Depuis plusieurs années déjà, on ne vit plus au Congo, on survit. Pire, les familles ont touché du bois tant la précarité est arrivée au point que tous les moyens sont désormais bons pour assurer la survie, en attendant mieux.
La vie en ville est devenue plus difficile qu’auparavant faute d’activités économiques et d’opportunités d’emploi. Selon un rapport interne d’un groupe d’experts de la Coopération technique belge (CTB), 80% des familles congolaises vivent encore avec moins d’un dollar par jour et par personne. Véritable mine d’informations, le rapport révèle qu’environ 31% des enfants de 6 à 14 ans ne fréquentent pas l’école ; que le taux des femmes occupant des postes de responsabilité ne dépasse guère 2 à 3 millions, alors qu’elles représentent 52% de la population estimée à 70 millions d’habitants; que peu de familles ont accès aux services sanitaires ; qu’un enfant sur cinq meurt avant l’âge de 5 ans ; que le taux de mortalité maternelle est encore l’un des plus élevés au monde et que le VIH/sida frappe entre 5% et 8% (selon les contrées) des personnes âgées de 15 à 49 ans…
On apprend également que les populations rurales s’appauvrissent davantage parce qu’elles n’arrivent pas à évacuer leur production vers les centres urbains, principalement à cause de l’état défectueux des routes et des voies de communication. Par conséquent, elles n’ont pas de revenus suffisants pour manger à leur faim et de façon équilibrée, ni assez d’argent pour envoyer les enfants à l’école et assurer les soins de santé basiques. Dans les villes, notamment à Kinshasa, la majorité n’a pas accès à l’emploi. La vie y est chère et difficile parce que la nourriture (par exemple, la farine de blé pour fabriquer le pain, le poisson chinchard ou mpiodi, le riz et le lait en poudre) est largement importée.
Améliorer les conditions de vie
Les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) n’ont pas offert une opportunité de participation active visant la lutte contre la pauvreté et l’amélioration de nos conditions de vie. Dans les campagnes, la précarité, associée à l’enclavement lié au manque d’infrastructures de transport, conduit les jeunes à émigrer en masse vers les villes, peu ou pas aménagées, notamment vers la capitale, Kinshasa. L’accroissement de la population dans les agglomérations urbaines accentue la pauvreté et la dépendance alimentaire des produits importés entretient le sous-emploi et réduit les opportunités de création d’une valeur ajoutée au pays. L’enquête démographique et sanitaire par sondage, réalisée pour la première fois au Congo en 2007, fournit des indications précieuses dans plusieurs domaines et sur lesquelles les chercheurs se basent désormais pour actualiser leurs analyses. En ce qui concerne les ménages, par exemple, cette enquête montre qu’un ménage compte en moyenne 5,4 personnes, 33% des familles comptent 7 personnes ou plus. Dans l’ensemble, depuis quelques années, c’est la femme qui joue de plus en plus le rôle de chef de ménage ( 21%), l’homme étant soit incapable de subvenir aux besoins de la famille, soit décédé. En 2007, on avait pensé que ce phénomène touchait seulement les ménages à revenus faibles ou modérés. En 2015, on observe qu’il gagne même les foyers à revenus élevés : femmes de ministres, de parlementaires, de PDG… Les ménages sont constitués plus par de jeunes de moins de 15 ans (plus de 48%) et de vieux de 65 ans et plus (3%) que de personnes en âge de travailler (44,6%). Environ quatre ménages sur dix habitent en milieu urbain.
