Les régies financières appelées à la rescousse

Les finances publiques se portent mal. La cause ? Une dégringolade persistante des cours mondiaux des principales matières premières. Le gouvernement a pris un train de mesures destinées à maintenir la stabilité du cadre macroéconomique. 

C’est dans ce bâtiment que sont validées les stratégies de régies financières en vue de la maximisation des recettes de l’État.
C’est dans ce bâtiment que sont validées les stratégies de régies financières en vue de la maximisation des recettes de l’État.

Confronté à la crise financière internationale, le gouvernement a décidé de prendre le taureau par les cornes. Au ministère des Finances, la mobilisation est tous azimuts. Le ministre Henri Yav Mulang ne cache pas sa grande préoccupation : comment traduire en actes les récentes mesures économiques afin d’anticiper sur les effets de la crise. Grosso modo, les mesures gouvernementales (vingt-huit au total) visent « le relèvement du niveau de mobilisation des ressources de l’État et la relance économique en appui au secteur privé », selon le compte-rendu du dernier Conseil des ministres. Le ministère des Finances explique que ces mesures nécessitent des « actions de coercition et de correction qui peuvent s’avérer bénéfiques à la longue ». Il est néanmoins conscient que la population doute de l’efficacité des mesures prises, qui sont perçues comme un simple effet d’annonce, en raison de l’état actuel de l’économie mondiale.

En guise de mesures d’urgence, il s’agit pour l’exécutif de placer des garde-fous face aux chocs exogènes de la crise internationale actuelle.

Chocs exogènes de la crise

La croissance et le financement du développement du pays s’appuient sur les matières premières exportées vers les pays industrialisés. Mais cette stratégie rentière vient de montrer ses limites. L’exportation des produits non transformés n’est plus une stratégie viable de développement. Leur dégringolade révèle que la seule exploitation des ressources naturelles ne saurait garantir l’émergence d’ici 2030.  La réalité est que la République démocratique du Congo doit trouver un subtil équilibre entre la part exportable de ses matières premières (pour obtenir des recettes budgétaires) et la part transformable localement (pour asseoir une dynamique industrielle compétitive).

La persistance de la baisse des cours mondiaux des principales matières premières devrait nécessairement conduire le gouvernement à revoir le budget de l’État pour l’exercice 2016, afin de l’adapter aux sources financières encore perceptibles. Selon des analystes économiques, l’hypothèse d’un collectif budgétaire n’est pas à exclure si l’on veut s’en tenir aux dépenses déjà programmées. En tout cas, personne ne peut dire, pour le moment, avec précision, quand l’embellie va survenir. Au ministère des Finances, on balaie d’un revers de la main l’éventualité du recours à la planche à billets pour financer le déficit budgétaire. Ce qui aurait l’effet d’activer la spirale inflationniste et de déstabiliser le cadre macroéconomique dont l’équilibre est le fruit de quinze années d’efforts consentis.

Vulnérabilités

Il est indéniable que, sur le plan de la stabilité macroéconomique et sur celui de la croissance, les résultats réalisés par le gouvernement sont éloquents. Mais sur la situation économique et financière du pays, le  rapport 2015 de la Banque mondiale a mis l’accent sur la résilience à long terme de l’économie, qui demande à être renforcée. Autrement dit, les progrès qui ont été réalisés doivent constituer le point de départ de l’étape suivante : celle du renforcement de la résilience de l’économie. Le secteur public devrait passer à la vitesse supérieure dans la gestion de l’économie et de la société pour un développement durable. La Banque mondiale a fait un diagnostic institutionnel sans complaisance des politiques menées par le gouvernement. Ses experts ont constaté que le pays a réalisé des progrès constants en 2014 et 2015 et a marqué des points qui sont au-dessus de la moyenne dans la gestion du cadre macroéconomique. L’institution de Bretton Woods a néanmoins attiré l’attention en prévenant que ce n’est pas assez car il y a encore des vulnérabilités.

