Les produits d’origine et les contrefaits font bon ménage

À Kinshasa, les Ouest-Africains ont le monopole de l’importation et du commerce des accessoires de véhicules. À y regarder de près, une grande partie de ces marchandises sont en général des contrefaçons. Pourtant l’Office congolais de contrôle (OCC)  devrait veiller à la qualité et à la conformité de toutes les marchandises destinées au pays. 

Un magasin de vente de pièces de rechange à Kinshasa.
Un magasin de vente de pièces de rechange à Kinshasa.

En RD Congo, l’importation des pièces de rechange pour véhicules et autres engins est dévolue tant aux Congolais qu’aux expatriés. La plupart des Congolais vendent des moteurs d’occasion importés d’Europe appelés « bilokost » aussi des pièces récupérées sur des véhicules accidentés. Mais le commerce des accessoires de véhicules demeure la chasse-gardée des Ouest-Africains en général et des Nigérians en particulier. Leurs magasins sont  concentrés autour des ronds-points Gambela et Kimpwanza, dans la commune de Kasa-Vubu,

Quoi qu’il en soit, les pays de provenance desdites pièces suscitent souvent des polémiques et parfois de la méfiance, compte tenu de la mauvaise qualité de certains articles. Un des Nigérians, chez Blessed Benny Motors assure que les pièces de rechange viennent principalement du Japon, de Corée du Sud, de Chine ou de Dubaï. Un autre, qui travaille chez Esomex, prétend que les accessoires qu’il vend proviennent exlusivement du Japon.

Toutes ces affirmations sont confirmées par un Congolais, lui aussi, dans la commune de Kasa-Vubu. « Les produits que vendent les Nigérians viennent de Dubaï, de Chine, de  Turquie et du Japon », témoigne-t-il. Pour lui, si les Nigérians réussissent mieux dans ce commerce, c’est entre autres grâce à la solidarité qui règne entre eux et le fait qu’ils ont été les premiers à exercer ce métier.

Seulement, d’aucuns s’étonnent du fait que les pièces vendues par les Nigérians, considérées comme des imitations, aient plus de succès que celles d’origine. L’explication peut venir, peut être, de l’Office congolais de contrôle (OCC),  établissement public à caractère technique et commercial.  C’est l’OCC qui est commis au contrôle de la qualité, de la quantité et de la conformité de toutes les marchandises, en plus de l’analyse de tous les échantillons. Il doit aussi assurer les contrôles techniques de tous appareils et travaux.

En tant qu’organisme de métrologie, de normalisation et de certification, l’OCC a une grande responsabilité dans l’appréciation des produits de bonne qualité qui entrent sur le territoire congolais. « Le problème est au niveau des contrôleurs qui laissent passer les pièces de mauvaise qualité qui inondent le pays. Si nous étions ailleurs, cela n’arriverait pas », regrette un mécanicien de Matete.

Un marché lucratif 

Ce qui ouvre la brèche aux Nigérians, c’est le coût des pièces vendues. Certes, les articles d’origine existent sur le marché, mais leurs prix exorbitants ne sont pas à la portée d’une population habituée à se passer de la qualité pour la pacotille. Par exemple, à CFAO Motors RDC, entreprise située à Limete, les prix des filtres à huile  de véhicules varient entre 21 000 et 47 000 francs, alors que leurs prix tournent autour de 4 500 francs dans les magasins tenus par les Ouest-Africains.

Toujours à CFAO Motors, un pneu de dimension 195 R 15 pour un minibus Hiace coûte 269 700 francs (presque 300 dollars) ; un pneu d’occasion (d’Europe) de la même dimension se vend à la cité entre 20 et 25 dollars.

Il en va de même des jantes, vendues par lots de quatre pour l’équivalent de 500 dollars et que l’on peut trouver ailleurs à des prix beaucoup plus bas.

Vu le coût élevé des pièces et du service de qualité qu’offrent les représentants de certaines marques de véhicules à Kinshasa, dans l’ensemble, il n’y a que les grandes entreprises qui peuvent les acquérir.

