C’EST LE CLIMAT politique qui prévalait à l’époque, du fait de l’organisation des élections sans cesse prorogée qui aurait dissuadé le gouvernement à passer à l’acte. Tant d’autres arrêtés interministériels relatifs à la révision à la hausse de certains droits, taxes ou redevances sont également à ce jour restés en veilleuse. Le ministère de l’Économie compte, en effet, parmi les services de l’État les moins performants en matière de collecte des recettes. À fin décembre 2018, le ministère de l’Économie n’en était qu’à 13,18 % de ses assignations budgétaires, soit 1 324 253 954,97 FC réalisés sur des attentes de 10 046 832 885 FC, indique la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (DGRAD).
Présomptions de dol
Les récents rapports de la mouvance de la société civile, ODEP, LICOCO, etc., sont davantage critiques vis-à-vis de ce ministère. L’ONG Réseau gouvernance économique et démocratie (REGED) relève, par exemple, que les assignations 2019 du ministère de l’Économie correspondent, à quelques chiffres près, aux recettes réalisées en 2018, soit 10 747 470 662 FC, dont plus de 97 % sont alignées sur des amendes transactionnelles pour infraction à la législation sur le prix et le commerce. En clair, des recettes aléatoires.
Pourtant, il pleut des commerces dans les grandes artères non seulement de Kinshasa mais aussi de grandes agglomérations de l’arrière-pays, tous les jours qui passent. Par où passent donc les recettes relatives à l’octroi du numéro d’identification nationale ? L’Institut national de la statistique (INS) est en pleine campagne d’inventoriage de toutes les unités de commerce principalement à Kinshasa. Ce que le ministère de l’Économie aurait dû faire depuis des lustres. Lors des conférences budgétaires sur la loi de finances de l’exercice 2019, les délégués du ministère de l’Économie nationale s’étaient, en effet, justifiés que la demande d’octroi du numéro d’identification nationale était très faible sur toute l’étendue du territoire national.
Et que le moratoire du 4 octobre 2017 décidé par Bruno Tshibala Nzenzhe, le 1ER Ministre, sur les missions de contrôle avait étouffé dans l’œuf toute initiative de vérification du numéro d’identification nationale. Et que les experts du ministère de l’Économie avaient sollicité de décideurs l’adaptation de la conception de la note de perception en fonction de sociétés intervenant au Guichet unique de création d’entreprise (GUCE), pour une meilleure traçabilité des recettes de chaque service.
Import et export
Hélas, à fin juillet 2019, aucune demande n’aurait été satisfaite. Par ailleurs, l’État encourage la dénonciation d’actes de fraudes notamment dans le commerce par une forte gratification. Hélas, au ministère de l’Économie, l’offre n’enchante guère. Sans doute que les experts ont déniché une fraude dans la chasse à la fraude. Amendes et pénalités sont devenues des plus gros contributeurs de recettes parafiscales que des actes générateurs des recettes proprement dits.
Voilà sans doute pourquoi au ministère du Commerce extérieur, les amendes transactionnelles pour infraction à la législation sur l’import et l’export sont pratiquement devenues la principale source des recettes de ce service d’assiette. En 2018, pour des recettes finalement dévaluées de 24 068 177 012 FC à 23.5 milliards de FC réalisées par ce ministère, 21 428 507 591 FC, soit plus de 95 % des revenus relèvent des amendes. Dans les mines, les amendes transactionnelles (imposition sur l’exportation des échantillons destinés aux analyses et essais industriels et amendes transactionnelles administratives) avaient déjà rapporté plus de 3 milliards de FC à fin juin 2018.
Quand les recettes des produits du Centre d’expertise, d’évaluation et de certification et celles de SAEMAPE ex-SAESSCAM sont restées nulles, 0 FC et que la taxe rémunératoire de la valeur expertisée des substances précieuses n’a rapporté que 506 842 458 FC. Assené de critiques, le ministère des Mines a quasiment réduit au tiers ses prévisions des recettes sur les amendes pour l’exercice 2019, soit un peu plus de milliard de FC. Ce qui reste cependant élevé et témoigne de la fraude qui gangrène le secteur minier de la RDC.
Où les amendes transactionnelles auraient dû rapporter gros comme au ministère de la Justice, elles ne valent que pour du menu fretin, juste 238 672 500 FC pour des réalisations de 2018 de l’ordre de 1 692 224 965 FC. Au ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat, les amendes représentent, en moyenne 20 % des recettes réalisées, ces dernières années. Selon les chiffres obtenus à la DGRAD (recettes parafiscales), en 2018, les amendes équivalaient à 1,4 milliards de FC sur des recettes de 13 564 499 150 FC.
Au ministère de la Pêche et de l’Élevage, les amendes et pénalités ont atteint 30 millions de FC en 2018. Alors que des actes générateurs de recettes majeurs comme la taxe sur l’autorisation d’exportation des végétaux, des produits végétaux et produits d’origine végétale ou encore la taxe sur l’autorisation d’importation des animaux, produits biologiques et vétérinaires.
Législation de change
Par ailleurs, un conflit de compétence a éclaté entre le ministère des Finances et la Banque centrale du Congo (BCC) sur la perception des amendes pour infraction à la législation de change. Alors que le ministère des Finances a gagné 185 160 600 FC à travers des amendes transactionnelles sur des astreintes pour non dépôt des tableaux de synthèse et celles relatives au non dépôt et dépôt tardif des tableaux de synthèse. Ces amendes représentent plus de 50 % des recettes réalisées en 2018, soit 394 078 688 FC, par le ministère des Finances en tant que service d’assiette.
Les assignations pour l’exercice 2019 du ministère des Finances portent sur les mêmes montants. Mais la Banque centrale a décidé unilatéralement de percevoir les recettes inhérentes aux amendes transactionnelles particulièrement celles portant sur l’infraction à la législation de change. Pourtant, ces amendes relèvent depuis toujours du ministère des Finances. En 2017, ce ministère avait pourtant réalisé un taux de perception de 207 % des recettes, soit plus de 2.6 milliards de FC pour des assignations de 1.2 milliards de FC.
Les amendes transactionnelles particulièrement celles portant sur l’infraction à la législation de change avaient rapporté 2 389 160 132 FC. Le ministère des Finances a sollicité « l’harmonisation des compétences sur les actes relatifs à la réglementation de change entre le ministère et la BCC », lit-on dans le document intitulé « Annexe explicative des prévisions des recettes de l’exercice 2019 » transmis en additif, au projet de loi de finances 2019, à l’Assemblée nationale par Bruno Tshibala, le 1ER Ministre.
Hélas, la commission Ecofin de l’Assemblée nationale, encore moins celle du Sénat n’ont donné suite à la requête du ministère des Finances. Par ailleurs, le ministère du Budget n’a accordé aucune prévision des recettes sur les amendes transactionnelles sur l’infraction à la législation de change pour 2019. Autres services d’assiette à problème, les Hydrocarbures.
Ici les amendes pour non-exécution de programme en matière d’hydrocarbures ainsi que les autres amendes transactionnelles administratives n’ont plus de prévisions budgétaires depuis des lustres, mais à chaque fin d’exercice, elles rapportent de considérables revenus, plus de 2,7 milliards de FC en 2018. À l’Energie et Ressources hydrauliques, les réalisations de 2018 ont été de 4,5 milliards de FC, dont 2,5 milliards de FC au titre des amendes.