Les régimes fiscaux d’exception en RDC

Fiscalité internationale, compétitivité régionale, attractivité des investissements et protection de l’industrie locale… La problématique ressemble fort à la quadrature du cercle pour la Direction générale des impôts. Face à l’opportunité des régimes fiscaux d’exception, quelle est l’ampleur des dépenses fiscales et quelles sont les conséquences budgétaires ? 

Y a-t-il vraiment opportunité des régimes fiscaux d’exception en République démocratique du Congo ? À la Direction générale des impôts (DGI), l’interrogation a tout l’air d’une question pour un champion. On préfère y répondre en se basant sur la règle générale. En effet, explique-t-on, la notion de régimes fiscaux d’exception renvoie à « des mesures accordant des avantages fiscaux à certaines activités ou à certains secteurs de l’économie d’un pays, à des régimes dérogatoires à celui du droit commun, à des incitations fiscales à l’investissement ». Pour les experts de la DGI, les incitations fiscales peuvent prendre notamment « la forme d’exonérations, de taux réduits d’impôts, des amortissements accélérés ou dégressifs, des abattements de la base d’imposition, de prise en charge par l’État de la fiscalité indirecte ». À travers les incitations fiscales, soulignent-ils, le gouvernement vise à « atteindre des objectifs spécifiques, en particulier l’accroissement des investissements dans les secteurs clés, la croissance économique, la création d’emplois, l’amélioration de la compétitivité internationale, l’attrait de l’investissement direct étranger ».

S’agissant des impôts encadrés par la DGI, les incitations fiscales sont organisées par différents textes dont les principaux sont les conventions internationales en vue d’éviter la double imposition et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu (cas spécialement des conventions conclues avec la République d’Afrique du Sud et  le Royaume de Belgique) ; la loi n°004/2002 du 21 février 2002 portant code des investissements, qui prévoit l’exonération de l’impôt sur les bénéfices et profits (IBP) sous certaines conditions d’éligibilité, sur une période de 3 à 5 ans selon la région économique de l’implantation de l’investissement ; la loi n°007/2002 du 11 juillet 2002 portant code minier, qui prévoit essentiellement la réduction des taux d’imposition (IBP imposé au taux de 30 %, IERE au taux de 10 %, IM au taux de 10 %).

Il y a aussi la loi n°11/022 du 24 décembre 2011 portant principes fondamentaux relatifs à l’agriculture, qui prévoit la réduction du taux de l’IBP à 20 % en faveur de l’exploitant agricole de type familial ; la loi n°14/005 du 11 février 2014 portant régime fiscal, douanier, parafiscal, des recettes non fiscales et de change applicables aux conventions de collaboration et aux projets de coopération, qui prévoit l’exonération de l’IM et de l’IBP sous certaines conditions ; la loi n°15/005 du 17 mars 2015 portant code des assurances, qui prévoit l’exonération en matière de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de certaines primes d’assurance ; la loi n°15/012 du 1er août 2015 portant régime général des hydrocarbures, qui définit de manière exhaustive les impôts auxquels le contractant pétrolier producteur est assujetti (l’IERE, l’IPR, TVA sur la consommation locale en phase d’exploitation et certains prélèvements en lieu et place de l’IBP).

Et il y a également le décret n°13/049 du 6 octobre 2013 portant régime fiscal applicable aux entreprises éligibles au partenariat stratégique sur les chaînes de valeur, qui prévoit essentiellement la suspension de la TVA en régime intérieur pour une période de 4 ans ; l’arrêté ministériel n°076 du 13 janvier 2012 portant dispositions particulières applicables aux marchés publics à financement extérieur, qui organise la prise en charge par l’État de la fiscalité indirecte desdits marchés, en ce compris la TVA en régime intérieur.

Ampleur des dépenses fiscales

Selon les experts de la DGI, la dépense fiscale résulte des dispositions spéciales dérogeant au droit commun. Elle représente un transfert de ressources résultant d’une réduction d’obligations fiscales relativement à un système fiscal de référence. Elle se traduit par des pertes des recettes pour le Trésor public et elle produit des effets comparables à ceux d’une dépense budgétaire directe. Les dépenses fiscales font partie des outils de politique fiscale des gouvernements. Elles sont utilisées en lieu et place des dépenses directes pour dynamiser ou soutenir des secteurs d’activités et/ou une catégorie des contribuables. L’évaluation et la publication périodiques des dépenses fiscales sont importantes en ce qu’elles permettent de mesurer leur impact sur le budget de l’État, engager un débat transparent sur l’ensemble des choix de finances publiques (subventions ou incitations fiscales). Le périmètre pris en compte par la DGI pour l’évaluation des dépenses fiscales relatives aux impôts qu’elle encadre est constitué des exonérations, des réductions des taux, de la prise en charge de la fiscalité indirecte par l’État, et de la suspension de la perception d’impôt (essentiellement la TVA).

Les conséquences budgétaires des dépenses fiscales 

À titre indicatif et pour les régimes fiscaux d’exception les plus saisissables, voici la situation des dépenses fiscales afférentes aux droits encadrés par la DGI, pour la période allant de 2012 à 2016 (voir tableaux 1 et 2).

Les experts de la DGI notent que « les régimes fiscaux d’exception en RDC traduisent la volonté du gouvernement de mettre en place un environnement des affaires de plus en plus attractif et compétitif pour une économie florissante et prometteuse ». Toutefois, il y a lieu de relever quelques faiblesses dans le système actuel des incitations fiscales. Il s’agit notamment de l’octroi de certaines incitations fiscales ne s’inscrivant pas dans le cadre d’une politique fiscale bien définie, cohérente et planifiée ; de l’institution de certains régimes fiscaux d’exception par voie réglementaire sans habilitation de la loi, en violation du principe de légalité posé à l’article 174 de la constitution ; de la multiplicité des textes prévoyant des incitations fiscales avec risque de double emploi ; de la non consultation de la DGI dans l’élaboration de certains textes à caractère fiscal ou à incidence fiscale ; de l’absence, dans le fonctionnement du système d’incitations fiscales, de mécanisme rigoureux de contrôle aussi bien des avantages accordés que du respect des engagements pris par les entreprises bénéficiaires.