Les effets économiques pourraient être plus rapides et plus importantes

Les prévisions actuelles risquent d’être déjouées. En tout cas, Oxford Economics est formel dans son rapport comparatif des différentes prévisions scientifiques.

L’ABSENCE d’efforts significatifs pour réduire la courbe des émissions pourrait conduire à un réchauffement de 2°C, d’ici à 2050, diminuant le PIB mondial de 2,5, voire 7,5 %, peut-on lire dans un récent rapport d’Oxford Economics. Les régions les plus affectées par cette perte de performance économique seront l’Afrique et l’Asie. À terme, souligne le même rapport, la température pourrait monter à 4°C en 2100, grevant le PIB global de 30 %.

Selon James Nixon, l’un des économistes ayant pris part à l’étude, les récents rapports scientifiques prouvent que de profondes altérations sont déjà causées par le phénomène. Il s’agit, entre autres, de sécheresses prolongées et d’événements climatiques extrêmes qui affectent l’activité économique. « Même si, sur un horizon de 10 ans, les coûts ne semblent pas assez significatifs pour affecter nos prévisions, la fenêtre d’approximation semble se refermer rapidement. Les effets sont assez importants pour être pris en compte dans nos prévisions économiques à court terme, pour la première moitié de ce siècle », prévient-il.

USA sous menace

Aux États-Unis, par exemple, le gouvernement avait mis en garde contre les conséquences désastreuses du changement climatique sur l’économie américaine. Selon l’Assessement (évaluation) commandée en novembre 2018 par le Congrès américain et rédigée par plus de 300 scientifiques, les États-Unis pourraient perdre des centaines de milliards de dollars d’ici la fin du siècle à cause des gaz à effet de serre. Les conséquences du changement climatique vont affecter de plus en plus le commerce et l’économie, notamment les prix à l’import et à l’export, ainsi que les entreprises qui ont des investissements et des chaînes d’approvisionnement à l’étranger. Donald Trump, le président des États-Unis, avait annoncé, en juin 2017, le retrait (effectif en novembre 2020) de son pays de l’accord de Paris sur le climat, et de facto, a déjà abandonné les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés par son prédécesseur démocrate, Barack Obama.

Inverser la tendance

Après trois années de stabilisation, les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse en 2018 pour atteindre des niveaux records. En d’autres termes, les objectifs des accords de Paris de 2015 qui étaient de contenir le réchauffement climatique sous la barre des 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle sont en train de fondre… Selon les experts avant l’ouverture de la COP 24 sur le climat en Pologne, en décembre 2018, le réchauffement climatique s’oriente vers une hausse de 3°C d’ici la fin du siècle.

Pour inverser cette tendance, les chercheurs estiment que les gouvernements du monde entier vont devoir tripler leurs efforts actuels pour atteindre l’objectif de 2°C. « Si toutes les subventions aux combustibles fossiles étaient supprimées, les émissions mondiales de carbone pourraient être réduites de plus de 10 % d’ici 2030 », explique l’ONU Environnement. « Il est également essentiel de fixer un prix du carbone adéquat. À un coût de 70 dollars par tonne de CO2, il est possible, dans certains pays, d’atteindre des réductions d’émissions de 40 % ». 

Sans être grand clerc, il est probable que les ambitions ne soient pas forcément à la hauteur de l’urgence. Nombre d’observateurs des négociations doutent de la volonté réelle des pays d’engager le virage de la décarbonation de l’économie. L’idée est apparue dans les conférences climat avant Copenhague (2009), portée à l’époque par les mouvements syndicaux, les pays du Sud et plusieurs gouvernements d’Amérique latine ou de l’Union européenne. Le concept a pris forme en 2015 dans le préambule de l’Accord de Paris, qui mentionne les « impératifs d’une transition juste pour la population active et la création d’emplois décents et de qualité ». 

« Dans le contexte de l’ONU, il est important que les pays disent que la transition écologique doit être une transition sociale. L’étape suivante, bien sûr, ce sera de passer de la parole aux actes », analyse Anabella Rosemberg. Plus de 200 personnalités, d’Alain Delon à Patti Smith, tous ont répondu à l’appel de Juliette Binoche et de l’astrophysicien Aurélien Barrau pour une action politique « ferme et immédiate » face au changement climatique afin de sauver notre planète. « Quelques jours après la démission de Nicolas Hulot (Ndlr, ministre français de la Transition écologique), nous lançons cet appel : face au plus grand défi de l’histoire de l’humanité, le pouvoir politique doit agir fermement et immédiatement. Il est temps d’être sérieux. Nous vivons un cataclysme planétaire. Réchauffement climatique, diminution drastique des espaces de vie, effondrement de la biodiversité, pollution profonde des sols, de l’eau et de l’air, déforestation rapide : tous les indicateurs sont alarmants. Au rythme actuel, dans quelques décennies, il ne restera presque plus rien. Les humains et la plupart des espèces vivantes sont en situation critique », ont-ils écrit. 

Éviter le pire

Et de poursuivre : « Il est trop tard pour que rien ne se soit passé : l’effondrement est en cours. La sixième extinction massive se déroule à une vitesse sans précédent. Mais il n’est pas trop tard pour éviter le pire.  Nous considérons donc que toute action politique qui ne ferait pas de la lutte contre ce cataclysme sa priorité concrète, annoncée et assumée, ne serait plus crédible. Nous considérons qu’un gouvernement qui ne ferait pas du sauvetage de ce qui peut encore l’être son objectif premier et revendiqué ne saurait être pris au sérieux. » 

Et de conclure : « Nous proposons le choix du politique – loin des lobbys – et des mesures potentiellement impopulaires qui en résulteront. C’est une question de survie. Elle ne peut, par essence, pas être considérée comme secondaire. De très nombreux autres combats sont légitimes. Mais si celui-ci est perdu, aucun ne pourra plus être mené. »