Six mois sont passés depuis que l’Assemblée nationale avait donné au directeur général de la REGIDESO un ultimatum de quinze jours pour renforcer les capacités de desserte en eau de l’entreprise. Sinon une commission d’enquête parlementaire allait s’intéresser à sa gestion. Rien n’a évolué.
La commission d’enquête parlementaire n’a jamais été constituée. Pendant ce temps, les prestations de la REGIDESO ne cessent de se détériorer. Selon des experts, l’Assemblée nationale s’était, en réalité, trompée de cible ou d’interlocuteur. Les vrais pouvoirs au sein de la REGIDESO ont été confiés, depuis fin décembre 2012, aux experts du groupement FINAGESTION et de la Sénégalaise des Eaux (SDE) pour une durée de cinq ans à travers un contrat de service. Les postes clés sont, à ce jour, occupés par des experts – c’est comme cela que le Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques (COPIREP) les désigne – ouest-africains. Près de trois ans se sont déjà écoulés. Mais la fourniture en eau, même dans la capitale, ne s’est guère améliorée.
Contrat de service contre contrat de performance
Toutefois, les membres du conseil d’administration de la REGIDESO sont, eux, liés à l’État par un contrat de performance. Ce comité a pour mission, indique la ministre du Portefeuille, Louise Munga, de suivre l’exécution du contrat, de veiller au respect des obligations de chacune des parties et d’évaluer les résultats du contrat. Une mission quasi-impossible car, à en croire ce cadre de la REGIDESO, les experts ouest-africains n’en feraient qu’à leur tête.
C’est plutôt l’État qui ne serait pas coopératif. Sinon un partenaire peu crédible, pensent certains du côté de la Banque mondiale, qui est impliquée dans la réforme. Depuis 2012, les arriérés des factures de l’État vis-à-vis de la REGIDESO s’élèvent à près de 80 millions de dollars. Alors que cette société a besoin de 130 millions de dollars d’investissements l’an pour que ses activités soient proportionnelles à la croissance démographique du pays. Et ce sur dix ans, soit un budget de 1,3 milliard de dollars.
Alors qu’elle cherche désespérément des financements, la REGIDESO peine, cependant, depuis déjà trois ans, à organiser son opération, annoncée tambour battant, de recouvrement spécial de ses créances. Quelque 4,6 milliards de FC, soit 5 millions de dollars. Le ministère des Ressources hydrauliques et de l’Electricité, qui avait donné son accord, se serait ravisé. La REGIDESO a notamment ciblé l’Hôtel de ville de Kinshasa, le stade des Martyrs (que la SNEL a plus d’une fois privé d’électricité), la chaîne publique RTNC, ainsi que trois entreprises, à savoir la Régie des voies aériennes (RVA), dont la moyenne des revenus annuels se chiffre à 75 millions de dollars, la Société commerciale des transports et des ports (SCTP, ex-ONATRA) qui réalise quelque 120 millions de dollars des recettes l’an , en moyenne, ainsi que la Société congolaise des postes et télécommunications (SCPT, ex-OCPT) dont la location de la fibre optique aux opérateurs GSM lui rapporte au bas mot 900 000 dollars mensuels.
Pas de convention de service public avec l’État
Mais pour le Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques (COPIREP), la REGIDESO a tout faux ou presque. Le COPIREP fait, par exemple, état de l’absence de clarté sur le régime juridique des biens constituant l’actif immobilisé de la REGIDESO et acquis après le 31 décembre 1973 ; du manque de titres de propriété de la quasi-totalité des biens immobilisés figurant à l’actif du bilan de la REGIDESO à la date de sa transformation en société commerciale en date du 31 décembre 2009, ou encore du caractère suranné du cahier des charges de la REGIDESO par rapport à son statut juridique actuel.
Il y a aussi l’absence d’une convention de gestion du service public de l’eau entre l’État et la REGIDESO. Ou encore l’existence d’un important volume de créances croisées entre la REGIDESO et l’État, d’une part, et la REGIDESO et les autres sociétés commerciales ayant l’État comme actionnaire unique ; du volume important de la dette commerciale, financière et sociale due par la REGIDESO à des tiers dont elle est incapable d’assurer la prise en charge (passif non assurable) ainsi que d’un volume important d’emprunts contractés par l’État et rétrocédés à la REGIDESO, en plus du manque de clarté sur le sort leur réservé.
L’État a, en réalité, déjà scellé le sort de la REGIDESO. Cette entreprise ne sera plus qu’une société de patrimoine et la distribution d’eau devant être assurée par des privés, sauf imprévu, d’ici 2016. La stratégie de la restructuration de la REGIDESO conçue par le COPIREP et approuvée par le gouvernement remonte, en effet, à juillet 2011. Selon des experts, la REGIDESO sera d’abord transformée en société de patrimoine, techniquement et financièrement viable, propriétaire et/ou concessionnaire des infrastructures de production et de distribution d’eau.
Ensuite, il sera procédé à la redéfinition des périmètres des centres d’exploitation de la société en fonction des critères de viabilité technique, économique et financière sans forcément suivre la logique de la décentralisation administrative et politique du pays. Enfin, la cession de l’exploitation des activités de production et de distribution d’eau à des sociétés d’exploitation privées et/ou publiques à travers, selon le cas, des contrats d’affermage, des contrats de gestion ou toute autre forme de partenariat jugée utile, à conclure sur les périmètres des centres préalablement définis. Le capital social de la REGIDESO a été fixé par l’État actionnaire unique à moins de 650 millions de dollars.