CECI EXPLIQUERAIT peut-être la réaction de ce député réélu : « C’est un portefeuille crève-misère ». Et d’ajouter : « Je préfère rester scotché sur le pupitre de l’Hémicycle que dans un cabinet… puant les chinchards ». Tout est parti, en effet, d’une banale et croustillante discussion sur le futur gouvernement entre un groupe de députés, en marge de la cérémonie d’investiture du Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. « Il me semble plutôt que c’est au ministère des Relations avec le Parlement que l’on souffre plus… », enfonce cet autre élu. Rires. Et ce futur honorable qui s’est mêlé au débat, d’allonger la liste, d’après lui, des ministères de misère : Droits humains, Genre, Famille et Enfants ; Aménagement du territoire et Rénovation de la ville ; Jeunesse… Vérification faite par nous plus tard, il se trouve que le ministère des Relations avec le Parlement n‘a été crédité que de 6 814 248 596 FC, soit un peu moins de 3,9 millions de dollars, rémunérations des agents et acquisitions de différents matériels et véhicules comprises pour toute l’année 2019.
Crédits insignifiants
Les crédits prévus pour le ministère des Droits humains sont de l’ordre de 5 226 559 778 FC, soit 2.9 millions de dollars. Quant au ministère de la Pêche et de l’Élevage, l’essentiel de ses crédits devrait être consacré à l’acquisition des vedettes équipées des radars GPS pour la surveillance de la pêche dans 8 provinces, l’organisation d’une conférence nationale sur la pêche, la construction de nouveaux abattoirs, le fonctionnement courant des services, l’organisation des campagnes de vaccination des bovins, ovins, caprins…
Cependant, il n’est pas acquis que les crédits déjà insignifiants accordés au secteur de la pêche et de l’élevage seront totalement décaissés. Le taux d’exécution du budget de ce ministère, depuis sa création n’a jamais atteint les 50 %. Selon un récent rapport de l’organisation de la Société civile, REGED (Réseau gouvernance économique et démocratie), le Projet de loi de finances 2019 prévoit un budget des dépenses de l’ordre de 346 556 735 080 FC, contre 148 631 026 992 FC en 2018 pour l’agriculture, la pêche et l’élevage. Ces montants représentent 3,35 % en 2019, contre 1,37 % en 2018, soit une augmentation en valeur courante de 133,17 %.
Protocole de Maputo
Le niveau du budget 2019 de l’agriculture, la pêche et l’élevage (3,35 %) reste encore de loin inférieur à celui exigé dans le Protocole de Maputo (2003) qui demande aux États signataires d’allouer une part d’au moins 10 % du budget national au secteur de l’agriculture. En effet, en 2017 la quote-part réservée au secteur de l’agriculture était de l’ordre 8,1 %. Ce taux a brutalement décru en 2018 à 1,37 %. Présentement, il remonte à 3,35 % pour l’exercice 2019. La Société civile constate que ce ballottage injustifié empêche un développement cohérent du secteur de l’agriculture.
Pourtant, la RDC compte parmi les rares pays au monde disposant d’énormes potentialités halieutiques, bénéficiant, par ailleurs, de conditions topographiques et climatiques favorables, d’un réseau hydrographique dense marqué par un des fleuves les plus longs du monde, avec plusieurs affluents et des lacs. Hélas, la Société congolaise de pêche (SOCOPE) n’est plus que l’ombre de la gloriole d’antan de la Pêcherie maritime du Zaïre (PERMAZA).
