D’aucuns estiment qu’il est encore trop tôt pour créer des places boursières dans tous les États africains. Ils émettent des doutes quant à leur réel apport aux entreprises optant pour la cotation et à l’ancrage populaire. Par ailleurs, la coexistence avec les banques, elles-mêmes embryonnaires dans de nombreux pays, est au cœur du débat.
Les travaux du IVe Atelier de l’Initiative des marchés financiers africains (IMFA) se sont achevés à Johannesburg, en Afrique du Sud, sur une note de satisfaction. Trente-deux pays ont répondu présents à cette rencontre consacrée aux marchés en monnaie locale. Au cours de cet atelier (30 novembre-1er décembre), l’IMFA a présenté les dernières mises à jour de la plate-forme des marchés financiers africains (www.africanbondmarkets.org) et discuté des moyens d’inclure davantage de pays à l’Index obligataire ABABI, notamment via la fourniture et la collecte de données fiables sur les prix. À ce jour, l’indice ABABI couvre 43 pays. Pour ce forum, l’IMFA a accueilli des représentants du secteur privé pour leur montrer l’importance de développer la base d’investisseurs institutionnels pour des marchés de la dette dynamique en Afrique. Des intervenants de haut niveau venus de tout le continent ont partagé leurs expériences dans ce domaine.
Promouvoir les marchés obligataires
C’est en 2008 que la Banque africaine de développement (BAD) avait lancé l’IMFA comme partie intégrante de sa stratégie pour l’essor du secteur financier sur le continent. Cette initiative a pour objectif de contribuer à l’approfondissement des marchés obligataires domestiques à travers deux piliers complémentaires : la base de données sur les marchés financiers africains et le Fonds obligataire domestique africain (FODA). L’indice ABABI compte les six marchés obligataires souverains les plus liquides en Afrique et trois sous-indices relatifs à différentes gammes de maturité. Ce sont les indices souverains de l’Afrique du Sud, de l’Égypte, du Nigeria et du Kenya, élargis depuis octobre au Botswana et à la Namibie. Pour y être inclus, un titre doit avoir une durée de vie restante d’au moins un an et être validé par la méthodologie BVAL de Bloomberg.
Croissance spectaculaire
Les marchés financiers africains ont connu, depuis le début des années 1990, une croissance spectaculaire. D’une douzaine, à l’origine, ils sont maintenant une vingtaine et couvrent tout le continent. La capitalisation boursière a été multipliée par neuf, et plus de 2 000 entreprises sont maintenant cotées. Depuis quelques années, les introductions en Bourse se sont multipliées, permettant à certaines banques ou à des entreprises de lever des capitaux considérables. Ce qui démontre l’importance de l’épargne locale et l’intérêt des investisseurs nationaux pour les places boursières. Des milliards de dollars sont ainsi levés localement sur les Bourses. Grâce à ces fonds, des Africains sont devenus actionnaires des grandes entreprises de leurs pays. Pourtant, la taille de ces marchés reste réduite tant à l’échelle mondiale qu’à celle des économies africaines. « La liquidité est souvent inexistante, rebutant des investisseurs étrangers encore trop peu présents sur ces places boursières. Les entreprises hésitent à entrer en Bourse et ne parviennent que rarement à se financer par le biais d’emprunts obligataires », souligne-t-il. Les marchés financiers ont leur utilité et leurs effets sur les économies africaines malgré les interrogations qu’ils suscitent dans l’opinion. Au-delà des positionnements idéologiques et des débats récents sur la crise, l’atelier de Johannesburg a montré à quel point les marchés financiers sont devenus importants pour l’Afrique, à quel point l’outil boursier, avec ses limites et ses faiblesses, est désormais une réalité locale. Des marchés obligataires bien enracinés et liquides sont essentiels pour un développement durable. Toutefois, ils demeurent largement sous-développés, avec des marchés d’obligations d’entreprises inexistants ou encore à leurs balbutiements.
Les objectifs de l’IMFA
L’IMFA poursuit deux objectifs principaux. Un : agir comme un catalyseur pour le développement et la stabilité des marchés financiers ainsi que de l’intégration financière régionale. Deux : améliorer la disponibilité et la transparence des données obligataires africaines. Pour atteindre ces objectifs, l’action de l’IMFA repose sur deux piliers complémentaires: une base de données complète des marchés, qui fournit des informations actualisées sur les marchés obligataires en monnaie locale et un fonds indiciel des obligations qui investira dans des obligations souveraines libellées en devises locales.
L’IMFA est conscient des défis actuels liés au développement du marché obligataire sur le continent. C’est pourquoi il s’engage, avec les parties prenantes, à créer des groupes de travail multidisciplinaires et à travailler en étroite coopération et coordination avec les autres institutions de développement. Les groupes de travail serviront de plates-formes pour le dialogue politique, le partage des connaissances, et identifieront les synergies entre les initiatives de développement des marchés obligataires, y compris le financement de projets et les besoins d’assistance technique. L’accès à des informations précises et des données sur les marchés de la dette africaine demeure l’un des défis majeurs auxquels sont confrontés les participants aux marchés et les partenaires au développement.