et de justice qui exercent une activité de renseignement et d’intelligence ».  

Mais d’où vient alors que des institutions comme la Commission électorale nationale indépendante (CENI) déjà bénéficiaire de considérables dépenses exceptionnelles, dispose encore des frais secrets de recherche et des fonds d’interventions économiques, sociales, etc. Pour l’exercice clos 2018, la CENI a, en effet, été dotée de plus de 950 millions de FC de frais secrets de recherche alors que son budget de fonctionnement (non d’organisation des élections) s’est élevé au-delà de 18 milliards de FC. 

Complaisance et prévarication

Pour la société civile, le gouvernement a longtemps versé dans la complaisance. Le ministre en charge du Budget a toujours bafoué sa propre circulaire. S’il revient au 1ER Ministre de présenter et de défendre la loi de finances publiques comportant notamment le budget général de l’État devant les chambres, l’élaboration de ladite loi relève cependant du ministère du Budget. Outre la CENI, même le Conseil national de suivi de l’Accord de la Saint-Sylvestre (CNSA) a été créditée de 1 900 000 000 de FC, pour l’exercice clos 2018, des frais secrets de recherche alors que son budget de fonctionnement global était de  7 773 863 461 FC. 

La reddition des comptes exercice 2018 est un des préalables à l’examen de la loi de finances publiques 2020 dans les chambres. Les élus pourraient, espère la société civile, exiger du 1ER Ministre, les explications sur la double gratification de la Primature des frais secrets de recherche. D’abord le « Bureau », 271 290 182 FC, ensuite le « Cabinet », 118 501 047 FC. La vice-Primature en charge de l’Intérieur et sécurité,  553 063 848 FC, autant pour la vice-Primature en charge des Affaires étrangères et de l’Intégration régionale. 

Les frais secrets de recherche de la vice-Primature des Transports et des Voies de communication auraient culminé à plus de 3 milliards de FC. À la Chancellerie des ordres nationaux, le cabinet dispose de ses propres frais secrets de recherche, 295 380 000 FC ; le secrétariat général aussi, 61 803 553 FC ; la direction des études et de la planification également, 56 000 000 FC. Mais il nous revient qu’il est des institutions bien que créditées qui n’ont jamais vu un seul centime de frais secrets de recherche. Il appert que c’est le cas du Mécanisme national de suivi de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba (MNS). Toutefois, pour l’exercice 2018, le Mécanisme dispose de 181 416 889 FC. 

Des experts de la société civile notent également des institutions relevant du pouvoir judiciaire qui devraient disposer plus de frais secrets de recherche, feraient, bien au contraire, office des parents pauvres. À titre d’exemple, la Direction générale de la police judiciaire, 67 500 000 FC ; l’Inspection générale de la police judiciaire, 666 940 543 FC ; le Bureau central national Interpol, 100 000 000 FC ; la Direction de l’identité judiciaire, 52 466 979 FC, la police scientifique, 503 105 588 FC ; la Haute cour militaire (greffier en chef), 631 949 532 FC ; l’Auditorat général près de la Haute cour militaire (cabinet), 982 718 427 FC, contre 469 695 019 FC pour le 1ER secrétaire. 

Le cabinet du Parquet général près le Conseil d’État dispose des crédits de 752 634 838 FC de frais secrets de recherche ; le cabinet de la Cour constitutionnelle, 1 090 775 482 FC, alors que ceux du greffier en chef sont de 314 257 828 FC ; le cabinet de la Cour de cassation, 445 750 000 FC ; le Secrétariat permanent du Conseil supérieur de la magistrature, 297 013 048 FC, les Postes des inspecteurs judiciaires, 80 000 000 FC ; la Direction des services généraux et du personnel (casier judiciaire), 67 219 289 FC. 

Autres temps, autres mœurs! La société civile espère que le nouvel ordre politique incarné par le président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo pourrait donner une orientation plutôt pro-pauvre à la rédaction du projet de loi de finances 2020, pour « plus de lisibilité aux prévisions budgétaires en fournissant davantage des renseignements notamment sur les dépenses exceptionnelles, les frais secrets de recherche et les fonds d’intervention économique ». Elle recommande, par ailleurs, au gouvernement « l’insertion d’une ligne budgétaire en faveur des actions pro-Fonds vert pour le climat (FVC), en y affectant un crédit de 100 000 dollars afin d’accéder à un financement de 21 milliards de dollars prévus pour la République démocratique du Congo pour la période 2018-2030 ». Il est vrai qu’un épais nuage a toujours entouré de colossaux fonds liés au climat et à la forêt attribués à la RDC. Il s’agit notamment de REDD+, Crédits carbone, Fonds vert, etc.