À Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, on a marre de la confusion entretiendrait Kinshasa sur l’exploitation du gaz méthane du lac Kivu. Actuellement, alors que ses besoins en énergie sont évalués à 60 MW, la ville de Goma ne bénéficie que de quelque 6 MW, fournis essentiellement par le réseau électrique du Rwanda voisin… qui produit pour le moment 25 MW de son exploitation du gaz méthane du lac Kivu. Les habitants de Goma retiennent leur souffle, attendant avec impatience l’issue du dossier de l’exploitation du gaz du lac Kivu porté devant la justice. La firme kivutienne, Kivu Lake Energy Corporation (KLEC), a contesté l’attribution du marché d’exploitation à l’entreprise tunisienne EPPM et a saisi la justice.
Rappel des faits
L’affaire remonte à 2014 et le feuilleton est loin de connaître son épilogue. Le ministère des Hydrocarbures avait lancé à cette époque un appel d’offre restreint pour les opérations de l’exploitation du gaz du lac Kivu dans le bloc dit Goma. Un appel d’offre restreint se justifie, selon le ministre actuel, Aimé Ngoy Mukena, car il permet de rattraper le temps perdu. Le ministère des Hydrocarbures avait disposé d’un short list de potentiels soumissionnaires, parmi lesquels les deux entreprises précitées ainsi que la firme Variable Oil and Gas. Écartée de la course, cette dernière a saisi l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP). Ainsi, le marché a-t-il été gelé durant plusieurs mois avant que la décision de l’ARMP ne tombe. Celle-ci a donné raison au ministère des Hydrocarbures, adjudicateur du marché public.
Pratiquement, deux bonnes années ont été ainsi perdues, alors que le Rwanda, avec lequel la République démocratique du Congo partage les eaux du lac Kivu, était en pleine exploitation du gaz enfoui dans ce lac. Selon une convention qui date, la RDC a droit à 55 % des 66 milliards de Nm3 de gaz méthane que renferme le lac contre seulement 45 % au Rwanda voisin. Aussi, l’appel d’offre lancé par le ministère des Hydrocarbures, en 2014, l’a été du fait des inquiétudes d’une remontée du gaz à la surface du lac, avec le risque d’explosion imminente. Fin 2016, le ministre des Hydrocarbures a finalement attribué le marché au tunisien EPPM. Ce qui a provoqué une levée des boucliers dans les milieux politiques et des affaires kivutiens.
Dans un film documentaire, sans doute réalisé, selon certaines sources, avec le financement de KLEC, et diffusé à l’international, la crédibilité du gouvernement congolais a été totalement poissée. Dans ce document, des chiffres ont été maquillés et des dossiers falsifiés. Il est vrai que l’appel d’offre portait sur une production de 35 MW d’entrée de jeu en vue d’atteindre les 120 MW au finish.
Mais EPPM a remporté le marché avec une offre de production de 5 MW. Ngoy Mukena s’en est justifié devant le Sénat, fin 2016, arguant que « les exigences techniques et l’exploitation sécurisée du gaz exigent que la RDC commence avec une extraction modulaire et progressive du gaz en partant d’une échelle d’environ 10 millions de normaux m3 (10 millions nm3), équivalent à quelque 5 MW ». Le ministre des Hydrocarbures répondait ainsi aux sénateurs à la suite d’une question orale avec débat sur divers dossiers de son secteur.
Dans ce dossier, KLEC accuse le ministère des Hydrocarbures de « rouler » pour EPPM. Mais Ngoy Mukena est serein.
PERENCO sort les griffes
D’ailleurs, il s’intéresse pour le moment à d’autres projets gaziers, dont celui du lac Tanganyika. Une conférence régionale est en vue sur les possibilités d’une exploitation commune par les pays riverains (Tanzanie, Zambie, Burundi et RDC) de ce lac.
Invité à Kinshasa, en septembre 2014, dans le cadre du forum économique I-PAD, Miguel Azevedo, alors directeur-général de la Citi pour l’Afrique subsaharienne, a proposé aux autorités de la RDC de se pencher sur les grandes perspectives du développement de l’industrie du gaz et du pétrole, plutôt que de considérer toujours l’industrie minière comme moteur du développement du pays.
À Muanda, PERENCO utilise déjà le gaz pour alimenter les générateurs de la centrale de Kinkazi. Pour le grand bonheur des communautés locales. Le groupe pétrolier français qui extrait de l’or noir sur la petite côte atlantique de la RDC (37 km), dans la région de Muanda, envisage, en effet, de se lancer dans l’exploitation du gaz. Elle compte sur des réserves de 20 milliards de m3 en offshore et 10 milliards en on shore.