Les pays producteurs africains sont dans la tourmente

La première réunion extraordinaire du conseil exécutif de l’Organisation africaine des producteurs pétroliers à Brazzaville a abouti à un constat : il faut moderniser les infrastructures du secteur. L’avenir de la filière sur le continent pour les prochaines années en dépend.

LE SOMMET des chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’Organisation africaine des producteurs de pétrole (APPO) se tiendra en février 2020. Brazzaville, la capitale de la République du Congo, a été choisie pour abriter cette rencontre, placée sous le thème « Énergie: facteur de développement durable et d’intégration en Afrique ». Déjà, sans attendre le sommet, les experts proposent que les dirigeants politiques accordent plus d’importance à la modernisation des infrastructures pétrolières lors de ce sommet. Il s’agit, par exemple, de passer en revue les questions liées à la formation des cadres locaux, au transfert de technologies, à la coopération entre les sociétés de sous-traitance et surtout à la répartition des ressources issues de l’exploitation.

Volonté politique

Mahaman Laouan Gaya est le secrétaire général de l’APPO. Pour lui, le défi de la modernisation du secteur pétrolier en Afrique implique la volonté politique des dirigeants et la nécessité de tirer les leçons de l’échec de la précédente plateforme. « La nouvelle APPO que nous sommes en train de mettre en place a besoin et doit avoir un positionnement stratégique dans les secteurs énergétique, pétrolier et gazier du continent. Elle doit aussi promouvoir ses activités, à l’instar des autres institutions pétrolières et énergétiques internationales », a-t-il confié à la presse à l’issue de la réunion extraordinaire de Brazzaville, le 22 août.

Pour faire face à ces défis, insiste le ministre congolais des Hydrocarbures, Jean-Marc Thystère Tchicaya, l’organisation doit aussi s’adapter aux changements dans l’environnement pétrolier, et se mettre à l’heure des nouvelles sources d’énergie renouvelables et non polluantes ainsi qu’à la protection de l’environnement.

Au Gabon, la société pétrolière BW Offshore a annoncé qu’elle a obtenu une prolongation d’un an de son contrat de location et d’exploitation du FPSO Petróleo Nautipa qui opère sur le champ Etame au large avec Vaalco comme opérateur. Cette nouvelle prolongation s’étendra jusqu’au troisième trimestre de 2021 avec une option d’extension pour le troisième trimestre de 2022. Par ailleurs, la société a déclaré avoir produit une moyenne d’environ 350 barils par jour sur le puits Etame 4H au cours du second trimestre de cette année. 

Cependant, en juillet dernier, le puits a cessé de fonctionner en raison des problèmes techniques. Son partenaire Vaalco procède actuellement à une analyse technique des travaux d’assainissement en vue de rétablir la production. En juillet, l’opérateur du champ Etame a réalisé une simulation d’acide sur le puits Tchibala 2H. Malheureusement, le puits ne produit toujours pas naturellement. Vaalco élabore actuellement des plans pour y relancer la production. Tchibala 2H a produit une moyenne de 420 barils par jour au cours du second semestre de 2019.

Au Soudan du Sud, Salva Kiir, le président de la République, met en garde les compagnies pétrolières contre la mauvaise gestion. Il l’a signifié lors d’une audience qu’il a accordée la semaine dernière à Tope Shonubi, le responsable du groupe Sahara Energy. Le président Salva Kiir a aussi déclaré : « Je ne tolérerai aucune activité irresponsable des compagnies pétrolières au Soudan du Sud ». C’était au cours de cette audience à laquelle étaient présents Tut Gatluak, le conseiller du président de la République à la sécurité ; Awow Daniel, le ministre du Pétrole ; et Dhieu Mathok, le ministre de l’Énergie.

