MATADI restera encore pour longtemps l’un des ports les plus chers du monde aux yeux de nombreux opérateurs économiques. Non sans raison. Beaucoup ne comprennent toujours pas pourquoi l’État, à travers la douane, fautif pour surfacturation, exige encore de l’opérateur économique, victime du dysfonctionnement du Guichet unique, un droit de 10 % sur l’argent qu’on doit lui restituer. Lorsque la contestation porte sur l’espèce, l’origine ou la valeur de la marchandise, le nouveau code des douanes prévoit, en effet, que le recours soit exercé auprès de la Commission de règlement des litiges douaniers, un organe indépendant au sein de la Direction générale des douanes et accises (DGDA) et qui compte notamment deux assesseurs.
Pour l’exercice 2019, la DGDA compte ainsi retenir au moins 29 557 496 FC, soit près de 16 000 dollars. Mais en République démocratique du Congo, la douane n’est pas la seule entité de perception des recettes de l’État qui opère des retenues sur des sommes perçues par erreur. Il y a aussi le ministère des Finances, les cours, les tribunaux et le parquet.
Les instances judiciaires précitées retiennent, en effet, 10 % sur les sommes indûment perçues dans le cadre de la législation sur les prix. En 2016, les organes de justice visaient près de 42 millions de FC, soit environ 30 000 dollars.
Créances fallacieuses…
Cependant, lorsque le ministère de l’Économie a commencé à procéder à la même retenue, les prévisions des recettes se sont réduites comme peau de chagrin : moins de 900 000 FC en 2018 et rien pour l’exercice 2019. Contrairement au ministère des Finances qui table sur quelque 173 550 588 FC, soit près de 100 000 dollars au minimum. La restitution au Trésor public couvre, en effet, les droits de récupération des sommes indûment payées par le Trésor, les droits de remboursement sur les biens nationalisés ainsi que les droits de remboursement des débets comptables.
Mais comment arrive-t-il que l’État verse à des tiers des sommes indues ? Il s’agit, essentiellement, des créances montées de toutes pièces et collées à l’État… non sans l’appui de ses propres préposés à la Direction de gestion de la dette publique (OGEDEP), à la Banque centrale, et autres services de l’appareil de l’État, fait-on comprendre. Quant au débet, il désigne, en pratique, une décision financière prise de façon objective, lorsqu’une juridiction financière ou une autorité administrative (Direction générale des impôts, Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations, etc.) constate un manque dans les disponibilités publiques ou un vol au préjudice d’une collectivité publique, en l’occurrence l’État.
La régie financière prononce alors un débet à la charge du responsable de la gestion de ces deniers publics. En 2018, alors que les projections du ministère des Finances étaient de moins de 300 000 FC, soit moins de 200 dollars, à fin juin, les débets se chiffraient à 2 026 068 FC, soit plus de 1 000 dollars.
Le ministère des Finances n’a rien prévu pour 2019. La DGDA dispose, quant à elle, d’un chapelet de taxes sur remboursement sur lesquelles elle opère. Ce qu’elle désigne par « retenues sur restitutions douanières ».
Dispositions sabordées
À l’intersyndicale de l’Administration publique, l’on estime que l’État, y compris la Banque centrale, ne respecterait pas sa propre législation sur le change. Il applique, en effet, deux taux de change : il y a un taux lorsqu’il s’agit de la perception des recettes dues à l’État ou pour effectuer les dépenses publiques, d’une part, et, d’autre part, il y a un autre, largement revu à la baisse, lorsqu’il s’agit de la paie dans les institutions publiques.
En décembre 2018, Pierre Kangudia, le ministre du Budget, a commandé des véhicules, huit 4×4, à la société Central Motors pour un montant de 395 996,5 dollars (645 711 078 FC). Précisant que « le marché a été conclu sur base du taux officiel de USD 1=CDF 1 630,60 ». Et pourtant, ce n’est un secret pour personne, à fin décembre 2018, le taux de change était de 1 620 FC le dollar et celui appliqué pour la paie dans l’Administration publique est resté cristallisé à 920 FC le dollar.
Le Comité de suivi de la paie des agents et fonctionnaires de l’État (CSP) est un service de la Banque centrale et est présidé par le directeur-général de la BCC, Jean-Louis Kayembe.
Il a été interpellé puis relâché par le parquet dans le cadre d’une enquête sur le surplus de la paie de l’Administration publique. D’après lui, l’effectif des agents et fonctionnaires de l’État payés par voie bancaire a atteint 83,3 %, en date du 13 septembre 2018 et les reliquats de paie occasionnés par la réforme ont dépassé les 115 milliards de FC. Selon l’opposition, cette somme équivaudrait à quelque 80 millions de dollars.
D’ailleurs, le député UDPS Toussaint Alonga a taclé le gouvernement en disant : « Le ministre du Budget avait reconnu l’existence de cette somme devant la commission économique et des finances de l’Assemblée nationale, lors de l’examen du projet de budget 2019. Il avait déclaré que cet argent serait logé à la Banque centrale. Mais aujourd’hui, nous ne connaissons pas la destination de cet argent ».
Le ministère des Finances avait également émis les mêmes inquiétudes. Toutefois, ce ministère a relevé d’autres, notamment « l’absence de données sur les produits de récupération de sommes indûment payées par le Trésor public via le système bancaire et le comité de suivi de la paie ». Mais l’enquête piétine depuis lors.