Cependant, en considérant les quelques échantillons des pièces d’origine et les contrefaçons, on opterait volontiers pour la bonne qualité.

Les véhicules roulant à Kinshasa, étant de deuxième ou de  troisième main, peuvent tomber en panne à tout moment. D’où le besoin de remplacer les pièces défectueuses. Chez les Ouest-Africains, par exemple, les segments d’un  moteur Toyota coûtent 60 dollars, le coussinet-bielle-palier 30 dollars, les  joints 20 dollars, quatre bougies 20 dollars, le filtre à huile 5 dollars et le lubrifiant du moteur 20 dollars. La transmission (jeu complet)  d’un véhicule de transport en commun,  comme on en trouve partout coûte 45 dollars ; une rotule  de suspension 20 dollars et la rotule de direction 15 dollars.

Même origine, qualité différente

À part les pièces proposées par des entreprises comme CFAO Motors RDC, d’autres maisons proposent des accessoires d’une relative bonne qualité. C’est le cas d’Auto Rechange que nombre de conducteurs considèrent comme une référence. Interrogé sur l’origine de la marchandise, un vendeur expatrié dans l’un de ses magasins a brillé par son silence. C’est plutôt un Congolais qui vend à 50 m de là qui révèle que l’affaire appartient à un Belge. Des telles maisons ne seraient pas nombreuses.

Un mécanicien avoue que s’approvisionner chez les Nigérians et autres expatriés est un mal nécessaire parce que cela rend service même si c’est pour une courte période. « Par exemple, si vous achetez une bougie chez les Ouest-Africains, elle tiendra deux semaines, alors qu’une bougie de bonne qualité a une durée de vie de trois mois environ ». Selon un conducteur, les propriétaires de véhicules recourent souvent aux pièces de rechange vendues par les Nigérians à cause de leurs bas prix. « En réalité,  cela coûte plus cher parce qu’on est obligé d’en acheter plusieurs au lieu d’une seule de bonne qualité », avoue-t-il.

Véhicules récents, vieilles pièces 

En 2012, le gouvernement a interdit l’importation d’automobiles d’occasion mis en circulation avant l’année 2002, souci de limiter leur impact nuisible sur l’environnement. Seulement, si depuis deux ans, on surveille de près l’entrée de ces engins, on ne dispose d’aucune réglementation pour les accessoires. D’où une certaine anarchie et un laisser-aller indéniables. À part les commerçants qui ont pignon sur rue, on en trouve d’un genre particulier. Ne voyageant jamais à l’étranger, ils achètent et revendent sur place des pièces détachées: démarreurs, goujons, coussinets de bielle, pare-brise, batteries, vilebrequins, pneus et outillages. L’essentiel de ces produits, bien que de seconde main, est d’origine.

« Ils nous arrive aussi d’acheter un véhicule en vue de le ‘‘dépecer’’ », explique un commerçant. Malgré tout, les vendeurs plus ou moins honnêtes conseillent à leurs clients d’acheter des accessoires en bon état. C’est le cas d’un vendeur de pneus, dans la commune de Ngaliema, qui met en évidence une marque de pneu bien connue à Kinshasa pour sa résistance et s’en félicite.

« La durée des pneus dépend de la matière avec laquelle on les a fabriqués et du climat du pays où on les utilise. Or, nous vivons dans un pays tropical où il fait chaud. Généralement, les pneus d’occasion ne dépassent pas plus de trois mois avec la chaleur qu’il fait.  Dans ce domaine, il faut être connaisseur pour le savoir, parce que l’apparence est souvent trompeuse ».

Agrément des maisons de vente

Toutefois, l’utilisation des pièces de rechange de mauvaise qualité ramène sur la table la problématique de l’état du véhicule comme l’un des facteurs qui causent les accidents de la circulation. David Mbala, chef de bureau à la Commission nationale de prévention routière (CNPR) indique que c’est leur service qui agréait, vers l’an 2000, les maisons de vente de pièces de recharge. Actuellement, ajoute-t-il, ce sont les agents commis au secrétariat général du ministère des Transports et Voies de comunication qui s’en occupent.