Les raisons de la diversification économique

Un examen approfondi région par région met en évidence une hétérogénéité encore plus marquée, révélant la supériorité des performances des économies plus diversifiées. D’une manière générale, les économies africaines se sont diversifiées et sont ainsi devenues plus résilientes qu’il y a dix ans, surtout en cas de chocs externes sur les matières premières. La part du secteur industriel est passée de 17 % à 23 % entre 2000 et 2010, tandis que celle des autres secteurs augmentait de 44 % à 47 % sur la même période. Selon des estimations, le secteur tertiaire ressortirait à 49 % du PIB en 2016, grâce en grande partie à la révolution de l’information et des télécommunications.

Les innovations technologiques, particulièrement dans les services financiers, ont stimulé la croissance africaine. En 2015, 45 % du PIB du Kenya ont été réalisés par le biais de M-Pesa, un service de transfert de fonds et de financement basé sur la téléphonie mobile. Au Nigéria, la part du secteur des services a bondi de 13 % du PIB en 2000 à 34.7 % en 2010, tandis que celle de l’agriculture restait importante, à 16 %, dominée par les activités de subsistance.

Mais la transformation structurelle progressive de l’Afrique (McMillan et Harttgen, 2014) a induit un recul sensible de la part de la main-d’œuvre travaillant dans l’agriculture entre 2000 et 2010, de plus de 10 %. Sur la même période, la part de la main-d’œuvre dans les industries manufacturières a augmenté en moyenne de 2.15 %, contre une hausse moyenne de 8.23 % dans les services.

Ces statistiques attestent de la transformation structurelle en cours en Afrique, même si les pays vont devoir continuer sur cette voie pour consolider ces acquis.

La diversification accrue a considérablement renforcé l’aptitude de l’Afrique à supporter des chocs extérieurs et à préserver sa dynamique de croissance. L’indice de concentration des exportations – ou indice Herfindahl-Hirschmann – permet d’établir le lien entre concentration accrue des exportations et résilience moindre d’une économie, en mesurant le degré de concentration des produits dans les pays africains (évolution du PIB). Les valeurs de l’indice HHI s’échelonnent de 0 à 1, un score proche de 1 signalant la concentration extrême de l’économie autour de quelques produits. La résilience de la croissance des pays africains peut être calculée en examinant l’évolution de la croissance du PIB entre 2014 et 2015.

Des valeurs positives signalent que l’économie est résiliente, contrairement aux valeurs négatives, qui prouvent la volatilité de la croissance. Le passage à une économie orientée sur les exportations exige de transformer la structure industrielle pour intégrer des machines et des produits électroniques sophistiqués et d’accorder une priorité accrue aux segments à plus forte valeur ajoutée. Un tel changement structurel peut être sous-tendu par une meilleure allocation du crédit (qui favorise le développement des entreprises), le renforcement de la recherche et le développement de nouvelles technologies industrielles mais également par des systèmes éducatifs capables d’impartir des compétences adaptées au XXIème siècle. À l’échelle d’un pays, les systèmes d’innovation et les pôles industriels sont deux clés d’une politique industrielle efficace, qui doit tenir compte du capital humain, physique et institutionnel d’un pays et de son patrimoine naturel. La diversification économique est un processus de moyen à long terme qui requiert, surtout dans les pays exportateurs de produits de base, de passer d’un stock d’actifs essentiellement constitués par les ressources naturelles à un portefeuille plus équilibré entre capital physique et humain.

Dans cet esprit, il importe d’améliorer l’éducation et la santé, les infrastructures et les communications mais aussi les règles régissant l’activité privée. Des politiques coordonnées et cohérentes ont un effet protecteur contre les chocs

Les pays africains touchés par la chute des cours des matières premières ont utilisé le levier des politiques budgétaire, monétaire et de change afin d’enrayer leur déclin économique. Pour ceux qui y sont parvenus, la préservation de la cohérence et de la coordination des politiques porte ses fruits.