L’immigration climatique affectera plus l’Afrique subsaharienne

Le changement climatique devient une menace économique, sociale et existentielle plus forte, surtout dans les villes confrontées à des crises de l’eau, dans les régions côtières et agricoles qui ne peuvent plus produire de cultures essentielles, selon la directrice générale de la Banque mondiale.

 

Alerte. C’est un récent rapport de la Banque mondiale qui la lance : l’Afrique subsaharienne fournira le plus gros contingent de migrants climatiques, d’ici 2050, si rien n’est fait pour lutter contre le dérèglement climatique à cette échéance. Sur les 143 millions de personnes qui devraient fuir une chute vertigineuse de la production agricole, une grave pénurie d’eau ou encore une élévation du niveau de la mer, durant les quatre prochaines décennies, quelque 86 millions seront des ressortissants des pays d’Afrique subsaharienne, précise le rapport publié le 19 mars. 

Selon cette étude, trois régions du monde en développement sont vulnérables au changement climatique : 86 millions de « réfugiés climatiques » potentiels en Afrique subsaharienne, 40 millions en Asie du Sud et 17 millions en Amérique latine. « Ces trois régions du monde représentent 55 % de la population des pays en développement. Et les millions de personnes concernées représentent 2,8 % de la population de ces régions », précise la Banque mondiale. 

La Banque mondiale a choisi de mettre en lumière la situation de trois pays des trois régions: le Bangladesh, le Mexique et l’Éthiopie. « Ces pays ont des profils très différents sur le plan du climat, de la démographie, des flux migratoires, des moyens de subsistance et du développement », affirme la Banque mondiale. 

Dans le pire des scénarios envisagés par l’étude, l’Asie du Sud comptera 40 millions de réfugiés climatiques internes en 2050, dont un tiers seulement au Bangladesh. « Dans ce pays, près de la moitié des habitants sont tributaires de l’agriculture, les problèmes de pénurie d’eau et de baisse de la production agricole liés aux dérèglements climatiques risquent de conduire à d’importants mouvements de populations », indique le rapport. En Afrique subsaharienne, l’agriculture pluviale à une grande importance : « Les projections tablent sur une croissance de la population éthiopienne de l’ordre de 60 à 85 % à l’horizon 2050, ce qui viendra accentuer encore davantage les pressions exercées sur les ressources naturelles du pays et sur ses institutions. » Enfin, au Mexique, ce sont les régions agricoles non irriguées, principalement en raison de la baisse du rendement des cultures, qui devraient connaître le flux d’émigration le plus importants : « Le pays va connaître une hausse des températures moyennes et extrêmes, en particulier dans les zones de faible altitude (et par conséquent plus chaudes) ; cela concerne notamment les zones côtières, et particulièrement le Yucatan ».

« Chaque jour, le changement climatique devient une menace économique, sociale et existentielle plus forte », déplore Kristalina Georgieva, directrice générale de la Banque mondiale. « Nous le constatons dans les villes confrontées à des crises de l’eau sans précédent, dans les régions côtières expérimentant la vague de tempêtes destructives, dans les régions agricoles qui ne peuvent plus produire de cultures essentielles », a-t-elle ajouté. La Banque mondiale souligne, toutefois, que les déplacements de populations liés au changement climatique pourraient être diminués de 80 %, grâce à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’intégration des migrations dans les plans de développement ou à des investissements destinés à mieux comprendre les processus de migration climatique interne.

Transport maritime

Par ailleurs, un accord mondial pour réduire les émissions carbone du transport maritime a été signé à Londres. C’est ce que révèle l’Organisation maritime internationale (OMI). Selon laquelle cet accord vise à réduire « d’au moins 50 % » les émissions de CO2 du transport maritime d’ici 2050 par rapport au niveau de 2008. C’est la première fois, soulignent des observateurs, que l’industrie du transport maritime fixe des objectifs chiffrés en matière de lutte contre le changement climatique. Le secteur n’était pas directement concerné par l’Accord de Paris signé décembre 2015 lors de la COP21. L’OMI compte 173 États membres.

Cette stratégie initiale prévoit de poursuivre les efforts pour éliminer complètement les émissions totales de gaz à effet de serre. Le secrétaire général de l’OMI, Kitack Lim, estime qu’il s’agit d’une « base pour des actions futures », et encourage les États membres à « poursuivre (leurs) efforts ». La ministre britannique des Transports, Nusrat Ghani, salue un « moment décisif » : « Nous travaillerons avec les autres États membres pour faire en sorte que l’industrie du transport maritime opère une transition vers des navires à zéro émission le plus rapidement possible. » Les États-Unis et l’Arabie Saoudite s’étaient opposés aux versions précédant l’accord définitif.

La marine commerciale représente 80 % du transport international de marchandises, et 2 à 3 % des émissions mondiales de CO2. Selon l’Institut de l’énergie de l’Université catholique de Louvain (UCL), l’accord est compatible avec un réchauffement des températures mondiales de 2°C par rapport au niveau de l’ère pré-industrielle, soit une ambition moindre que celle de l’accord de Paris, qui vise un réchauffement global inférieur à ce niveau, avec un objectif de 1,5°C. L’accord résulte d’un compromis, certains pays du Pacifique et l’Union européenne poussaient pour adopter une réduction de 70 % à 100 des émissions de CO2 d’ici 2050. À l’inverse, d’autres, comme le Japon, ne souhaitaient pas imposer la réduction de 50 % des émissions avant 2060.

La présidente des Îles Marshall, Hilda Heine, qualifie l’accord d’ « historique », tout en soulignant la nécessité de « l’améliorer » pour donner à son pays, menacé par la montée des eaux, « une voie vers la survie ». L’Organisation Climate Action Network estime que l’accord constitue une « première étape bienvenue », tout en se disant attentive à son application.