Quatre bonnes années sont passées, après la signature de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba (ACAA), le 24 février 2013. Quels sont les progrès qui ont été accomplis et quelles sont les difficultés qui ont jalonné le processus de sa mise en œuvre ? La République démocratique du Congo fait de son mieux pour mettre en œuvre ses engagements nationaux. Mais qu’en est-il de la communauté internationale et des autres parties à l’accord ?
Bref, autant de questions et bien d’autres encore auxquelles la centaine de participants conviés à l’Atelier multi-acteurs d’évaluation de la mise en œuvre des engagements souscrits au titre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région devaient répondre. Mais aussi définir des actions et des activités à réaliser dans le court terme (six mois).
Contexte et justification
Organisé (1-2 juin) à l’initiative du comité exécutif du Mécanisme national de suivi (MNS) avec le concours du ministère du Plan et l’appui de la MONUSCO, cet atelier a été voulue, avant tout, comme une rencontre technique de haut niveau afin de passer en revue le chemin parcouru, d’identifier les défis inhérents aux engagements, mais aussi d’évaluer les opportunités évidentes qui s’offrent à la RDC et aux autres parties prenantes à l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la Région (ACAA).
Il a été signé sous la houlette de l’Organisation des Nations unies (ONU), de la Commission de l’Union africaine (UA), de la Communauté pour le développement de l’Afrique australe (SADC) et de la Conférence internationale sur la région des Grands lacs (CIRGL), afin de s’attaquer aux causes profondes des conflits et de mettre un terme aux cycles de violence récurrents, qui déstabilisent la RDC et la région, et, par conséquent, empêchent le développement de l’Afrique toute entière.
Dans le cadre de cet Accord-cadre, des actions concrètes ont été requises de la part du gouvernement de la RDC, avec le soutien des partenaires au développement, des États de la région et de la communauté internationale pour appuyer les efforts déjà en cours menés par la CIRGL et la SADC. En ce qui concerne la RDC, le président de la République, Joseph Kabila Kabange, a souscrit aux 6 engagements nationaux et, pour se conformer aux dispositions des articles 7 et 9 de l’ACAA, a signé l’ordonnance n°013/020 du 13 mai 2013, qui institue le MNS. Il a en outre nommé un haut représentant au Comité d’appui technique (CAT) pour assurer le suivi de la mise en œuvre des engagements régionaux et internationaux, et établir une collaboration étroite avec les témoins et les garants au niveau des engagements internationaux. Et le chef de l’État a par la même occasion ajouté un 7è engagement, consacré à la lutte contre l’impunité sous toutes ses formes.
Dans la pratique, quatre ans après la signature de l’ACAA, outre l’institution d’un Mécanisme national de suivi et la désignation d’un haut représentant du chef de l’État auprès du CAT du Mécanisme régional de suivi, la RDC, comme un élève modèle, a fourni des efforts encourageants et satisfaisants dans la voie des réformes institutionnelles, réglementaires et politiques énoncées par l’Accord-cadre d’Addis-Abeba. C’est dans ce contexte que le MNS, en collaboration avec le ministère du Plan et avec l’appui de la MONUSCO, a organisé un atelier dit multi-acteurs afin d’évaluer la mise en œuvre de ces engagements nationaux, d’en actualiser la matrice et de produire une nouvelle feuille de route pour une meilleure application et un suivi adéquat.
Les objectifs du forum
Le but poursuivi a été de faire une évaluation globale des engagements souscrits au titre de cet Accord-cadre à tous les niveaux : national, régional et international. Les objectifs spécifiques étaient au nombre de 7. Premièrement, évaluer l’état de la mise en œuvre de la matrice de brenchmarks de tous les engagements de l’ACAA à travers les Groupes thématiques sectoriels. Deuxièmement, dégager les obstacles qui entravent la mise en œuvre des actions dont les délais sont échus. Troisièmement, dégager des actions prioritaires, déterminantes, réalistes et réalisables à court terme compte tenu de l’échelle temporelle selon les enjeux du moment : la paix, la stabilité et la préparation des élections.
