Les enjeux de l’entrée de la RDC dans la communauté est-africaine

La table ronde sur les exportations de la RDC, organisée à Kinshasa en avril 2018, a recommandé la création d’une agence nationale des exportations comme un signal fort de diversification de l’économie nationale. Reste que le gouvernement doit opérer des choix sur les secteurs et les produits stratégiques en vue des échanges commerciaux.

L’EAC s’inscrit dans la vision d’amélioration, d’élargissement et de diversification de l’activité économique.

POURQUOI la République démocratique du Congo doit-elle intégrer la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC/CAE) et quels sont les avantages qu’elle peut en tirer ? Nous avons dans une sorte de forum posé cette question à des experts. Et voici les enseignements pertinents que nous avons tirés de cet échange-débat. 

Depuis la crise financière internationale, suite à la baisse des cours des produits de base en 2015, laquelle a fortement secoué les économies nationales dépendantes largement de l’exportation des matières premières, une vision pour l’économie nationale est en l’air. Mais elle demande à être concrétisée. Et de quelle vision, ça peut bien être ? 

Le diagnostic général de notre économie, exposée aux enjeux et aux défis de l’économie mondiale, est connu. Il a été dressé par des spécialistes de tous les horizons scientifiques. En 2017, le gouvernement a organisé une conférence nationale sur le climat des affaires et un forum national sur la réforme fiscale en RDC. Puis, en 2018, il y a eu une table ronde sur les exportations de la RDC et un forum national café-cacao… L’objectif affiché : réunir autour d’une table les experts et les non experts pour pénétrer plus avant dans les arcanes de l’économie nationale. Avec, pour fil d’Ariane, l’univers complexe et souvent impitoyable des matières premières. 

La tendance actuelle

Jusque dans les années 1970, les économies africaines étaient florissantes. Le constat est que les Africains sont aujourd’hui plus pauvres qu’à l’avènement des indépendances dans les années 1960. Bien des experts pensent que l’intégration régionale est un moyen essentiel pour diversifier les économies, intégrer les États de la région aux échanges mondiaux et répondre aux risques d’instabilité, de crise alimentaire…

Lors du mini-forum organisé par Business & Finances sur cette problématique, des invités ont indiqué que soutenir l’intégration régionale a l’avantage d’accroître la capacité des gouvernements à mettre en œuvre des politiques publiques conformes à l’intérêt général et améliorer la gouvernance. Cela permet également de développer les échanges interafricains et la solidarité entre États africains. D’après eux, la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC/CAE) s’inscrit dans la vision d’amélioration, d’élargissement et de diversification de l’activité économique. 

Jean Marie Kidinda, politologue et sociologue, déclare : « Les enjeux et la viabilité du mouvement actuel de régionalisation en Afrique de l’Est ne peuvent être expliqués en dehors d’une perspective historique. » D’après lui, les différentes expériences d’intégration menées dans la région depuis la fin du XIXe siècle sont le reflet du caractère transitoire des zones et de l’impératif régional. On retiendra utilement que la volonté de rapprochement des économies de la région (Kenya, Ouganda et Tanzanie) a été donc initialement impulsée par le colonisateur britannique dans le souci de rationaliser les investissements. Et cette « intégration exogène » s’est poursuivie jusqu’aux indépendances par la création de plusieurs institutions à vocation régionale. « Tout cela a aidé à donner une certaine cohérence à ces espaces et à développer le sentiment selon lequel une intégration de ces économies est profitable à tous et pour tous », fait-il remarquer.

Un besoin vivement ressenti

Pour sa part, Edelber Muhiza, économiste, souligne que dans les pays africains, au lendemain des indépendances marquées par l’éclatement des anciennes fédérations coloniales, le besoin d’intégration régionale s’est fait vivement sentir. Il estime que le renforcement de l’intégration régionale passe nécessairement par l’intégration monétaire et financière, l’intégration commerciale et fiscale et l’approfondissement du marché commun et des politiques sectorielles. 

Avec un succès conditionné à l’application effective des textes communautaires et au renforcement de la surveillance multilatérale, à la gestion des risques de l’intégration, en appliquant les principes de subsidiarité et de solidarité. Mais aussi à la préservation des acquis des unions dans le processus d’élargissement et à une forte volonté politique et un renforcement du cadre institutionnel existant.

Lucien Matezo, altermondialiste, note, quant à lui, ceci : « Le développement économique est un but recherché par les nations du monde afin d’assurer à leurs populations un niveau de vie satisfaisante, le bien-être social. » Et dans cette course vers le développement, certains États ont fait le choix d’évoluer seuls d’autres ont préféré se mettre ensemble, formant ainsi des blocs ou groupements régionaux. Question d’avoir les bases solides du développement économique. « Le regroupement des pays est un facteur favorable, au niveau global, à leur développement sur un certain nombre d’aspects : éducation, santé, démographie, culture, progrès etc. Mais son influence sur le développement économique d’un pays, pris à part, diffère d’un État à un autre », explique Matezo.

Symphorien Batouala, historien, mentionne que la notion de développement économique a pris son importance avec la naissance de nouvelles nations issues de la décolonisation et de certaines institutions économiques internationales dont le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale… « On évalue le développement économique par les indicateurs économiques que sont le Produit intérieur brut (PIB) et le Produit national brut (PNB), mais aussi par l’inefficacité du PIB à mesurer le bien-être individuel ou collectif, car il ne fournit que les informations sur la production économique et l’indissociabilité du développement économique au développement social », dit-il.

Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a ajouté un autre indicateur de développement, lIndice de développement humain (IDH). Depuis 1990, l’IDH évalue le niveau de développement humain dans le monde, prenant en compte l’espérance de vie à la naissance, le niveau d’études et d’instruction et le revenu par habitant. 

Relever les défis internes

Pour relever les défis internes imposés par l’environnement économique mondial, des États choisissent la voie de l’unification des forces. C’est l’une des caractéristiques du XXe siècle, rappelle Symphorien Batouala. Qui cite notamment la création de l’Union européenne… Ce mouvement d’intégration régionale dans le monde s’est étendue à l’Afrique, notamment avec la formation de l’Union économique et monétaire d’Afrique de l’Ouest (UEMOA), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté de développement des États d’Afrique australe (SADC), le Marché commun des États d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe (COMESA), la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC/CAE).

Aujourd’hui, explique Ludovic Nkunku, économiste, le champ d’application de l’intégration est devenu plus vaste, dépassant les échanges commerciaux pour inclure aussi les flux de capitaux, de travailleurs et les institutions communes où la coordination des politiques permet la convergence des économies et un ancrage des politiques économiques. « Au sens strict de l’économie, l’intégration se réfère à la coordination des activités économiques pour favoriser le développement des pays ou des régions », fait-il savoir. 

*Cet article a été publié dans l’édition n°227 de Business & Finances