Frank et Jeanine sont des professionnels formés venus de Beijing et qui vivent à Johannesburg depuis 1997. Ils sont arrivés avec une entreprise chinoise et, après leur contrat de trois ans, ils ont décidé de rester. Lui a maintenant beaucoup d’intérêts commerciaux à travers l’Afrique du Sud et il a également investi dans un consortium avec d’autres migrants chinois rentrés en Chine. Elle a obtenu un deuxième diplôme de master en Afrique du Sud et amélioré ses compétences linguistiques et ses relations afin de travailler pour une entreprise sud-africaine dont l’investisseur est chinois. Ils sont retournés en Chine plusieurs fois par an, mais ils considèrent maintenant l’Afrique du Sud comme leur patrie.
Il s’agit seulement de deux histoires parmi des milliers d’autres, mais elles illustrent un certain nombre de points. Premièrement, le flux des migrants de la Chine à l’Afrique- et de l’Afrique à la Chine- sont incroyablement hétérogènes. En Afrique, beaucoup de Chinois intègrent les entreprises d’État ou le secteur privé. Ils constituent un groupe de travailleurs migrants avec des contrats de deux à trois ans. Ils vivent généralement dans des zones fermées et ont peu d’interaction avec les populations locales.
Les migrants chinois viennent de mégalopoles des régions côtières du Sud, de la Chine centrale et, de plus en plus, du nord-est du pays. Alors que les étrangers ne voient qu’une grande masse de Chinois, ceux-ci viennent des différents milieux et ont des expériences très différentes en Afrique.
Ça vaut aussi la peine de noter que, une fois installés dans leurs nouveaux chez-soi africains, ils ne socialisent pas nécessairement avec d’autres Chinois. Au-delà de la question des différences de classe, il y a une méfiance croissante exacerbée par la compétition dans les affaires.
Avec les flots de migrants africains en Chine, il y a encore une plus grande diversité de langues, de religions et de pays d’origine. Une large proportion d’Africains sont des migrants temporaires- diplomates, hommes d’affaires et étudiants. Ils y en a qui ont vécu dans des villes comme Guangzhou pendant plus d’une décennie, la plupart avec des visas de courte durée ; les temporaires, qui constituent la majeure partie de la population et bougent continuellement entre l’Afrique et la Chine ; les nouveaux venus qui vont au-delà de la durée du visa et qui sont difficiles à compter. Essayer de vérifier le nombre d’Africains en Chine comme tel a été aussi difficile que compter le nombre des Chinois en Afrique.
Les plus nombreux semblent être les Nigérians. Le Mali, la République démocratique du Congo, le Sénégal et le Ghana sont bien représentés, selon les rapports émanant des bureaux de leurs communautés.
Deuxièmement, il est important de voir ces flux humains dans leur contexte et ils sont liés. La migration chinoise en Afrique est juste une petite partie des flots migratoires hors de la Chine. Ces flux ont commencé juste après que la Chine ait libéralisé les politiques d’émigration dans les années 1980 et ont augmenté avec la levée de l’interdiction de voyages internationaux en 2000. Les flots vers l’Afrique sont liés à l’augmentation des investissements d’État dans le commerce et les pays africains. Les afflux d’Africains en Chine sont aussi liés aux produits chinois, mais la Chine n’est qu’une destination parmi d’autres pour la diaspora africaine. Certains commerçants africains qui ont fait des affaires en Chine se sont maintenant tournés vers d’autres pays du Sud-Est asiatique à cause des prix très bas des produits. La Chine est également devenue une destination pour les migrants de partout : un voyage récent à Guangzhou a montré que, non seulement les Africains, mais un nombre croissant de ressortissants du monde arabe aussi bien que de la Turquie, d’Europe, des États-Unis et d’Amérique latine font des affaires en Chine.
