Les solutions à l’instabilité du système : donner confiance au marché

Pour trouver les bonnes réponses aux grands problèmes du moment, qu’il s’agisse de la supervision prudentielle, de la gouvernance ou de la protection des épargnants, il faut en finir avec un certain nombre de pratiques.

Le diagnostic de la microfinance en République démocratique du Congo montre la fragilité d’un secteur dominé par les institutions à capitaux étrangers, la mauvaise gouvernance, l’inefficacité du contrôle, l’absence de sanctions, l’insuffisance des fonds propres, l’absence de diversification des produits… Bref, il se pose un problème fondamental de plan stratégique de développement de la microfinance. La Banque centrale du Congo est pointée du doigt.

Pour 2017, le gouverneur de la BCC, Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, a annoncé que son institution veillera de « façon particulière » à affiner le cadre réglementaire et aiguiser les pratiques de supervision des institutions financières. Dans cette perspective, la BCC a invité les opérateurs du système financier congolais à s’impliquer « sans réserve » dans les différentes réformes en cours en vue de « consolider la crédibilité et la solidité du système financier » et d’« aboutir à une rapide sortie de la situation de crise actuelle ». Dans le cadre de l’amélioration de l’environnement et de la consolidation des fondamentaux du système financier, la BCC poursuit l’exécution d’autres actions, projets et réformes. Il s’agit notamment de la migration du système financier congolais vers les normes comptables internationales IFRS, l’élaboration du programme national d’éducation financière, la création d’un fonds de garantie des crédits. Il s’agit également de la création d’une bourse des valeurs mobilières, la mise en place d’un cadre de résolution des crises bancaires ainsi que la modernisation du système national de paiement.

Consciente de l’importance de ces réformes pour le développement du secteur financier et de l’économie nationale, la BCC s’engage, pour sa part, à « accélérer leur mise en œuvre dans les meilleurs délais ». S’agissant du système national de paiement, la BCC en appelle à une forte implication des dirigeants des établissements de crédit pour dégager les ressources en vue de la finalisation des travaux sur la normalisation bancaire, l’interfaçage de leur système d’information avec la solution ATS-CSD, ainsi que le déploiement des scanneurs dans leurs agences.

Beaucoup reste à faire

Toutefois, malgré les réformes engagées, la BCC est consciente qu’il y a encore des défis à relever pour l’essor du système financier congolais. Parmi ces défis, le faible niveau de bancarisation et d’inclusion financière, le coût élevé des services financiers et l’insuffisance du dispositif de protection de la clientèle, ainsi que l’absence de mécanismes d’assurance des dépôts, des crédits pour les petites et moyennes entreprises (PME). La recapitalisation de la BCC et la réforme organique de la BCC adoptées au Parlement lui confèrent plus de marge de manœuvre dans l’accomplissement de sa mission de régulation et de contrôle du secteur financier.

Ce n’est pas tout. Pour le cabinet d’audit Humanitas, les causes de l’instabilité du secteur financier ne sont pas « une fatalité » pour la RDC. Au contraire, il faut y travailler pour favoriser l’inclusion financière. L’expert du cabinet Humanitas, Moïse Musole, identifie 10 causes à l’origine de l’instabilité du système. Il les regroupe en 3 catégories : les causes liées aux institutions (mauvaise gouvernance, non maîtrise de la croissance, faiblesse de fonds propres, absence de diversification des produits…), les causes liées à la supervision prudentielle et les causes liées aux partenaires (coordination des activités, associations professionnelles, environnement politique et économique…).

D’après Moïse Musole, pour se sortir de la crise, il faut adapter la loi à l’innovation financière ». Il faut aussi adapter les IMF aux réalités du pays pour que tout le monde en bénéficie, mettre à jour la stratégie nationale de la microfinance, mettre en place un fonds d’assurance et de garantie. Il faut également se doter d’outils de gestion des risques externes, ainsi que liquider et redresser les IMF selon le cas. Pour sa part, Al Kitenge de Task Force, il faut commencer par mettre en place les fondamentaux. Le drame, dit-il, c’est la question du plan stratégique de la microfinance. Il pose : que veut-on faire de la microfinance et quel est le rôle que l’on veut lui faire jouer dans l’architecture financière de la RDC et dans son développement économique ? Al Kitenge estime que l’appropriation de la microfinance doit être « quelque chose de volontaire » et non d’imposition. Il invite à s’inspirer de l’expérience du Kenya et de la Tanzanie. « Lorsqu’on considère la puissance de ces deux pays et la puissance de la microfinance dans ces deux pays, on se rend vite compte qu’ils veulent faire quelque chose de manière particulière qui s’adresse à une communauté particulière bien déterminé avec un succès particulier », explique Al Kitenge.

Convaincu que la législation en la matière est déficitaire à ce jour, l’implication politique est encore pesante, notamment dans la désignation du gouverneur de la Banque centrale. Par ailleurs, l’absence de fonds de garantie des dépôts. Corollairement, Al Kitenge souhaite voir des associations des consommateurs émerger pour que les citoyens jouent pleinement le rôle du plus grand surveillant de la cité. Et que la justice soit vraiment indépendante, notamment pour s’intéresser aux cas d’enrichissement illicite, de conflit d’intérêts… Il faut aussi, préconise-t-il, beaucoup d’éducation financière parce que « beaucoup ne savent les actes qu’ils posent ». Afin d’optimiser la généralisation des services de microfinance dans le pays, l’accent doit être mis sur une professionnalisation accrue du secteur et des prestataires.