Nombreux sont les Congolais qui en ont déjà fait l’amère expérience ou qui subissent stoïquement au quotidien l’arnaque organisée par des opérateurs indélicats dans le secteur de la messagerie téléphonique et électronique. Qu’il s’agisse, en effet, de l’utilisation par abonnement ou par cartes prépayées, les services proposés par ces opérateurs coûtent extrêmement cher dans nos pays africains en comparaison avec ce qui est proposé pour les mêmes services dans les pays du Nord. Pourquoi y aurait-il donc deux poids deux mesures ? Pourquoi surtout demander à des citoyens des pays pauvres un effort financier de loin supérieur à ce qui est offert aux utilisateurs du Nord censés avoir un niveau de vie supérieur et plus confortable ?
La situation a en tout cas atteint des proportions telles que, tout récemment, dans un pays d’Afrique de l’Ouest (le Mali), les utilisateurs de services de messagerie proposés par l’un des principaux opérateurs internationaux du secteur ont carrément décidé d’observer une journée sans carte Sim de l’opérateur en question. À en croire ce que la presse a rapporté, le boycott aurait été massivement suivi. Et l’opérateur incriminé contraint de revoir ses prix. C’est peut-être ce qu’attendent le même opérateur et ses concurrents qui ont également pignon sur rue en République démocratique du Congo.
Le Congolais a peut-être réputé sans souci, bon vivant, taillable et corvéable à souhait, qui passe le gros de son temps à courir après le fameux BMW (Beer, Mercedes, Women)… Mais lorsqu’il lui arrive de réaliser qu’il se fait berner et plumer, il y a lieu de craindre les conséquences imprévisibles de son ire. Ceux qui ont joué à l’ignorer l’ont amèrement regretté dans un passé pas très lointain…
De quoi s’agit-il concrètement ? N’y allons pas par quatre chemins : la situation est très simple. Pourquoi le même produit X devrait-il subir deux tarifications différentes selon qu’il est vendu par la même firme en Europe et en Afrique ? On pourrait alléguer, dans le but de justifier la discrimination, la structuration du prix, c’est-à-dire les éléments dont le vendeur doit tenir compte dans la définition du prix qu’il propose sur le marché local ou sur le marché européen. Ces éléments sont (la liste n’est pas exhaustive) : la main-d’œuvre et le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), l’imposition et diverses taxes, la concurrence…
Malheureusement, pour le produit qui nous intéresse, à savoir la messagerie téléphonique (portables) et ou électronique (Internet), en tenant compte justement de ces éléments-là, tout plaide plutôt en faveur d’une facturation à la baisse, dans la mesure où l’essentiel du produit, c’est-à-dire la technologie ad hoc est importée et nous arrive en l’état. Aucune licence d’exploitation, car le propriétaire du produit est aussi le propriétaire de la marque et de la firme multinationale. Aucune transformation, aucune tropicalisation n’est effectuée sur place. Bien au contraire, le service pâtit énormément du déficit de certains conditionnements techniques indispensables, comme par exemple la fibre optique dont l’arrivée est toujours attendue.
On évoquera, bien sûr, l’amortissement des investissements consentis : autorisation d’établissement, licence d’exploitation, imposition et taxes prélevées par les régies financières, etc. Mais ceci justifie-t-il cela ? Pendant que l’on imagine de nouvelles formules promotionnelles pour dorer les pilules de l’arnaque, le Congolais lambda s’interroge sur les raisons véritables pour lesquelles les opérateurs en messagerie téléphonique et électronique n’ont jamais pensé à uniformiser leurs modems. Pourquoi non seulement leurs prix ne sont pas uniformes mais surtout l’interconnexion s’opère selon la loi du chacun pour soi et que le client pressuré crève ! Existe-il une autorité officielle de régulation dans ce secteur ? Et que fait-elle exactement ?
Qui n’a jamais été l’objet de ces aménités dont sont friands les opérateurs du secteur de la messagerie téléphonique et électronique ? Des connexions extrêmement chères mais lentes, aléatoires et jamais sécurisées. Des correspondants qui ne sont jamais disponibles (« Your correspondent is not available » !) ; d’autres dont les appareils sont soit toujours fermés soit toujours hors du périmètre et qui, contrairement à ce que prétend la mielleuse voix féminine ânonnant des messages sibyllins au bout du fil, ne vous contacteront jamais dès leur accès à la ligne ; des lignes engorgées presque régulièrement ; des numéros que vous appelez habituellement et qu’on vous annonce subitement non encore attribués ; des services de SMS paralysés toute une journée, voire davantage, « pour des raisons techniques indépendantes de notre bonne volonté » (sic). Et tous ces désagréments que vous êtes appelés à avaler comme des couleuvres, sans broncher, sans compensation, sans réparation aucune des préjudices subis. Ne perdez cependant pas espoir, continuez à garder le sourire et à surfer encore plus vite et plus longtemps, car c’est sur nos réseaux que vous trouverez, semble-t-il, la meilleure qualité et la meilleure couverture susceptibles de relier le Congo profond au monde entier.
Faute d’un ombudsman comme on en trouve dans certains pays, la Ligue de protection des intérêts des consommateurs congolais (LICOCO), si elle existe toujours, a vraiment du pain sur la planche. Du pain à se mettre sous la dent. Mais il lui faut surtout asseoir sa crédibilité.