Plutôt que de se faire parvenir par fax ou mail des dizaines de pages de rapports médicaux, des médecins britanniques préfèrent utiliser Snapchat, révèle une étude publiée le 5 juillet par Google DeepMind, une entreprise britannique propriété d’Alphabet spécialisée dans l’intelligence artificielle. Face à l’ancienneté et à la faible dimension user friendly des outils mis à leur disposition par le NHS, le système de santé britannique, les médecins du Royaume-Uni en sont réduits à trouver des solutions afin de gagner en réactivité et efficacité, affirme dans son premier rapport annuel le panel d’experts indépendants convoqués par Deep Mind Health. Pour certains médecins britanniques, Snapchat serait donc une solution de repli. Très concrètement, ils disent utiliser l’application pour zoomer sur une phrase dans un dossier médical ou prendre une radio en photo sur laquelle ils peuvent ensuite ajouter un commentaire.
Les problèmes
Ainsi, ils feraient parvenir à leurs collègues des informations extraites des dossiers médicaux de leurs patients. Des millions d’informations privées de santé circulent sur l’application de partage de photos et vidéos, et se retrouvent donc exposées à des risques de piratage. « Il est difficile de critiquer ces individus dans la mesure où cette technique leur permet de faire leur travail », explique un expert. « Mais il s’agit d’une manière d’opérer non sécurisée, risquée et non vérifiable, qui ne peut pas continuer d’exister. », souligne-t-il. Ils sont nombreux à penser comme lui. Car on est en plein, selon eux, dans la médecine spectacle. Et le sort du secret professionnel ?
Le principe n’est pas nouveau. Aux États-Unis, des chirurgiens esthétiques font des snaps de leurs opérations. D’autres opèrent en direct devant des millions d’internautes, lunettes Spectacles au nez. Mais tout cela n’est pas très rassurant : « si les professionnels de santé donnent à voir leur travail, ils partagent par la même occasion des données qui, au nom du secret médical, sont normalement confidentielles. » En France, le phénomène n’est pas encore vraiment répandu, mais les patients ne sont pas moins à l’abri de voir leurs informations de santé circuler dans la story Snapchat de leur infirmière, de leur gynécologue ou sur le mur Facebook de leur médecin généraliste. Quelle éthique pour les professionnels de santé face aux réseaux sociaux ? « On peut comprendre la fascination des professionnels de la santé pour ces applis où l’on interagit en temps réel, où l’on abolit le temps et l’espace mais quoiqu’il arrive, le code de déontologie s’applique », commente l’avocat en droit de la santé, Omar Yahia joint par Mashable FR.
Le secret médical oblige les médecins à ne dévoiler aucune des données de leurs patients, mais ces informations peuvent néanmoins être partagées avec d’autres professionnels de santé dans l’intérêt du malade, lorsque cela permet par exemple d’assurer la continuité des soins administrés. En France, on parle alors de « secret partagé ». « Filmer une opération dans un cadre médical entre professionnels, cela arrive souvent mais peu importe le cas, le patient doit en être informé et donner son consentement par écrit s’il est reconnaissable », explique à Mashable FR Hélène Nativi, avocate spécialisée en droit de la santé. « Partager des photos, vidéos et autres informations dans l’intérêt de la science ou simplement filmer son patient comme on filme son assiette pour la mettre sur un réseau social, c’est tout simplement inacceptable », ajoute l’avocate. Le professionnel de santé doit veiller à ne pas « déconsidérer la profession ». Une fois partagé, le contenu échappe aux médecins et peut être capté par des appli tierces ou même piraté. Face aux dérives constatées dans certains pays anglo-saxons, le Conseil national de l’ordre des médecins (France) avait d’ailleurs publié en 2011 un livre blanc sur l’usage des réseaux sociaux. Sont ainsi distingués les réseaux professionnels des réseaux grand public. Sur chacun d’entre eux, le professionnel de santé doit cependant veiller à ne pas « déconsidérer la profession ». « Même lorsqu’elle ne viole pas le secret professionnel car le patient n’est pas reconnaissable, la photo d’une cicatrice ou un commentaire salace partagés sur les réseaux sociaux peuvent suffire à condamner le professionnel concerné dès lors qu’ils ne font pas honneur à la profession en ne respectant pas le patient », explique à Mashable FR, Renan Budet, avocat en droit de la santé et responsable de la commission bioéthique et santé au sein de l’ordre des avocats de Paris.
Pour violation du secret médical, les professionnels de santé s’exposent à des mesures disciplinaires et peuvent être poursuivi devant un tribunal correctionnel pour des sanctions qui peuvent aller, in fine, de l’avertissement jusqu’à la radiation.