ACHETER son bolide en trois clics ? C’est ce que propose Porsche. Le secteur s’engouffre dans ce nouveau canal adopté par les jeunes conducteurs. Les ateliers de réparation, à qui la fermeture avait été épargnée, pesaient certes de leur poids dans cette semi-résilience économique, mais le milieu s’accordait sur un point : la vente de voitures neuves en ligne leur avait évité le pire. Même si les modèles achetés seraient livrés plus tard et même si ceux-ci, électriques surtout, n’arrivent sur le marché qu’au compte-gouttes. Chaque marque a mis sur pied son portail afin de pallier la fermeture des showrooms, ou l’a peaufiné, pour ceux qui avaient déjà exploré ces nouveaux canaux de vente.
Le luxe se digitalise
Nouveaux pour l’automobile, s’entend. « En mars, nous avons lancé un portail de commerce en ligne par lequel tous les véhicules, neufs et d’occasion, peuvent être proposés et vendus », explique Dino Graf, porte-parole d’AMAG, importateur en Suisse de Volkswagen, Audi, Skoda et Seat. Il précise toutefois que cette étape est partie intégrante d’un processus à long terme et n’est en rien liée au coronavirus.
« Ce mode de vente permet de nous adresser à un groupe cible beaucoup plus jeune », déclare Inga Konen, le porte-parole de Porsche. Au-delà des soubresauts conjoncturels, il s’agit donc bel et bien d’une tendance de fond, comme le démontre l’exemple de Porsche. La marque a annoncé récemment que ses modèles seraient désormais achetables en ligne pour le marché suisse, et ce alors même qu’elle est l’une des deux seules, avec Ferrari, à avoir vu ses ventes augmenter. « En Allemagne, le canal de vente en ligne était déjà opérationnel fin 2019, puis ont suivi l’Espagne et le Portugal, rappelle la porte-parole Inga Konen. La Suisse est donc le quatrième marché à mettre en place une distribution numérique et, comme nous venons de commencer, le nombre de véhicules disponibles sur internet continuera d’augmenter. »
En Extrême-Orient, au Proche-Orient aussi, acquérir un véhicule devant son écran est déjà monnaie courante. Le magazine Forbes notait en février dernier que près de 825 000 véhicules avaient été vendus de cette manière en 2019, et estimait qu’ils seraient 6 millions en 2025. En Chine, les plateformes d’e-commerce sont en tête du phénomène, alors que Tesla est le leader en Europe et en Amérique du Nord, tandis que Hyundai impose le modèle sur le marché indien et que Renault avance ses pions en Amérique du Sud.
Concessionnaires indispensables
Une question de culture, mais aussi de génération, souligne Inga Konen : « Le lancement de ce mode de vente sur d’autres marchés a montré que nous sommes capables de nous adresser à un groupe cible beaucoup plus jeune; or, l’âge moyen des clients de Porsche en Suisse est actuellement de 55 ans. » Les 30-40 ans ont-ils les moyens ? « Oui, avec un prix d’entrée à 70 000 fr, pour la série 718 par exemple, sans oublier que nous mettons également des voitures d’occasion en ligne. »
Reste à personnaliser suffisamment la procédure. On n’achète pas une voiture sur la Toile comme un kilo de pommes de terre, nuance François Launaz : « C’est assez complexe, surtout si l’on opte pour une nouvelle marque. Configurer le modèle seul devant son ordinateur n’est pas toujours rapide, une option peut en annuler une autre. Sans compter que l’essai au volant reste à mon avis incontournable. » Tout dépend des marques : les japonaises sont souvent proposées en « tout inclus », et il ne reste guère à choisir que la couleur de la carrosserie et des sièges. Mais ce n’est de loin pas la règle. Il faut aussi penser à la revente de sa voiture, qui, en plus de l’estimation de sa valeur en ligne, aura aussi besoin du coup d’œil expert du garagiste, ce qui nécessite de toute façon un contact réel.
« La diffusion sur internet apporte de la clarté sur les offres disponibles sur le marché, et libère du carcan des heures d’ouverture des concessionnaires, pointe Inga Konen. Il est probable que certains acheteurs familiers de Porsche en achètent une uniquement online, mais notre objectif est de faire en sorte que les clients puissent à l’avenir passer du monde numérique au commerce de détail fixe. »