Le « Made in China » a mauvaise presse. Les récents scandales du lait à la mélamine, de la viande de porc au clenbutérol ou encore les crevettes à la gélatine n’ont pas arrangé l’image des produits chinois à l’étranger. Pourtant, les exportations chinoises vers le continent africain ne cessent d’augmenter : + 13 % entre 2013 et 2014. Le commerce bilatéral dépasse désormais les 220 milliards de dollars.
Si l’Afrique exporte essentiellement des matières premières, dont 80 % de produits miniers, la Chine quant à elle inonde le continent avec ses produits textiles et son petit électronique bon marché.
Contrebande et marché noir
« Nous avions jusqu’en 2012 un taux de rejet des produits chinois exportés vers l’Afrique de 31 %, explique Sébastien Breteau, PDG d’Asia Inspection, l’un des leaders mondiaux sur ce marché du contrôle qualité. Ce taux est tombé à 22 % cette année. Cela signifie que la qualité des exportations chinoises vers l’Afrique s’améliore progressivement et que les consommateurs africains sont de plus en plus exigeants ». Plus d’un produit chinois exporté sur cinq vers l’Afrique ne serait donc pas aux normes ? En réalité, il ne s’agit que du sommet de l’iceberg. La contrebande et le marché noir font encore les belles heures du commerce sino-africain et les contrôles ne sont pas obligatoires. Ils se font à la demande des importateurs et les inspections des douanes africaines sont plus qu’aléatoires.
Mais petit à petit, les choses changent. Dans les dix prochaines années, la classe moyenne africaine pourrait atteindre le demi-milliard de personnes. Une population qui souhaite consommer mieux et pas forcément plus cher. Vêtements, chaussures, téléphones portables, fours à micro-onde et produits électroniques sont les plus vendus par l’usine du monde. « Les clients africains demandent des prix bas et, depuis quatre ou cinq ans, ils sont de plus en plus attentifs à la qualité. Les importateurs africains adoptent progressivement les normes internationales, souligne le patron français. Cette année, nous avons également démarré notre premier programme d’audit social pour un distributeur sud-africain ». En clair, il s’agit de contrôler la qualité du produit et les conditions de sa fabrication.
Entreprises chinoises en Afrique
La Chine pour sa part veut redorer son blason. La marque « Chine » a beaucoup souffert des scandales à répétition. Mais améliorer la qualité, c’est aussi augmenter les prix. Les exportations chinoises ont encore reculé de 7 % depuis le début de l’année en raison surtout d’un manque de compétitivité des entreprises chinoises : salaires des ouvriers en hausse, yuan fort et baisse de la demande mondiale n’ont pas joué en faveur des produits chinois. « Par rapport à un pays comme le Bangladesh, la Chine n’est plus concurrentielle », note Sébastien Breteau.
L’autre versant de ces échanges sino-africains, c’est la part de plus en plus importante des produits africains exportés. Pour l’instant, l’Afrique n’investit « que » 14 milliards de dollars par an en Chine, essentiellement dans les industries pétrochimiques et le secteur industriel. 1,4 milliard de dollars seulement concerne les ventes en gros et au détail.
Mais de plus en plus d’entreprises chinoises s’installent en Afrique. Des usines à capitaux et à management chinois éclosent ainsi au Lesotho, au Swaziland, en Afrique du Sud, en Ethiopie et au Kenya. « Nous avons davantage de clients chinois en Afrique de l’Est qui travaillent pour de grandes marques de vêtements américaines ou européennes. La production est africaine et généralement réexportée vers l’Europe. »
« C’est très positif, note Sébastien Breteau, car cela peut permettre de relancer le développement d’une industrie africaine avec une expertise chinoise. Bien sûr, il y a souvent un véritable choc culturel. Les patrons chinois sont plus durs et on a vu en Afrique des grèves contre le management de l’usine chinoise comme au Lesotho. Heureusement, peu à peu, les normes de RSE (responsabilité sociale et environnementale des entreprises) se développent aussi bien en Chine qu’en Afrique ».
Contrefaçon de médicaments
Mais le problème principal est la contrefaçon. Il touche en particulier les médicaments dont 30 % en Afrique sont faux. Une marchandise facilement dissimulable et qui échappe pour l’essentiel aux contrôles douaniers dans des ports africains particulièrement poreux : en Afrique, le tiers des médicaments contre le paludisme, maladie la plus mortelle du continent, est ainsi contrefait.
« Les faux médicaments sont vendus comme des tomates ou des oignons sur les marchés », déplore Sybil Yeboah, une responsable de l’organisation ouest-africaine de la santé qui souligne que le continent n’a pas ses propres moyens de production et de contrôle des médicaments. En Afrique, un tiers des médicaments contrefaits vient ainsi de Chine et d’Inde, selon des statistiques de l’Organisation mondiale de la santé.
Pour lutter contre ce fléau et sécuriser les importations, une jeune start-up française installée dans le sud de la Chine vient de lancer une application pour smartphone, Cypheme. Un système capable d’identifier en quelques clicks le vrai produit du faux. « Nous avons développé la première technologie de détection de la contrefaçon fondée sur l’intelligence artificielle qui soit capable d’analyser la structure d’un objet et sa finition grâce à la caméra d’un smartphone, explique Hugo Garcia-Cotte, le PDG de Cypheme. En fonction de l’objet, on peut ainsi détecter des copies et même dans certains cas avoir une traçabilité ».Trois quarts des contrefaçons viennent de Chine et le jeune Français du haut de ses 27 ans et d’une motivation à toute épreuve souhaite offrir son logiciel à des ONG et lutter ainsi contre ce fléau sur le continent africain. « La mère d’une de nos cofondatrice a failli mourir à cause d’un médicament contrefait, raconte le jeune chef d’entreprise. Heureusement, elle s’en est bien sortie. Mais 700 000 personnes par an n’ont pas cette chance. La contrefaçon tue plus que la malaria en Afrique et nous devions faire quelque chose ».