À ce jour, il n’est véritablement qu’une entreprise de pêche industrielle, Bosa, tenue par des Chinois. La pêche est restée traditionnelle à plus de 95 %, selon des experts. La pêche est pratiquée dans les villages bordiers du fleuve Congo partant du Bas-Fleuve jusqu’à Kisangani, dans les célèbres villages de Wagenia en passant par le Pool Malebo, de manière on ne peut plus intensive, ou encore à Muanda en mer, où elle est appelée pêche maritime. Quoique des paysans utilisent plutôt des outils rudimentaires comme les filets, les nasses, la ligne… et les pirogues. Le secteur de l’élevage loge à la même enseigne. Point de subventions notables de l’État
Recommandations du FAO
Le Salon mondial de référence pour les fournisseurs de l’agriculture et de l’élevage (SIMA) et le Salon international de l’élevage, de l’agro-alimentaire et de l’agroéquipement (SIPSA) ont organisé fin 2018 à Alger le plus grand salon professionnel dédié à l’élevage et l’agroéquipement en Afrique. Hélas, la RDC n’a pas pris part à ces assises. Pourtant le salon a pour finalité de présenter les dernières innovations en matière agropastorale.
En RDC, l’État a dit disposer en 2018, sur papier, d’un montant de 1 090 000 000 FC pour réhabiliter des infrastructures d’élevage et les différents abattoirs publics, des fermes des ovins, caprins et porcins, acquérir des vaccins, matériels d’inoculation pour la vaccination, des équipements pour le Service de la quarantaine animale (SQAV). Malheureusement, sur terrain, à un trimestre de la fin de l’exercice 2018, le ministère de la Pêche et de l’Élevage était loin d’atteindre ces objectifs.
Le décaissement du budget de l’élevage déjà modique pose problème. Et pourtant, selon Papa Naryn Niang, expert du FAO, la RDC a toutes les capacités de développer le business de l’élevage. Cela devrait rapporter non seulement des devises au pays mais aussi permettre de réduire les importations de la viande animale des pays étrangers. Joseph Mamon, le coordonnateur régional de la gouvernance vétérinaire pour le COMESA, soutient que le potentiel de la RDC en production élevage et agricole permettrait de booster les activités agropastorales de tout le continent africain. « Si l’Afrique veut se développer, elle doit se réunir autour de la RDC pour que le travail de développement du secteur de l’élevage commence dans ce continent. La RDC dispose d’environ 610 000 ha des pâturages avec une capacité d’élevage de 40 millions de têtes du gros bétail », a-t-il déclaré.
Certes, dans le Kongo-Central, dans les Kivu, des fermes s’alignent par endroits en chapelet, mais avec 35 000 têtes, fin 2015, la société GRELKA (Grands élevages de Katongola) réunit le plus important cheptel bovin de la RDC. En d’autres termes, la RDC est un État lilliputien devant le Rwanda ou le Burundi, par exemple, dans le domaine de l’élevage. Les deux grandes fermes de GRELKA s’étendent l’une sur 350 000 ha près de Kamina, dans le Haut-Lomami, et l’autre couvre 100 000 ha sur le plateau des Biano, dans le district de Kolwezi. Deuxième plus gros éleveur de la province après GRELKA, la Pastorale du Haut-Lomami compte quant à elle plus de 18 000 têtes et dispose d’une concession de 212 000 ha située à environ 20 km de Kamina.
Fondée dans les années 1930, pendant la colonisation, par le baron et banquier bruxellois Henri Lambert, la société GRELKA a été rachetée en 2006 par George Forrest, qui en est l’actionnaire majoritaire (93 % du capital) et le reste revenant à l’État. Il a voulu redonner à GRELKA son lustre d’antan, celui des années 1970-1980, quand les ranchs de la société approvisionnaient en viande rouge la quasi-totalité de la clientèle du Katanga et de la province voisine du Kasaï Oriental. GRELKA s’est donné pour mission de faire grossir le cheptel jusqu’à 40 000 têtes d’ici à 2018. « C’est le maximum que nous puissions faire, en élevage extensif, avec la superficie dont nous disposons », explique un responsable de la société. L’État n’espère aucune contribution en termes de dividendes auprès des entreprises du secteur, Pastoral du Haut-Lomami, GRELKA ou SOCOPE pour 2019.