Il y a des années de cela, ce qui s’appelait Institut supérieur des sciences et techniques de l’information (ISTI) était considéré comme l’une des meilleures écoles de journalisme en Afrique. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’un lointain souvenir.
Au commencement était l’ISTI, créé en 1973. Des générations entières de journalistes du pays et d’ailleurs sont passées par là. Leur professionnalisme n’a jamais été remis en question. Puis, un jour, l’ISTI se mua en Institut facultaire des sciences de l’information et de la communication (IFASIC). Comme par enchantement, on assiste depuis des années à une forte baisse de la qualité de l’enseignement.
Il y a eu un accroissement de la population étudiante qui a conduit à cette détérioration de la situation. Pour satisfaire à une demande de plus en plus croissante et ne mécontenter personne, les autorités académiques trouvèrent judicieux d’organiser les cours d’une façon particulière. Les jours d’enseignement furent scindés en deux, surtout pour les classes de recrutement. C’est ainsi que deux groupes d’étudiants suivent les cours les jours pairs pour les uns, et les jours impairs pour les autres, même si les horaires sont les mêmes, de 8 heures à 15 heures comme à l’époque de l’ISTI. Conséquence : un cours de 45 heures qui jadis se donnait sur une période de six jours par semaine, puisse être épuisé seulement trois jours par semaine. Comment, dans ces conditions, l’enseignement peut-il être de bonne qualité, alors même que le programme n’est pas respecté ? Pire, l’année académique, qui doit durer neuf mois, se règle en quatre mois et demi. Il n’est donc pas étonnant que cet institut qui jouissait d’une bonne réputation soit méconnaissable. Même le concours d’entrée n’a plus sa valeur d’antan.
L’IFASIC semble avoir mis une croix sur sa raison d’être et privilégié les préoccupations matérielles. L’illustration en a été donnée il y a six ans. Face à précarité dans laquelle ils se trouvaient à cause du petit nombre d’étudiants, les autorités académiques et le corps enseignant décidèrent d’augmenter le nombre des inscriptions. Aujourd’hui, chacun sait que les capacités d’accueil des infrastructures de l’IFASIC sont limitées à 500 unités. Or il y a déjà environ 3000 étudiants. Cela ne constitue pas, loin s’en faut, une réponse à une éventuelle demande croissante.
Sans prendre en compte le fait que la mauvaise qualité de la formation a dépassé depuis longtemps le seuil critique, le corps académique se livre, comme partout dans le système d’enseignement congolais, au racket, au chantage à la science et à la réussite académique au nom, paraît-il, de l’obligation de réussite. Comme partout, les enseignants sont devenus les nègres des étudiants en rédigeant à leur place mémoires et autres travaux contre des espèces sonnantes et trébuchantes. Les tarifs vont varient entre 200 et 400 dollars, selon qu’il s’agit d’un travail de fin de cycle ou un mémoire de licence. L’initiative vient souvent de ceux-là même qui sont chargés d’encadrer les travaux. Ils se donnent le malin plaisir de faire marcher les étudiants en leur faisant changer régulièrement de sujet. C’est quand la situation devient plus qu’urgente en fonction du calendrier académique, que les encadreurs abattent leurs cartes en proposant leurs services. Placés devant le fait accompli, les étudiants, même s’ils avaient l’envie d’écrire eux-mêmes leur dissertation, cèdent à cette espèce de chantage.
Comme dans tous les établissements d’enseignement supérieur et universitaire du pays, l’IFASIC est également un lieu où le sexe et l’argent priment sur conscience professionnelle et la soif de savoir. Les haines viscérales entre collègues à cause d’une étudiante désirée par tous sont de notoriété publique. Les étudiants se souvient d’une vive altercation entre deux professeurs dans la cour de l’institut. Cause de la discorde ; une étudiante convoitée qui attendait dans une salle pour la soutenance de son mémoire. L’un des hommes jurait par tous ses ancêtres que la belle échouerait lamentablement, tandis que l’autre prédisait un succès retentissant. Au bout du compte, la belle s’en tira avec une note historique de 24 sur 30. Pour satisfaire le premier prétendant, le second dut se consoler en suggérant des modifications que la fille devait introduire dans son texte afin d’obtenir son titre académique. En réalité, lesdites modifications impliquaient, scientifiquement, le rejet pur et simple du travail ! Autre anecdote, ce professeur membre du comité de gestion de l’IFASIC qui à cause d’une histoire de fille, se venge sur un étudiant, son rival, en lui intimant l’ordre de défendre son mémoire…tous documents fermés.
Tous ces comportements ont des conséquences sur la réputation de l’IFASIC. La plus grave est sans doute le fait que le niveau professionnel des journalistes et des spécialistes de la communication issus de l’IFASIC est très faible. Les étudiants ont, certes, des diplômes, mais leurs capacités sont très limitées. Comment faire pour changer la donne ? Les uns et les autres, étudiants comme professeurs, devraient commencer par se remettre en question.