Quatrièmement, actualiser le plan d’action avec les indicateurs de suivi et faire une évaluation assortie d’une nouvelle feuille de route. Cinquièmement, identifier et capitaliser les actions sectorielles réalisées non reprises dans la matrice. Sixièmement, sensibiliser les principaux acteurs sur les avancées dans la mise en œuvre de l’ACAA, ainsi que sur sa matrice des brenchmarks et indicateurs sur l’engagement souscrit à l’ACAA. Et septièmement, identifier les opportunités de partenariat autour des engagements nationaux. Au nombre des engagements nationaux a correspondu le nombre des panels ou groupes coordonnés par un consultant et placés sous la responsabilité des responsables des cellules thématiques du MNS en charge du suivi des engagements.
Un mur à la frontière !
Il faut dire que cet atelier s’inscrit dans le prolongement d’un autre atelier d’évaluation des engagements souscrits aux termes de l’ACAA. Il a été organisé à Goma sous le thème : « Activisme des groupes armés dans l’Est de la RDC : mise en œuvre et violation des engagements pris au titre de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, 4 ans après sa signature ». À l’issue de cette rencontre, la société civile du Nord-Kivu, en synergie avec celles du Sud-Kivu et de l’Ituri, ont conclu leur réflexion à l’activisme des groupes armés dans l’Est de la RDC et aux violations des engagements dans l’ACAA par certains pays de la région. Par conséquent, elles ont demandé au Conseil de sécurité de l’ONU de prendre des « sanctions » contre les pays de la région, à la fois signataires de l’ACAA et membres de l’ONU, qui violent leurs engagements. Elles ont invité la RDC à se retirer de cet accord, au cas où les autres signataires de l’ACAA continueraient à violer leurs engagements et que le Conseil de sécurité ne prendrait pas des sanctions contre eux.
Elles ont aussi invité les pays de la région, notamment le Rwanda et l’Ouganda, qui violent constamment leurs engagements, à « privilégier la coopération et l’intégration régionale » tel que stipulé dans cet accord ; au lieu de procéder par « l’affairisme » à travers « l’instrumentalisation » des groupes armés pour déstabiliser la RDC et piller ses ressources. Elles exigent le profilage niveau 5 des réfugiés congolais à l’étranger pour leur retour au pays et vice-versa pour les réfugiés étrangers vivant en RDC. Elles exigent aussi la construction d’un mur aux frontières de la RDC avec le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi.
« En signant l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, notre président n’a recherché que la paix et la stabilité pour la RDC et la région (des Grands lacs) », a précisé le coordonnateur du Comité exécutif du MNS, le général Denis Kalume Numbi. Il a rappelé que la communauté internationale a, pour sa part, signé cet Accord pour accompagner la RDC et se tenir saisie de tout ce qui concerne le rétablissement d’une paix durable en RDC. « À ce titre, elle a mis en place son bras opérationnel, la MONUSCO, pour nous accompagner », a-t-il fait remarquer. C’est justement sur cet accompagnement que le représentant spécial adjoint du secrétaire général de l’ONU et coordonnateur résident des activités opérationnelles du système des Nations unies en RDC, Mamadou Diallo, a axé son deuxième message, un « message d’espoir », a-t-il dit. « L’Accord d’Addis-Abeba est un cadre de confiance et de consensus qui par-delà l’espoir de paix qu’il nous a offert, constitue une opportunité pour développer des partenariats basés sur un dialogue permanent et constructif entre acteurs nationaux et internationaux pour asseoir les conditions d’un développement économique et social intégral pour les populations congolaises », a déclaré Mamadou Diallo.
L’Accord d’Addis-Abeba est plus connu dans sa composante paix et stabilité, mais il comporte également une autre composante tout aussi essentielle que la première. Cette composante est soutenue par le 4è engagement national de la RDC, qui fait de l’intégration économique régionale une exigence, avec une attention particulière à la problématique de l’exploitation et le commerce illicite des ressources naturelles de la RDC.