En Province Orientale, ce nom ne fait pas allusion aux terroristes islamistes, preneurs d’otages, moins encore à des kamikazes. Il désigne plutôt ceux qui font le commerce du pétrole dans la concurrence déloyale.
Pour écouler leurs produits, les « Shabbabs n’hésitent pas à casser les prix, au grand désarroi des opérateurs pétroliers traditionnels. Officiellement, un litre d’essence à Kisangani est à 1.630 francs, selon la dernière fixation du ministre de l’Economie et Commerce, après concertation avec les opérateurs du secteur. Ce prix tient compte du différentiel géographique, selon une terminologie de la profession, qui intègre le coût du transport d’une localité à une autre. Parmi les éléments de la structure du prix, on cite le prix moyen frontière, le volume et le taux de change. Entre l’Etat congolais et les pétroliers, il a été convenu de modifier la structure des prix chaque fois que l’un des agrégats susévoqués change dans une proportion de 5 %.
Les opérateurs traditionnels se plaignent d’une concurrence déloyale auprès du ministère de l’Economie et Commerce.
Chez les « Shebbabs », on fait fi de toutes ces règlementations. Ils proposent des prix défiant toute concurrence. Le litre d’essence se négocie à 1500, voire 1400 francs. Sur un fût de 200 litres vendu à 340 dollars, on peut obtenir une remise de 20 à 30 dollars. Stanislas Bomesi est « Tolekiste », c’est-à-dire, conducteur de taxi-moto. Il affirme que depuis l’arrivée des « Shebbabs », il fait de bonnes affaires. Le prix du carburant a baissé, ce qui lui permet d’augmenter la recette de la journée. Mais quant à savoir si le produit acheté est de bonne qualité, il avoue son ignorance. Il trouve plutôt l’essence plus rouge que d’ordinaire.
Pour ne pas être trop étouffés, les pétroliers traditionnels ont organisé la contre-offensive. Dans un mémo adressé aux autorités provinciales, ils se plaignent de cette concurrence déloyale auprès de l’autorité compétente, en l’occurrence le ministre de l’Economie et Commerce qui a dans ses attributions, la police des prix. Total, Engen, Sep-Congo et COHYDRO s’insurgent contre la présence des « Shebbabs » qui ne respectent pas les règles du marché.
Les règles du jeu sabotées
A Sep-Congo, on affirme manquer de creux pour recevoir de nouveaux produits dans les tanks de stockage à cause de non écoulement des anciens stocks. COHYDRO, quant à elle, déplore un manque à gagner de plus d’un million de dollars enregistré depuis seulement deux mois. Ses pousseurs (bateaux pour le transport des produits pétroliers) sont restés à quai, pendant des jours, sans procéder au dépotage des produits. Ceux en partance pour Kisangani sont encore bloqués à Kinshasa. Disposant d’une flotte fluviale composée de trois pousseurs et de onze barges d’une capacité de plus de 12.000 m3, COHYDRO transporte, pour le compte de tiers ou pour son propre compte, des produits pétroliers à destination de l’intérieur du pays. Déjà en situation financière délicate, l’entreprise appelle le gouvernement à faire appliquer les règles du jeu. Pour leur part, les « Shebbabs » affirment opérer disposer de toutes les autorisations nécessaires pour exercer leur commerce. Ils révèlent, en outre, qu’ils paient régulièrement leurs impôts.
Un phénomène identique est observé, depuis des années, dans la province du Katanga, où des investisseurs privés ont envahi le marché. Ils sont accusés de faire entrer les produits en contrebande et de ne pas payer d’impôts.