Biens de prestige
Quant à l’habitat, seulement 15% des foyers ont de l’électricité, soit 1% en milieu rural contre 37% en ville. Globalement, plus de 46% des ménages s’approvisionnent en eau auprès d’une source améliorée, soit 76% en ville contre 21% en milieu rural. Près de 83% des ménages utilisent des toilettes rudimentaires, dont 12% ne disposant point de toilettes. Par ailleurs, 95% des ménages utilisent principalement des combustibles solides (charbons de bois, bois à brûler et sciure de bois) pour cuisiner. L’enquête indique également que le lit, la chaise, la lampe, la houe, la radio, la bicyclette et le téléphone portable sont les biens durables que les ménages possèdent le plus (20%), en ville plus qu’à la campagne. Ainsi, la moitié des familles en ville possède un téléphone portable contre seulement 4% en milieu rural. Quant au niveau d’instruction, la plupart des femmes et des hommes sont instruits. Cependant, des écarts importants existent entre les hommes et les femmes : une femme de 15 à 49 ans sur cinq (21%) n’a reçu aucune instruction formelle contre seulement 5% des hommes. Par ailleurs, 41% des femmes et des hommes de 15 à 49 ans ont atteint un niveau secondaire ou supérieur. Environ 60% des femmes et 85% des hommes sont alphabétisés. Les taux d’alphabétisation varient sensiblement selon le milieu de résidence, surtout pour les femmes. À Kinshasa, les taux d’alphabétisation sont les plus élevés (92% chez les femmes et 96% chez les hommes) de tout le pays. En milieu urbain, 19% des femmes sont analphabètes contre 58% en milieu rural.
Plus de 64% des femmes exercent une activité économique, dont 65% dans le secteur agricole. En ce qui concerne la fécondité, l’enquête note qu’elle est très élevée, en moyenne 6,3 enfants par femme à la fin de sa vie féconde. Le nombre moyen d’enfants par femme varie de 5,4 (en milieu urbain) à 7,0 (en milieu rural). Chez les adolescentes, une jeune fille de 15 à 19 ans sur quatre (24%) a déjà commencé sa vie féconde ; 19% sont déjà mères et 5% sont enceintes pour la première fois. L’âge moyen à la première union des hommes de 25 à 49 ans est de 24,3 ans, tandis que celui des femmes s’établit à 18,6 ans. Les femmes de 25 à 49 ans ont leurs premiers rapports sexuels à 16,8 ans ; une femme sur cinq (22%) avant l’âge de 15 ans. Selon cette enquête nationale, les premiers rapports sexuels des femmes précèdent l’entrée en première union. Pour les hommes, la moyenne aux premiers rapports sexuels est de 17,9 ans.
Dans le domaine de la santé, la couverture vaccinale est de moins d’un enfant sur trois, seuls 31% d’enfants ont reçu tous les vaccins recommandés. Près de 18% des enfants de 12 à 23 mois n’ont reçu aucun vaccin. Seulement 9% des familles possèdent au moins une moustiquaire imprégnée d’insecticide. La mortalité infanto-juvénile est élevée au plan national. Sur 1 000 naissances vivantes, 92 bébés meurent avant d’atteindre leur premier anniversaire ; 62 enfants âgés d’un an n’atteignent pas leur cinquième anniversaire. Globalement, le risque de décès entre la naissance et le cinquième anniversaire est de 148 pour 1 000 naissances. Environ un enfant sur sept décède avant d’atteindre cinq ans. La quasi-totalité des femmes (92%) et des hommes (97%) ont entendu parler du sida. Seulement 15% des femmes et 22% des hommes ont une connaissance complète du sida.
Selon les experts de la Coopération technique belge, les revenus agricoles permettront d’améliorer durablement les conditions de vie de la population. Ils soulignent que les terres arables sont sous-utilisées et le plus souvent avec des semences ou des animaux domestiques qui produisent peu. Il faudrait, pour cela, encadrer les paysans pour la transformation et la commercialisation de leur production vers les centres urbains. Il faudrait également organiser des projets qui améliorent la vie des paysans, recommandent-ils. Ils citent le projet agro- forestier de Mampu, au Plateau des Bateke, piloté par la CTB, qui a permis d’améliorer la vie de 309 fermiers et de leurs familles. Les auteurs du rapport invitent les bailleurs de fonds à soutenir les projets existants dans le cadre de la lutte contre la pauvreté. Ils invitent aussi le gouvernement à mobiliser les moyens nécessaires pour le désenclavement des campagnes et la reconstruction des infrastructures : routes, ponts, ports, écoles, dispensaires…