Parmi ces vulnérabilités, la Banque mondiale a fait un ancrage sur la faible mobilisation des recettes nationales. C’est le principal défi à relever, selon plusieurs économistes. Certains estiment qu’elle est le fait de la corruption et de la mauvaise gouvernance. Au cours des quatre dernières années, la République démocratique du Congo a exporté de plus en plus des matières premières de l’ordre de dix milliards de dollars par mois, voire plus. Cependant, au regard de la balance des paiements, elle ne fait que rémunérer les investissements directs étrangers (IDE), jusqu’à hauteur de trois milliards de dollars. Par ailleurs, les réserves en devises, qui atteignaient à peine de l’ordre de 1,5 milliard de dollars, sont en régression. Les recettes nationales arrivent à 13 % du produit intérieur brut (PIB ou le total de la valeur ajoutée des biens et des services réalisés dans un pays ou territoire pendant une période donnée, y compris par les ressortissants étrangers), soit en dessous de la moyenne des pays moins développés qui est de l’ordre de 15 %. Elles sont également en dessous de la moyenne de l’Afrique subsaharienne qui est autour de 20 %. Il y a, donc, un problème. Par ailleurs, la République démocratique du Congo occupe la 16e place en terme de potentiel de la rente due au secteur des ressources naturelles dans le PIB, mais elle est à la 104e position en terme de recettes totales au PIB.

Pays « riche », population pauvre

Ce paradoxe montre qu’il y a également un problème imputable à plusieurs facteurs. Premièrement, le code minier qui contient des dispositions généreuses en ce qui concerne l’amortissement accéléré. Cela était peut-être justifié par la situation du pays à l’époque où ce code a été élaboré. Mais, aujourd’hui, le texte mérite d’être revu, surtout si l’on veut sortir de la logique de nivellement vers le bas en matière d’avantages fiscaux dans le but d’attirer les investisseurs. Par ailleurs, au regard des recommandations de la Conférence d’Addis-Abeba, les pays doivent compter plus sur leurs ressources domestiques pour financer le développement durable. Il faudrait, donc, se demander quelles sont les ressources principales pour pouvoir les mobiliser davantage. Des pays comme la Tanzanie, la Guinée et le Burkina Faso ont déjà pris une longueur d’avance dans cette voie, en revisitant leurs codes miniers. Dans tous les cas, quels que soient le code et les conventions miniers qu’on aura adoptés, il faudrait mettre en place une administration capable de bien les faire appliquer. Sinon, il n’y aura pas de meilleurs résultats. Naturellement, on ne demandera pas à l’administration de faire des miracles, si elle n’a pas de moyens financiers et humains conséquents. Cet équilibre est encore sous-optimal car il n’y a pas encore assez de recettes. Et puisque les moyens et les recettes sont insuffisants, l’administration ne pourrait fonctionner convenablement et serait dans l’incapacité d’appliquer les législations censées amener à plus de recettes. Pour s’en sortir, il faut donner plus de moyens à l’administration. Et également mettre en place des institutions fortes et indépendantes afin de mieux gérer le secteur des ressources naturelles et d’atteindre les objectifs à long terme du développement durable dans le pays.

La politique de stabilisation budgétaire par la compression des dépenses a atteint ses limites. Avec 13 % du PIB des dépenses et 13 % du PIB des recettes, la marge de manœuvre pour dégager un espace budgétaire avec une meilleure gestion des dépenses est assez réduite. Mais il y a moyen de réaliser la stabilisation budgétaire en mobilisant davantage de recettes. Autrement dit, en augmentant les recettes, on augmenterait en même temps les dépenses tout en gardant un budget équilibré. Par exemple, un budget autour de 18 % de dépenses et 18 % de recettes constituerait un changement important ; surtout si le supplément des recettes est affecté aux infrastructures en même temps qu’aux secteurs sociaux de base. La stabilisation budgétaire à court terme ne peut pas aller de pair avec les objectifs du développement durable. S’il n’y a pas de moyens, l’État ne pourra pas mette en place des politiques de développement sur le long terme. Le manque de moyens est déconnecté du potentiel. Mais comment mobiliser le potentiel ? L’agitation est perceptible dans les régies financières. L’alerte générale a été donnée par Yav Mulang afin de mettre immédiatement au travail.