C’EST le résultat d’une étude rendue publique dans la revue « Sciences Advance » en octobre. Conduite par 31 primatologues internationaux, cette étude dresse un tableau alarmant de ces mammifères qui sont les plus proches cousins de l’homme. « Pourtant, nous les regardons mourir à petit feu, cela dans une indifférence totale », regrette Alfred Ntumba, le directeur d’« Environews/RDC ».
En combinant la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), la littérature scientifique existante et des bases de données des Nations-unies, Alejandro Estrada, de l’université nationale autonome du Mexique, et ses collègues ont effectué une méga-analyse du statut, des menaces et des efforts de conservation des 504 espèces de primates à travers le monde, depuis les puissants gorilles jusqu’aux frêles lémuriens en passant par les orangs outans, les chimpanzés et autres bonobos.
Les résultats de cette étude, la plus vaste jamais conduite sont édifiants : les scientifiques estiment que 60 % des espèces de singes sont en danger d’extinction en raison d’activités humaines, et 75 % des populations accusent déjà le déclin. Quatre espèces de grands singes sur six ne sont qu’à un pas de la disparition, selon la dernière mise à jour de l’UICN, en septembre dernier.
« Si rien n’est fait pour réduire rapidement la pression humaine sur ces primates et leur habitat, nous assisterons à des extinctions de masse de ces animaux emblématiques d’ici vingt-cinq à cinquante ans », se plaint un cadre de l’UCCN.
Singe Lesula
Et la République démocratique du Congo qui a des espèces variées, a tout intérêt à engager une lutte sans merci pour en sauver plus d’un millier. L’avenir de ces espèces rare en dépend. Particulièrement pour le singe Lesula surnommé « Mundele-Makaku » (singe blanc), la dernière espèce de singes découverte au Congo, une espèce de singe à part, jusque-là inconnue des scientifiques, mais pas des habitants de la RDC qui le connaissaient.
Discret et mystérieux, le singe Lesula (Cercopithecus lomamiensis) a échappé à l’attention des scientifiques durant de nombreuses années. C’est une nouvelle espèce de cercopithèque découverte dans une forêt reculée de la RDC en 2007 et dont l’existence a été confirmée en 2012. Son nom spécifique Cercopithecus lomamiensis vient de la rivière Lomami, un affluent du fleuve Congo. Ce curieux animal qui porte le nom de Lesula (ce sont les habitants d’Opala qui l’ont ainsi surnommé), a une crinière avec de longs cheveux blonds et un visage nu. C’est son regard qui intrigue tant il ressemble à un être humain.
Les chercheurs l’ont décrit comme étant timide et calme. Il vit sur le sol et dans les arbres au sein de petits groupes allant jusqu’à 5 singes. Son régime alimentaire est essentiellement fait de fruits et de végétaux. John et Terese Hart du Musée d’histoire naturelle Peabody de l’université de Yale ont vu pour la première fois cette espèce en 2007.
À Opala, dans l’ex-province Orientale, le directeur d’une école primaire gardait captive une femelle. Il l’avait recueillie après avoir trouvé sa mère morte. Plus tard dans l’année, l’équipe a trouvé l’espèce à l’état sauvage, un grand moment pour les deux biologistes qui ont confié à « The Guardian » : «Nous savions que nous avions quelque chose d’inhabituel et probablement d’inconnu quand on a vu l’animal. Mais, ce n’est que quand nous avons eu les analyses génétiques que nous avons su que nous avions affaire à une nouvelle espèce ».
Kate Detwiler, professeur assistante d’anthropologie à l’université Florida Atlantic, a également fait partie de l’équipe de recherche. Citée par le National Geographic, elle explique que le principal intérêt d’avoir découvert cette espèce, est de pouvoir mettre tous les moyens en œuvre pour la protéger. « La chance de voir le Lesula dans son habitat naturel a été particulièrement gratifiante. Le fait que nous trouvions une nouvelle espèce de primate dans ce domaine de la forêt tropicale congolaise au XXIe siècle indique qu’il y a encore tellement des choses à apprendre. Nous sommes très chanceux d’avoir trouvé le Lesula pendant qu’il est encore temps de le sauver.»
Il faut savoir que le Lesula est chassé pour sa viande. Un communiqué de l’université Florida Atlantic a expliqué qu’une grande zone où vit le Lesula est désormais proposée comme un parc naturel protégé. Le communiqué précise : « Ce sera le premier parc national créé au Congo en consultation avec les communautés locales dès le début ».