AUX QUATRE coins du monde, l’émotion est encore vive et les hommages à la pelle, après l’annonce de la mort de Johnny Clegg. Connu pour ses chansons, le chanteur sud-africain est également l’un des visages marquants de la lutte contre l’apartheid. Celui qu’on a surnommé le « Zoulou blanc » a succombé à un cancer du pancréas, diagnostiqué en 2015. Se sachant condamné, il s’était lancé dans une grande tournée d’adieu, considérant son sort avec philosophie. « J’ai eu une carrière gratifiante à bien des égards en réussissant à rassembler des gens grâce à des chansons, surtout à un moment où cela semblait complètement impossible », disait le chanteur.
De l’avis général, Johnny Clegg aura marqué l’histoire de la musique de son pays, mais il restera surtout dans la mémoire collective comme le symbole de cette Afrique du Sud qui disait non à l’apartheid. C’est en famille qu’il a toujours mené le combat, entouré de sa femme et de leurs deux enfants. Un soutien de taille, mais une épreuve qui n’en est pas moins restée éprouvante. « Je sais combien ma maladie est difficile à vivre pour ma famille (…) Aujourd’hui, tout le monde sait que la fin approche. C’est une question de mois au pire, d’années au mieux. Je leur inflige involontairement une pression constante : quand est-ce que papa va partir ? Combien de temps lui reste-t-il à vivre ? Le plus insupportable est de ne pas savoir », confiait le Zoulou blanc à Paris Match en 2018.
Un symbole de liberté s’en va
Avec la mort de Johnny Clegg, c’est toute une génération d’artistes qui a perdu un symbole. Symbole de liberté, mais aussi et surtout de lutte, notamment contre l’apartheid.
Depuis l’annonce du décès du Zoulou blanc, ils sont des centaines à travers le monde à lui rendre hommage sur les réseaux sociaux. Une constance : respect à tout jamais ! Le cancer l’a déjà freiné dans pas mal de ses projets. Les hommages qui viennent de partout permettent de bien mesurer comment la chanson « Asimbonanga » est devenue un hymne planétaire contre l’apartheid en Afrique du Sud.
Le chanteur a en effet puisé son inspiration dans la culture zouloue, un peuple vivant principalement en Afrique du Sud. Sa musique était ainsi un mélange de rythmes africains, de guitare, d’instruments électroniques ou encore d’accordéon. Dans ses chansons, Johnny Clegg s’engageait de plus contre l’Apartheid, qui a duré dans son pays jusqu’en 1991.
Musicien de talent, Johnny Clegg se sera servi toute sa vie de ses chansons comme d’une arme contre les discriminations. Un engagement sans limites qui lui aura valu la distinction de l’Ordre de l’Ikhamanga, « la plus haute distinction qui puisse être donnée à un civil en Afrique du Sud », explique Richard Nwamba, présentateur radio basé à Johannesburg à 20 Minutes. « Je pense que pour les jeunes, il est un excellent modèle.
Il était un professionnel accompli, totalement absorbé par son métier. Son embrassement des différents groupes raciaux en Afrique du Sud a fait des merveilles pour la construction nationale. Oui, chaque Sud-Africain était très fier de ce ‘Zoulou blanc’ ! », ajoute celui qui a croisé la route de Johnny Clegg à de nombreuses reprises.
La tournée d’adieu
Johnny est décédé paisiblement, entouré de sa famille à Johannesburg, après une bataille de quatre ans et demie contre le cancer. Le musicien avait décidé de faire une dernière tournée mondiale, un « Final Journey World Tour », qui s’est achevée il y a quelques mois seulement. « Je veux me produire tant que c’est encore possible, en France, en Nouvelle-Zélande et en Australie.
Pour l’instant, j’ai encore l’énergie », confiait-il en 2008 à Paris Match. « J’ai eu une carrière gratifiante à bien des égards (…) en réussissant à rassembler des gens grâce à des chansons, surtout à un moment où cela semblait complètement impossible », avait dit Johnny Clegg selon des propos rapportés par Le Monde. En 1988, onze ans avant la fin de cette période sombre, il expliquait la difficulté d’être musicien dans ce contexte de discriminations et de violences.
« Dans ce pays, c’est impossible d’être apolitique (…), mais c’est aussi impossible d’être ouvertement politisé, parce que si vous êtes ouvertement politisé, c’est la fin pour vous. C’est le cas pour tous les groupes de musique qui ont besoin de créer et poursuivre leur combat musical », explique-t-il.
Et d’ajouter : « Notre combat musical n’est pas seulement contre l’apartheid (….) nous prenons part à de nombreux combats en tant que groupe de musique. Donc si on écrit une chanson, dont le sens est trop évident ou qui est trop franche, voici ce qui se passe : soit le disque est censuré, soit le groupe est interdit, soit la personne qui a écrit la chanson reçoit une amende. »