Selon des observateurs, le Soudant du Sud est dans une passe difficile en ce moment concernant la production pétrolière. Celle-ci remonte progressivement après plusieurs mois de stagnation et surtout grâce à l’accord de paix signé entre le pouvoir et l’opposant Riek Machar. Selon les mêmes observateurs, le président Salva Kiir craint une nouvelle chute de la production, alors que les conditions sécuritaires sont désormais remplies. La mise en garde aux pétroliers peut signifier aussi la volonté des dirigeants du pays de booster les recettes pétrolières, insuffisantes pour le moment pour faire face aux défis et aux problèmes urgents, notamment les questions sociales.

Limogeage 

Au Nigeria, Muhammadu Buhari, le président de la République, a limogé Emmanuel Ibe Kachikwu, le ministre du Pétrole. Celui-ci a été remplacé par Timipre Silva, au poste de ministre d’État chargé du Pétrole, qui devra désormais « gérer le portefeuille au quotidien ». Le président nigérian a gardé l’ensemble du portefeuille pétrolier pour lui, comme lors de son premier mandat. Des observateurs cherchent à comprendre le motif de ce limogeage brusque, surtout qu’aucune raison n’est venue officiellement le justifier, et que Ibe Kachikwu a été de toutes les luttes dans le secteur, depuis l’arrivée au pouvoir de Muhammadu Buhari, en mars 2015.

Ancien d’Exxon Mobil et principal représentant du Nigeria aux réunions de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), Ibe Kachikwu a été témoin de la chute historique de la production de 2,4 millions de barils par jour à 700 000 barils par jour en janvier 2016. À l’époque, le prix du baril était à moins de 30 dollars. L’ancien ministre a été également l’acteur principal du dialogue avec les insurgés du Delta qui réclamaient une meilleure redistribution de la manne pétrolière et de la reprise de la production. 

Toutefois, certains analystes locaux estiment que Ibe Kachikwu aurait pu mieux gérer la situation, étant donné que les tensions entre le gouvernement et les militants armés du bassin pétrolier persistent toujours. Ceci explique peut-être cela, le nouveau ministre d’État au Pétrole est originaire de l’État de Bayelsa dont il fut gouverneur. Une région située au cœur du bassin pétrolier et qui abrite de nombreux sites de production. Pour les mêmes observateurs, Timipre Silva est un homme politique qui a toujours milité pour une meilleure industrialisation de l’État de Bayelsa, car la région abrite une importante partie des réserves du bassin pétrolier du Sud du pays. À son investiture en 2007, en tant que gouverneur, (il a succédé à l’ancien président Goodluck Jonathan, Ndlr), Silva avait déclaré : « Bayelsa est le moins développé sur le plan industriel et commercial de tous les 36 États du Nigéria. »

En République du Congo, deux entreprises pétrolières locales annoncent la découverte d’un important gisement de pétrole dans la région de la Cuvette. Ce sont la Société africaine de recherche pétrolière et distribution (SARPD-Oil) et la Petroleum Exploration & Production Africa (PEPA). Dénommé « Delta de la Cuvette », le périmètre onshore couvre une superficie de 9 392 m2 et abrite des campagnes de recherche depuis les années 1980.

Le périmètre comporte quatre puits et c’est le forage du premier puits d’exploration, en cours depuis le mois de mars dernier, qui a révélé la présence d’un tel gisement. Mohamed Rahmani, le directeur chargé du marketing de la SARPD-Oil, a indiqué que Delta de la Cuvette pourrait produire plus d’un milliard de m3 d’hydrocarbures, dont 359 millions de barils de pétrole, soit 983 000 barils par jour.

Selon l’ingénieur Albert Boukoulou Matondo, la campagne de forage se poursuit sur place. Aucune information concernant les caractéristiques géologiques du gisement, la profondeur atteinte ou les formations porteuses d’hydrocarbures n’a été fournie. Si les chiffres évoqués devront être confirmés au terme des tests de production de l’ensemble du site, la déclaration du responsable sous-entend la présence d’un volume important de gaz associé. La production actuelle du pays est d’environ 350 000 barils par jour.