Enfin, les questions liées à l’accueil dans le pays, l’adaptation, l’intégration, la permanence varient considérablement. Cela dépend beaucoup des lois et des réglementations qui régissent la migration et le séjour. Beaucoup de pays africains ont des frontières fluides, des systèmes d’immigration en dysfonctionnement et des problèmes de corruption qui les rendent relativement faciles d’accès, mais qui font qu’il est de plus en plus difficile d’y vivre avec un sentiment de sécurité. Les difficultés avec les langues locales, l’ignorance des lois locales, les tracasseries policières et la vulnérabilité face au crime sont parmi les questions communes auxquelles sont confrontés les nouveaux migrants chinois. En fait, les migrants africains en Chine sont également confrontés à une grande partie des mêmes problèmes.
Malgré les défis, les flots de migrants chinois dans les pays africains se poursuivent sans relâche et un grand nombre de Chinois décide de rester en Afrique, en apprenant les langues locales et en ayant le sentiment d’être chez eux. Les afflux des Africains en Chine semblent avoir ralenti quelque peu à cause de la crise financière mondiale, des fluctuations monétaires et des coûts de production bas dans le Sud- Est asiatique d’un côté, et les répressions policières contre l’immigration irrégulière de l’autre. Mais en Chine aussi bien qu’en Afrique, les populations migrantes qui mènent leur vie et gagnent leur pain sur un sol étranger sont de plus en plus diverses.
Nous voyons de plus en plus les impacts durables de ces flux humains dans les villes africaines et chinoises. Si nous jetons un coup d’œil à Johannesburg et Guangzhou, nous pouvons voir les empreintes de ces deux communautés migrantes sur des espaces physiques et au-delà. Johannesburg est la terre de deux quartiers chinois -l’un a démarré à la fin des années 1800 et le second à la fin des années 1990. Il y a deux grands centres de vente en gros disséminés autour de la ville, un nombre croissant de centres commerciaux chinois et, plus récemment, des plans pour développer un gigantesque projet d’infrastructure d’un montant de 8 milliards de dollars comprenant un centre financier, 35 000 maisons, un centre éducatif et un stade sportif sur quelque 1 620 hectares.
En plus des impacts sur les infrastructures, les hommes d’affaires chinois, à la fois ceux qui sont importants et les petits, embauchent localement dans la plupart des cas, à peu près un travailleur du pays pour quatre ou cinq employés chinois. Au-delà des effets économiques, il y a aussi les influences sociales et culturelles : la cuisine chinoise est devenue plus populaire, les cours et écoles de mandarin ne cessent d’augmenter, des relations Chinois-Africains se construisent, et de plus en plus d’Africains regardent la Chine comme une potentielle destination pour, à la fois, les affaires et le plaisir.
De la même façon, les Africains ont eu à Guangzhou des impacts durables sur la ville et ses habitants. Il y a plusieurs zones de la ville qui ont accueilli un grand nombre d’hommes d’affaires et de résidents africains, y compris Xiaobei et Foshan. À Xiaobei, vous trouverez des restaurants africains, des coiffeurs et des commerces de gros approvisionnant des acheteurs africains dans et autour de l’immeuble Tianxiu. Il y a clairement un point critique pour qu’une population assez importante puisse tolérer plusieurs églises des congrégations africaines, les mosquées, les équipes de football et même un magazine de luxe, LensAfrika. À Guangzhou les Africains soutiennent leur propre petite économie face aux autochtones et les moyens de transport des fournisseurs et courtiers chinois migrants. De plus en plus, aussi, nous entendons parler d’histoires d’amour de couples d’Africains et de Chinois, y compris les luttes qu’ils mènent en termes de régularisation du séjour, d’inscription et d’accès à l’école et aux soins de santé.
Pendant que les relations au niveau des États- commerce, investissement, accords bilatéraux et prêts- continuent de faire les gros titres de l’actualité, ça vaut la peine de se rappeler que ces connexions concernent des gens. Les gens qui affluent entre les villes, qui s’engagent avec l’autre, qui nouent des relations de confiance et qui renforcent les liens qui lient l’Afrique à la Chine.
Source The Africa Report