Le recrutement d’intérimaires se généralise dans le monde du travail. Les employeurs y recourent de plus en plus, sous prétexte de minimiser les charges sociales. Selon le code du travail, leurs activités sont limitées dans le temps. Pourtant, certaines entreprises ignorent la législation.
Ils ne sont pas payés. Ils ne bénéficient d’aucun avantage, ni en espèces ni en nature. Personne ne veut les employer à plein temps, mais tout le monde a besoin d’eux. Ils sont dépanneurs, poseurs de câbles, releveurs de compteurs, facturiers, secrétaires, informaticiens… Ils n’ont signé aucun contrat de travail, ni à durée déterminée, ni à durée indéterminée. Leur cas est des plus désespérés. À la Société nationale d’électricité (SNEL) et à la Régie de distribution d’eau (REGIDESO), la plupart des temporaires ont totalisé plus de quinze ans de service. Les dispositions du code du travail sont pourtant claires. Dans le cas d’engagement au jour le jour, si le travailleur a déjà accompli vingt-deux journées de travail sur une période de deux mois, le nouvel engagement conclu, avant l’expiration des deux mois est, sous peine de pénalité, réputé conclu pour une durée indéterminée.
Ce que dit la loi
Le contrat à durée déterminée ne peut excéder deux ans. Cette durée ne peut excéder un an si le travailleur est marié et séparé de sa famille ou s’il est veuf, séparé de corps ou divorcé et séparé de ses enfants dont il doit assumer la garde. Il stipule également qu’aucun travailleur ne peut conclure avec le même employeur ou avec la même entreprise plus de deux contrats à durée déterminée ni renouveler plus d’une fois un contrat à durée déterminée, sauf dans le cas d’exécution de travaux saisonniers, d’ouvrages bien définis et autres travaux déterminés par arrêté du ministre ayant le travail et la prévoyance sociale dans ses attributions, pris après avis du Conseil national du travail.
L’exécution de tout contrat conclu en violation de ces dispositions ou la continuation de service en dehors des cas prévus constituent de plein droit l’exécution d’un contrat de travail à durée indéterminée. Lorsque le travailleur est recruté pour occuper un emploi permanent dans l’entreprise ou l’établissement, le contrat doit être conclu pour une durée indéterminée. Tout contrat conclu pour une durée déterminée en violation des dispositions légales est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Preuve d’ingéniosité
La REGIDESO et la SNEL, n’en ont cure. Dans cette dernière société, à chaque coupure d’électricité dans la capitale, les temporaires sont mis à contribution. Si le réseau électrique de Kinshasa, vetuste, tient encore, c’est grâce à leur ingéniosité. Chaque fois qu’il y a carence en personnel dans ses différents services technico-commerciaux, la SNEL recourt à eux. C’est le cas à Kinshasa et dans l’ex- province du Bas-Congo. Ils étaient plus de 1 400 à Kinshasa.
Généralement, ces personnes s’acquittent des tâches qui leur sont confiées à la grande satisfaction de leurs supérieurs et de la clientèle. Cependant, seuls les journaliers du Kongo-Central ont été rétablis dans leurs droits pendant que leurs collègues de Kinshasa continuent de souffrir. Compréhensifs, les Kinois ne sont plus choqués par l’attitude cavalière de ces journaliers qui font tout pour survivre. Au lieu d’aider, par exemple, à rétablir l’énergie électrique lorsqu’elle est interrompue, c’est plutôt l’inverse qui se produit. Dans la matinée ou en fin de soirée, ils coupent volontairement la fourniture d’électricité pour venir la rétablir plusieurs heures plus tard, mettant de ce fait les abonnés en position de négocier.
Régularisation
Après avoir œuvré durant plusieurs années, ils en ont assez. Ils exigent désormais la régularisation de leur situation. Certains pensent recourir à la justice. Toutes les correspondances adressées aux autorités de la SNEL depuis 2011 sont restées lettre morte.
Et pourtant, par ses lettres du 20 avril 2011 et du 4 juillet 2011, Yengo Masampu, alors administrateur-directeur général de la SNEL, avait demandé au département des Ressources humaines, de proposer des pistes de solution éventuelles.
Lui aussi informé de la situation à sa nomination en qualité d’administrateur-délégué, Eric Mbala Musanda avait, par sa note de service du 21 octobre 2011, créé une commission chargée d’examiner, endéans cinq jours, les réclamations des journaliers. Dans cette note, il reconnaissait leur utilisation par la société depuis longtemps. Cette commission avait effectivement fini son travail et identifié les requérants dans leurs différents lieux de service. Les autorités du pays s’en étaient mêlées.
C’est le cas du Premier ministre et de la ministre du Portefeuille, qui avaient, à travers des lettres du 4 juillet 2012 et du 8 juin 2012, donné des instructions aux responsables de la SNEL pour que la situation soit régularisée. La SNEL a plutôt fait la sourde oreille. Pendant que les journaliers attendaient une réaction en leur faveur, la société a pratiquement passé outre les instructions du gouvernement pour créer, en juin 2012, une nouvelle structure dénommée Cellule de recouvrement spécial (CRS), qui se muera ensuite en Brigade de recouvrement spéciale.
Celle-ci fait l’impasse sur les années passées par les travailleurs au sein de l’entreprise les invite à passer des examens médicaux en vue d’un engagement à durée indéterminée. Protestation des intéressés qui ne veulent rien entendre et exigent la régularisation, dans les meilleurs délais, de leur situation par la signature, sans conditions, de contrats de travail à durée indéterminée.