L’acte uniforme de l’OHADA portant sur l’organisation des sûretés, appelé également garanties, est un élément essentiel du droit des affaires. Il contribue à l’amélioration de la sécurité et de la confiance dans les relations entre commerçants. La vingtaine d’entreprises muées en sociétés anonymes peuvent en tirer profit ou périr. C’est le cas des CFU-F. Décryptage.
Trois types de garanties s’offrent aux entreprises congolaises : les sûretés personnelles (cautionnement, lettre de garantie et de contre-garantie) ; les sûretés mobilières (droit de rétention, gage, nantissement et privilèges) et les sûretés immobilières (hypothèques). Malgré leur réforme sanctionnée par des lois nouvelles, les entreprises du portefeuille de l’État sont encore gérées sous l’ancien régime. Tout dépend du ministre de tutelle.
Quand les prémisses sont fausses
La transformation des entreprises publiques se heurte également à la problématique de l’inventaire de la situation patrimoniale de chacune de ces entreprises. Ici, un mot revient à la bouche de toute bonne conscience : prévarication. Autrement dit, légèreté. L’inventaire de la situation patrimoniale des entreprises éligibles à la transformation en sociétés à responsabilité limitée devrait obligatoirement comprendre un état détaillé de leurs actifs et passifs. C’est partant de cet inventaire – dûment certifié par un collège de commissaires aux comptes et par un auditeur externe mis en place pour la circonstance par le ministère du Portefeuille – que le capital social, aussi minime soit-il, a été établi.
Des observateurs relèvent, en effet, la légèreté qui a caractérisé la fixation des capitaux des entreprises du secteur des transports, par exemple. L’ex-ONATRA ne vaut qu’un peu plus de 600 millions de dollars. Ici, les fameux experts censés établir la situation patrimoniale ont dénié à l’ex-office le droit de propriété sur la plupart des biens immeubles. L’IMMOAF a estimé que la tour de l’ONATRA, en plein cœur du centre des affaires, ne valait que 15 millions de dollars.
Par ailleurs, pour l’État, le capital des Lignes aériennes congolaises (LAC) ne dépasse guère les 16 millions de dollars. Quoique l’entreprise dispose de vastes terrains – dont celui qu’occupe actuellement la police de routière, au croisement du boulevard du 30 Juin et de l’avenue du Port, juste devant le terminus LAC -, l’État aurait gracieusement offert ce terrain à l’entreprise RAKEEN pour y construire deux tours et un centre commercial.
Autre entreprise du secteur, les Chemins de fer des Uele-Fleuve. Capital : 1 franc congolais. Certes, comme les LAC, cette société avait cessé toute activité pendant la guerre de l’AFDL. Mais les CFU-F disposent de vastes terrains à Buta, Isiro, Ubundu, etc. Nul doute que personne, parmi les experts ès patrimoines du portefeuille, n’a fait le déplacement vers ces localités. Les CFU-F se sont également dotés de moteurs et autres pièces de rechange pour locomotives qui ont longtemps traîné au port de Bumba, faute de frais de déchargement. La société a notamment pour objet l’exploitation du port fluvial de Bumba, celle du transport routier sur les axes Aketi-Bumba, Buta-Kisangani, Aketi-Bondo, Buta-Isiro, Kisangani-Isiro et Kisangani-Bunia, ainsi que d’autres chemins de fer et services de transport par route qui lui seraient concédés ultérieurement, lit-on dans ses nouveaux statuts qui remontent à 2009.
Autres missions: l’exploitation du transport par voie d’eaux et d’autres ports dont la gestion lui serait confiée et de tous les services connexes. Elle pourra aussi s’intéresser par voie d’apports, souscription, fusion, participation financière, ou sous toute autre forme, dans des sociétés ou entreprises ayant un objet similaire ou connexe au sien, ou de nature à faciliter, développer directement ou indirectement son activité. Et d’une manière plus générale, toutes opérations commerciales, industrielles, financières, mobilières ou immobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement à son objet social.
Conclusion absurde.
Et les CFU-F ont naturellement la gestion du chemin de fer reliant Aketi à Mungbere, et Aketi à Bumba, les bretelles Komba-Bondo et Andoma-Titule, ainsi que d’autres extensions et embranchements existant et à venir, tels que le précisent ses statuts. Certes, sa voie ferrée ne répond plus aux normes. L’écartement est de 0,60 m alors que la mesure standard actuelle est de 1 m. Toutefois, lors de l’arrivée de l’ITB Kokolo rénovée à Kisangani, le ministre des Transports et des Voies de communication, Justin Kalumba, avait déclaré que 4 locomotives seront alignées sur la voie des CFU-F. Comme pour dire que l’entreprise est encore viable. Et, en tout état de cause, même si la société était à vendre en mitrailles, ce n’est pas à un franc.
Du temps du régime de transition « 1+4 », une firme française avait offert de reprendre les CFU-F. Le dossier a été classé sans suite. Les CFU-F n’ont pas non plus fait l’objet d’un intérêt particulier dans le Projet de transport multimodal (PTM), financé notamment par la Banque mondiale. La vingtaine de locomotives réceptionnées par la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC) est le fruit du PTM. Le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, s’est dit étonné de voir que la Chambre haute du Parlement n’en soit pas suffisamment informée. C’est une politique visiblement délibérée, comme pour éviter les questions orales et autres interpellations.
C’est dans ce climat de chaos, de confusion, de prévarication et d’incurie qu’une nouvelle mise en place avait commencé dans les entreprises du portefeuille de l’État avant de s’arrêter net. Il est donc difficile, sinon impossible, pour les CFU-F de solliciter un emprunt, sinon un partenariat, tant que l’État, actionnaire unique, s’applique à l’immobiliser à la gare du désespoir. Pourtant, sans la relance de ce chemin de fer, les provinces du Bas et du Haut-Uele, et même la Tshuapa et le Nord-Ubangi, ne vaudront pas un seul penny.