LA LUTTE contre l’enrichissement illicite, le détournement de l’argent public, les dépenses publiques de prestige, etc. serait une bonne cause si l’État (ceux qui nous gouvernent) montrait l’exemple en se réformant. Mais engoncé dans ses immobilismes, il en paraît bien incapable. Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, a annoncé le 11 juillet, à l’occasion de la commémoration de la Journée africaine de lutte anti-corruption, la signature et le dépôt dans les tout prochains jours des instruments de ratification de la Convention de l’Union Africaine (UA) sur la prévention et la lutte contre la corruption. Il a aussi annoncé la création, sous peu, au sein de son cabinet, d’un service spécialisé dénommé « Coordination pour le Changement de Mentalités » (CCM), chargé d’assurer la prévention, la sensibilisation et la lutte contre toutes sortes d’antivaleurs.
Avec l’air de rappeler : son « indéfectible engagement à lutter avec hargne et sans relâche » contre la corruption et les actes infractionnels qui lui sont voisins, en l’occurrence la concussion, le détournement des deniers publics, le favoritisme, le clientélisme, etc. En le disant de cette manière, on ne peut pas douter de sa bonne foi de voir l’État ne plus gagner du temps. Du temps pour continuer à ne pas se réformer, à dépenser plus et à fabriquer de la norme étouffante (une fiscalité lourde) pour l’activité économique et sociale.
Les élites au pouvoir, à tous les niveaux, s’enrichissent insolemment à la barbe et au nez de la majorité de la population sans que cela ne l’émeuve. Ceux qui nous dirigent gonflent inexorablement, laissant de côté cette majorité, donc tous ceux qui travaillent et investissent. Enfin, last but not least, telle une rivière, la corruption ruisselle à travers toutes les strates sociales, la politique étant devenue le sésame qui ouvre la porte de la fortune de la honte.
État dispendieux
La corruption est devenue un sport national. « Okanisi yo nde moto okobongisa mboka oyo » (traduisez : tu crois que c’est toi qui va développer ce pays), entend-on souvent dans la ville de Kinshasa, ville de tous les fantasmes.
Dans ce pays, un président de la République avait institutionnalisé le détournement de l’argent public en plein meeting populaire : « Yiba, mais yiba moke » (traduisez : vole un peu mais ne prends pas toute la caisse). Ici, c’est la démesure, on ne veille pas à modérer les dépenses, etc. Au contraire, on montre ostentatoirement « sa » réussite financière.
Comme la ville-capitale, siège des institutions, l’État est aussi dispendieux. Il ne donne pas de travail aux masses en chômage ni des salaires décents à ceux qui travaillent. En milieu urbain ou en milieu rural, même les élus qui servent de lien social entre la population et l’État, ne sont plus en odeur de sainteté.
Qui assurera désormais la relation entre le citoyen et un État de plus en plus lointain ? Qui fera vivre la solidarité et la cohésion nationales ? L’État en République démocratique du Congo consume tout. Il est une cigale.
Dans sa fable moralisatrice, Jean De La Fontaine fait l’éloge de la fourmi travailleuse par rapport à la cigale insouciante, qui, non contente de chanter tout l’été, donne des leçons aux fourmis et leur impose sa loi.La corruption a atteint un niveau jamais vu depuis près de trente ans. La corruption d’État intrigue. Quand elle ne suscite pas l’animosité. Malgré le cri d’alarme des ONG et les critiques des médias retentissant trop fortement, les nouvelles des fameux trains de vie de nos dirigeants politiques n’émeuvent plus dans ce pays.
L’État n’a jamais été aussi dispendieux au lieu de réduire ses dépenses publiques. Et chaque Congolais, consciemment, sait qu’il ne peut plus compter que sur lui-même pour s’assurer une vie décente.